Cautionnement de prêt immobilier : La faute du crédit logement sanctionnée.

Par Charlyves Salagnon, Avocat.

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Explorer : # cautionnement # prêt immobilier # responsabilité

Par un important arrêt du 20 février 2019, (Cass. Civ 1ère 20 février 2019 n°17-27.963), la Cour de cassation rend une décision inédite en faveur des emprunteurs immobiliers poursuivis par une caution institutionnelle, telle que le Crédit logement.

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La situation est des plus connues : une personne a souscrit un prêt immobilier, pour l’achat de sa maison d’habitation.

Par la suite, l’emprunteur va connaître des difficultés dans le remboursement du prêt.

La banque va alors prononcer, dans des conditions contestables, la déchéance du terme du prêt, rendant ce dernier exigible en totalité.

Le crédit logement va, de ce fait, être actionné par la banque, en qualité de caution, avant de se retourner contre l’emprunteur.

Cette situation met en exergue les particularités de ce schéma.

Le remboursement du prêt cautionné par une caution institutionnelle (crédit logement).

En pareil cas, le remboursement du crédit peut être garanti de différentes façons.

Les plus fréquentes sont :

1 - l’hypothèque conventionnelle : dans ce cas, la banque prend une hypothèse sur le bien immobilier acheté, de manière à pouvoir le saisir en cas de défaut de remboursement des échéances de prêt.

2- Le cautionnement institutionnel : dans cette seconde hypothèse, également largement répandue, le remboursement du crédit est garanti par une caution institutionnelle, telle que par exemple le crédit logement, lequel s’engage, comme toute caution, à régler le créancier, en présence de défauts de paiement de la part de l’emprunteur.

Ensuite, la caution se retourne contre l’emprunteur pour réclamer le remboursement des sommes versées, sur simple demande, au créancier, en l’occurrence la banque.

La plupart du temps, une caution telle que le crédit logement réclamera une quittance subrogative, lui permettant d’être ainsi subrogée dans les droits du créancier, et d’agir à l’encontre de l’emprunteur, au titre de cette action subrogatoire.

Pourquoi préférer une caution institutionnelle à une hypothèque ?

Ce mécanisme de cautionnement présente des avantages certains : il est plus souple, moins formaliste, et donc moins coûteux, et évite aux emprunteurs de faire l’objet d’une saisie-immobilière et leur offre ainsi une plus grande sécurité.

C’est la raison pour laquelle, lorsque le risque d’impayé est moindre, les banques et les emprunteurs ont plus facilement recours à ce type de garantie.

Quelle recours la caution (le crédit logement) peut-il exercer contre l’emprunteur ?

Le crédit logement, comme d’autres organismes institutionnels de cautionnement, après avoir désintéressé la banque, se retourne contre l’emprunteur, en l’assignant en justice afin d’obtenir le remboursement des sommes réglées, suivant quittance subrogative.

Cette souplesse, dans les modalités de mise en œuvre, semble offrir une grande liberté d’action aux cautions institutionnelles, qui agiront ensuite en justice contre l’emprunteur, lequel n’aura plus en face de lui comme interlocuteur la banque, mais la caution, à qui, par définition, il ne peut pas, en principe, reprocher les éventuelles fautes de la banque.

Ce mécanisme est donc un mécanisme de confort pour la banque.

Quels moyens de défense de l’emprunteur contre la caution (le crédit logement) ?

Jusqu’ici, les moyens de défense de l’emprunteur contre la caution, qui avait réglé les sommes auxquelles elle aurait été tenue vis à vis de la banque, semblaient assez réduits.

De nombreuses décisions rejetaient les tentatives des emprunteurs d’engager la responsabilité du crédit logement, qui réglait, parfois rapidement, et dans des conditions contestables, la banque, alors même que l’emprunteur pouvait être en désaccord, ou en litige avec celle-ci.

De ce fait, le crédit logement privait l’emprunteur des moyens de défense dont ils auraient pu se prévaloir vis-à-vis de la banque, puisque ceux-ci ne pouvaient, après paiement du crédit logement, pas être opposés à ce dernier.

Quel apport de cette nouvelle jurisprudence pour les emprunteurs opposés au crédit logement, à la CNP, la SACCEF, ou toute autre caution institutionnelle ?

S’appuyant sur la faute de la caution, qui ne peut pas payer dans n’importe quelles conditions, sauf à engager sa responsabilité et à être privée de ses droits, la Cour de cassation rend l’arrêt précité.

Par cet arrêt, la Cour précise que celui qui s’est porté caution des dettes d’un autre ne doit pas payer à la première réclamation du prêteur, car il engagerait sa responsabilité et risquerait de perdre sa propre possibilité de recours.

Avant de payer, il doit attendre d’être poursuivi par le prêteur et en avertir à l’avance l’emprunteur, débiteur principal.

Le garant caution doit en effet laisser à l’emprunteur le temps de faire éventuellement valoir ses arguments, notamment s’il conteste l’exigibilité de sa dette. Il ne doit pas l’empêcher de se défendre en payant trop vite.

L’emprunteur, qui aurait pu contester, ne doit pas être empêché par la caution institutionnelle, sollicitée, qui ne saurait payer aussitôt, sans précautions, sans être poursuivie par la banque et sans laisser à l’emprunteur le temps de se défendre.

Cet emprunteur, qui ne peut alors plus faire valoir ses arguments pour contester la rupture avec le banquier, perd toute chance d’obtenir un accord ou une décision judiciaire favorable.

Dans ces conditions, indique la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi, la Cour d’appel a, à raison, rejeté toute demande de remboursement présentée par la caution crédit logement :

"Mais attendu qu’après avoir constaté que la caution a payé la créance à la banque le 28 octobre 2013 sans justifier avoir été poursuivie par cette dernière, l’arrêt relève qu’elle a adressé, le 22 octobre 2013, une lettre recommandée à Mme W. portant réclamation de la somme de 141.856,38 euros, mais que l’avis de réception mentionnait le 11 décembre 2013 comme date de distribution à Mme W. qui n’a donc pas été avertie du paiement qu’elle envisageait d’effectuer ; que la cour d’appel en a exactement déduit que la caution, qui avait effectué le paiement à l’insu de Mme W., et alors que celle-ci était en mesure d’opposer utilement à la banque, pour y faire obstacle, un moyen de droit tiré notamment de l’irrégularité de la déchéance du terme, se trouvait privée de son recours contre la débitrice ; que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu’il critique des motifs erronés mais surabondants, n’est pas fondé en sa seconde ;"

Cet arrêt est particulièrement intéressant en ce qu’il est particulièrement clair dans son exposé, et, semble-t-il, transposable à de nombreuses situations dans lesquelles le cautionnement est actionné de manière contestable.

Cette jurisprudence semble applicable à tous les organismes de cautionnement institutionnel, tels que le crédit logement, mais aussi CNP, la CASDEN, la SACCEF, la SOCAMI, et bien d’autres encore.

Charlyves SALAGNON, Avocat

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