Une profession résiliente.
Souvent perçu comme un métier de prestige, être avocat comporte des responsabilités exigeantes, souvent génératrices de stress jusqu’à l’épuisement professionnel.
La clé de la prévention du burnout n’est pas, pour autant, dans une psychologisation à outrance du phénomène : elle est plutôt dans une approche pragmatique et déterminée, à la recherche de solutions réalistes, consistant à développer une saine connaissance de soi pour apprendre à réguler intelligemment sa charge de travail et instaurer une qualité de vie au travail ajustée à ses points forts et à ses points de vulnérabilité.
Oui, parfois, une thérapie ou des pratiques corporelles comme la sophrologie, la pleine conscience ou le yoga, peuvent aider à prévenir le burnout. Mais elles ne peuvent pas dédouaner les avocats de réfléchir, au quotidien, sur leurs pratiques professionnelles pour les ajuster en fonction de leur propre profil de personnalité : vulnérabilité au stress, capacité à gérer son temps, à organiser ses processus de travail, à demander de l’aide !
Le stress : un mal évitable !
Toujours selon Dalloz 2024, 78% des avocats ressentirait du stress dans leur quotidien : ce qui ne signifie pas que le stress est insurmontable.
A la base, le stress est positif : il est une réaction physiologique indispensable pour s’adapter à des situations imprévues. C’est quand le stress reste inconscient, sous-estimé voire nié que les ennuis commencent : car ceux qui le subissent n’ont pas la liberté d’en mesurer les effets pour réfléchir aux changements à adopter, concrètement, et pour empêcher qu’il ne devienne invasif.
Le stress s’installe, alors, à bas bruit, générant des effets négatifs sur la santé.
Chaque avocat doit réaliser ce qui le stresse de façon excessive, quelles pressions le mettent le plus en risque : charge de travail, longs horaires, relations clients, plaidoiries, peur de se tromper... autant de causes à repérer pour aménager des solutions personnalisées à chacun en fonction de ce qu’il connait de lui. Ce n’est qu’à cette condition que les avocats peuvent mettre ces pressions à distance grâce par exemple, à des outils de planification, de priorisation des tâches, de limitation des horaires de travail, d’élaboration de règles d’équilibre vie professionnelle et vie personnelle...
Les méthodes thérapeutiques ou les pratiques méditatives permettant de gérer le stress, font partie de ses "best-practices" : mais elles ne suffisent pas. Elles doivent s’accompagner d’une analyse approfondie et réflexive des situations de travail génératrices de stress.
En matière de prévention du burnout, on soigne autant le travail que les personnes au travail.
Halte au burnout ? Réalisme et gestion des attentes.
Un des pièges, c’est de penser que le burnout n’atteint que des professionnels vulnérables au stress. Alors que, dans la réalité, il est plutôt un risque pour les professionnels très investis, persévérants, perfectionnistes avec une difficulté à lâcher prise car ils se sentent hyper-responsables du résultat des actions qu’ils engagent. Ils tiennent bon, serrant les dents, jusqu’à un point de bascule, quand leurs qualités se retournent contre eux, contribuant à mettre en risque leurs équilibres intérieurs et extérieurs, alors qu’ils feraient mieux de s’aménager plus de pauses réflexives pour prendre du recul sur leurs pratiques et repenser leur cadre, espace et conditions de travail.
Les avocats les plus menacés par le burnout sont souvent ceux qui ont du mal à gérer les attentes des autres, avec des difficultés à travailler à bonne distance, dans la relation aux autres. Exigeants envers eux-mêmes, ils se laissent souvent mettre la pression. En cause, leur :
- difficulté à dire non,
- incapacité à poser des limites et à les faire respecter
- problème pour déléguer lorsque cela est nécessaire.
Ils auraient alors intérêts à prendre des décisions simples et pragmatiques comme :
- Apprendre à "éduquer" leurs clients,
- Mieux organiser leur travail,
- Trouver plus de soutien pour l’administratif.
Des réponses concrètes à des situations de stress excessif, identifiées à temps, sont souvent plus légères à mettre en place que de frôler un burnout qui obligera l’avocat qui en est victime, à se tourner vers des pratiques thérapeutiques ou méditatives certes, performantes mais qui vont ajouter un degré de complexité pour son agenda.
Une approche raisonnée : s’adapter sans se sur-adapter.
Deux autres pièges à éviter : l’évolution rapide des technologies et des attentes toujours plus fortes de la part des clients.
