1) Faits et procédure.
Un salarié a été engagé en CDI en qualité de « adwords coordinator » par la société Google Ireland Limited, à compter du 13 mars 2006.
Le 5 janvier 2011, son contrat de travail a été transféré au sein de la société Google LLC aux Etats-Unis, au sein de laquelle il a exercé les fonctions de « sales operations associate lead ».
Le 4 mai 2019, il a été engagé en qualité de « head of global reporting and analytics » par la société Google France par CDD du 6 mai au 6 novembre 2019, prolongé jusqu’au 31 décembre 2019.
Le 3 juin 2020, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes de requalification de son CDD en CDI avec une reprise d’ancienneté au 13 mars 2006 et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 13 janvier 2022, a :
- Requalifié le CDD du salarié en CDI
- Fixé le salaire mensuel de référence à la somme de 28 912,33 euros
- Condamné la société à verser au salarié certaines sommes à titre d’indemnités de requalification, de licenciement, de préavis, de congés payés afférents et de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.
2) Moyens.
La société Google fait grief à l’arrêt d’inclure dans l’assiette de calcul du salaire de référence la valeur des actions gratuites attribuées au salarié et de fixer son salaire mensuel de référence à la somme de 28 912,33 euros, alors que :
- L’attribution d’actions gratuites dans le cadre d’un plan défini au niveau du groupe et destiné à intéresser certains collaborateurs au capital de la société mère du groupe ne constitue pas une rémunération liée au travail et n’entre donc pas dans l’assiette de calcul des indemnités de rupture, peu important que les montants correspondant à l’acquisition des actions (c’est-à-dire la valeur des actions le jour où elles sont effectivement remises gratuitement au salarié) soient soumis au prélèvement de cotisations sociales
- La perte de chance d’acquérir des actions fait, en cas de rupture injustifiée du contrat de travail, l’objet d’une réparation spécifique distincte de la perte de rémunération indemnisée par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- En l’espèce, le contrat de travail du salarié stipulait une rémunération annuelle fixe de 151 000 euros à laquelle s’ajoutait une part variable pouvant atteindre 25% de la rémunération fixe et que la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par le salarié s’élevait à 16 816,01 euros.
3) Solution.
La chambre sociale suit l’argumentaire soulevé par la société Google et casse et annule l’arrêt d’appel, uniquement en ce qu’il a fixé le salaire mensuel de référence à la somme de 28 912,33 euros et condamné la société à verser au salarié diverses sommes au titre du licenciement et de la requalification.
Les juges de la haute Cour commencent par rappeler les textes légaux exploités :
- L’article L1245-2 du Code du travail, qui prévoit, en cas de requalification d’un CDD en CDI, le versement d’une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire
- L’article L1234-5 du Code du travail, qui prévoit que la dispense par l’employeur de l’exécution du préavis ne doit entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail
- L’article L1234-9 du Code du travail, qui prévoit que le salarié licencié alors qu’il était titulaire d’un CDI et avait au moins 8 mois d’ancienneté, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement, calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail
- L’article L1235-3 du Code du travail, qui prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans un tableau annexé à cet article.
En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a fixé le salaire mensuel de référence servant au calcul des indemnités de requalification et de rupture du contrat de travail à la somme de 28 912,33 euros, incluant les stock-options levées par le salarié pendant sa relation de travail avec la société Google France, aux motifs que :
« Si la plus-value réalisée par la levée des stock-options ne constitue pas une rémunération, il n’en est pas de même de la valeur desdites stock-options, celles-ci étant versées au salarié, cadre de haut niveau, pour rémunérer son travail, étant rappelé que les sommes correspondantes sont soumises au prélèvement des cotisations sociales et à une imposition libératoire ».
La chambre sociale condamne le raisonnement de la Cour d’appel et affirme que :
« En statuant ainsi, alors que ni la distribution d’actions gratuites ni l’attribution d’option sur titres ne constituent des éléments de rémunération entrant dans l’assiette du salaire à prendre en considération pour le calcul des indemnités litigieuses, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
4) Analyse.
Cette solution vient préciser la position de la chambre sociale sur le sujet.
Concernant les stock-options, la solution n’est pas nouvelle. Les juges de la haute Cour ont déjà eu l’occasion d’affirmer que les stock-options ne doivent pas être pris en compte dans le salaire de référence permettant de calculer les indemnités de rupture (notamment Cass. soc., 30 mars 2011, n°09-42.105).
En revanche, la solution est nouvelle concernant l’attribution gratuite d’actions. En effet, dans un arrêt du 4 novembre 2021 (n°19-23.681), la chambre sociale avait jugé que l’attribution gratuite d’actions devait être considérée comme de la rémunération et donc être prise en compte dans l’assiette de calcul des indemnités.
Toutefois, la formulation employée par la Cour de cassation dans cet arrêt de 2021 laissait à penser que les circonstances d’espèce ont impacté la solution (en l’espèce l’attribution gratuite d’action était réalisée en application d’un engagement unilatéral de l’employeur).
L’arrêt du 15 novembre 2023 vient donc clarifier la position de la Cour de cassation : que ce soit pour les stock-options (attribution d’option sur titres) ou pour les attributions gratuites d’actions, tous deux ne constituent pas des éléments de rémunération entrant dans l’assiette du salaire à prendre en considération pour le calcul des indemnités.
Sources.
C. cass. 15 nov. 2023, n° 22-12.501
C. cass. 30 mars 2011, n° 09-42.105 et n° 10-11.488
C. cass. 4 nov. 2021 n°19-23.681 et 19-24.215Cal