Que ce soit l’un ou l’autre, le plus important, pour l’avocat qui veut éloigner le risque de burnout, c’est d’être en capacité d’analyser, en temps réel, ses habitudes de comportement pour en mesurer l’efficacité et les ajuster en permanence aux évolutions technologiques ou aux changements d’attentes chez les clients.
Pour cela, la meilleure approche, c’est l’agilité : être en capacité de faire, à tout moment et en temps réel, son bilan de compétences, sorte de boussole interne pour s’adapter avec finesse, sans se sur-adapter. Ainsi, l’avocat pourra donner le meilleur de lui-même afin de challenger ses concurrents et de mieux servir ses clients. C’est une approche d’analyse réflexive du réel, analyse concrète de ses gestes professionnels pour une amélioration en continue face aux changements d’environnement.
Les avocats doivent accepter que leur métier évolue en continue. Ils sont tenus d’investir, régulièrement dans des formations courtes et de qualité : pas seulement des formations techniques mais des formations humaines, aussi, qui leur donnent des clés de lecture pour une prise de recul sur ce qu’ils font, afin d’être capables de s’adapter sans se sur-adapter. Des formations-actions qui transmettent des grilles simples de lecture et des outils efficaces pour se repérer dans la complexité des relations humaines au cœur du système judiciaire.
Psychologiser la vie professionnelle ?
Une dérive possible du métier d’avocat : une posture de sauveteur dans les difficultés relationnelles.
L’accompagnement de l’humain est au cœur du métier : et comme tout métier de l’accompagnement, il nécessite d’être, soi-même, au clair avec son humanité. Mais,
- Comment accompagner un client stressé si l’on est soi-même perclus de stress ?
- Comment écouter un client, quand on est à la limite du burnout ?
- Comment aider un client à prendre confiance si l’on a, soi-même des failles en terme d’estime de soi ?
Sans aller jusqu’à une exigence de thérapie, l’avocat doit être capable de cultiver des relations de saine affirmation de soi avec une juste maîtrise de son stress pour ne pas le faire porter à ses clients et avec une clairvoyance de ses limites pour ne pas risquer un burnout le prenant par surprise alors que ses clients comptent sur lui.
Or, pour mieux maîtriser son stress, au quotidien, il faut en comprendre les mécanismes à ses différentes phases : stress normal, aigu, chronique, sur-stress maîtrisé ou dépassé jusqu’à la phase ultime d’effondrement propre au burnout.
Identifier ce qui se passe, à chaque phase, permet d’éloigner le risque et, ce faisant, de tenir à distance les processus thérapeutiques indispensables, ensuite, pour réparer les dégâts du mauvais stress qui conduit à l’épuisement délétère pour la santé mentale et physique.
Rééquilibrer vie personnelle et professionnelle.
Autre dérive : selon Dalloz 2024, 68% des avocats estime avoir des difficultés à équilibrer leur vie personnelle et professionnelle.
Le bon sens est de rigueur : la balle est dans leur camp pour corriger ce déséquilibre.
Choisir ce à quoi et à qui on veut donner de la valeur, prendre de la hauteur sur la gestion de ses priorités et de ses horaires, ce sont des gestes professionnels indispensables pour que les avocats restent « auteurs », sujets de leur vie en évitant de se traiter, eux-mêmes, comme des objets de production. C’est à cette seule condition qu’ils auront autorité pour se faire respecter par les autres, managers, clients, collègues, collaborateurs, juges.....
Et une des clés du respect de ses équilibres, c’est la déconnexion au travail : se détacher des écrans, prendre des pauses régulières, instaurer des rituels de vie, des moments dédiés à sa vie privée, intime, précieuse.
Conclusion : rétablir une vision pragmatique de la profession d’avocat.
En définitive, les avocats ont, autant que les autres, à faire face aux défis de rester en bonne santé physique et mentale au travail.
- Ils peuvent le voir comme un défi qui protège leur intégrité et leur dignité, comme personne.
- Ils peuvent aussi le voir comme un défi déontologique au service de la qualité du service client, en restant maître de leurs équilibres de vie.
Il est important de ne pas céder à la tentation de voir ces défis comme des problèmes, nécessitant une solution thérapeutique complexe. Une simple approche, pragmatique incluant une meilleure analyse réflexive du travail, une gestion réaliste du stress, des relations de saine affirmation de soi avec les autres, et des attentes claires dans ses relations avec les autres, suffisent souvent à résoudre les questions de bien-être aussi bien dans leur version "plaisir au travail" que dans leur version "prévention du mauvais stress et du burnout"....