Avancées juridiques : les pays qui élèvent la considération des droits des animaux au statut constitutionnel.

Par Teresa de Jesus Candeias, Juriste.

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Explorer : # droits des animaux # constitutionnalisation # bien-être animal # protection juridique

Les animaux sont des êtres dotés d’une sensibilité physique et psychique qui leur permet, tout comme les êtres humains, d’éprouver la douleur et le plaisir - étant entendu qu’ils cherchent naturellement, par tous les moyens, à éviter les expériences douloureuses.
Certains pays ont élevé à valeur constitutionnelle les droits des animaux et de leur protection. L’objet de cet article est d’en faire un petit tour d’horizon.

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Les animaux ont une vie et une liberté propres, qu’ils cherchent également à préserver, à l’instar de ce que font les êtres humains. De la même manière que les êtres humains considèrent la souffrance, la privation de vie et la privation de liberté comme des maux à éviter pour eux-mêmes, ils devraient également considérer la souffrance, la privation de vie et la privation de liberté comme des maux à éviter pour les animaux, car, tant les uns que les autres, malgré leurs différences, n’ont aucun intérêt à subir ces maux.

Le respect des animaux est un principe éthique et social largement consensuel au sein des structures sociales humaines, assumant différents degrés d’importance en fonction des vicissitudes historiques, sociales et culturelles de chaque civilisation. Il est remarquable de constater le nombre croissant de cas dans divers États où cette valeur morale et sociale, le respect des animaux, est reconnue et consacrée en tant que principe juridique, ce qui se traduit par une protection légale spécifique en faveur des animaux [1].

Lorsque nous abordons la thématique des droits des animaux, il est essentiel de reconnaître les avancées significatives qui ont eu lieu dans de nombreux pays à travers le monde. La protection et le bien-être des animaux ne sont plus seulement une préoccupation morale et éthique, mais sont également devenus une question juridique d’une extrême importance. Il est remarquable d’observer l’existence de constitutions qui reconnaissent explicitement l’importance des droits des animaux et établissent des directives spécifiques pour leur protection.

La préoccupation pour le bien-être et les droits des animaux gagne de plus en plus d’importance à l’échelle mondiale. Bien que les législations varient considérablement d’un pays à l’autre, certains se distinguent en incluant explicitement les droits des animaux dans leurs constitutions.

L’un des pays phares en la matière est la Suisse.

En 1999, la Suisse a été pionnière dans la constitutionnalisation de la notion de dignité des créatures (Würde der Kreatur). En 1893, l’interdiction de certains types d’abattage rituel des animaux (Kosher) avait déjà été déclarée constitutionnelle, et en 1973, elle est devenue le premier pays européen à constitutionnaliser de manière fédérale et autonome le bien-être animal. En 1992, après un référendum national qui a contraint le législateur à réglementer le respect du bien-être animal dans les procédures relatives à l’utilisation de matériel génétique et reproductif de tous les êtres vivants non humains (plantes et autres organismes), une modification constitutionnelle a été apportée (article 120).

Cette disposition impose le respect de l’intégrité des organismes vivants, la sécurité des personnes, des animaux, de l’environnement et de la diversité génétique des espèces végétales et animales. C’est ainsi qu’est né le principe de la dignité des créatures. Depuis le 18 avril 1999, l’article 80 est également en vigueur :

« Article 80 : Protection des animaux 1 - La Confédération établit des dispositions sur la protection des animaux. 2 - En particulier, elle réglemente : a) La garde des animaux et les soins qui leur sont prodigués ; b) L’entretien et les soins aux animaux ; c) Les expériences sur les animaux et les interventions sur les animaux vivants ; d) L’utilisation des animaux ; e) L’importation d’animaux et de produits d’origine animale ; f) Le commerce et le transport des animaux ; g) L’abattage des animaux. 3 - L’exécution des dispositions relève de la compétence des cantons, sauf si la loi la réserve à la Confédération ».

Par une loi datée de 2008, il a été établi que : certaines espèces animales ne peuvent pas être seules dans des cages (c’est le cas de certains oiseaux et des hamsters) ; les animaux d’élevage doivent pouvoir exercer leur comportement naturel, il est donc interdit de les maintenir quotidiennement confinés dans une étable ; il est obligatoire de suivre une formation pour toute personne souhaitant acquérir un chien. Dans le canton de Genève, la chasse a même été totalement interdite, et à Zurich, les animaux ont droit à un avocat payé par le gouvernement lorsqu’ils sont victimes d’actes cruels, sanctionnés par une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 francs ou une peine de prison allant jusqu’à 3 ans.

Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne de 1949.

Accorde une importance significative aux animaux en relation avec les êtres humains.

C’est l’un des droits les plus puissants constitutionnellement consacrés au niveau européen. L’article 20a, célèbre, a été rédigé pour la première fois le 27 octobre 1994, mais limité à la question de l’environnement. Il s’agissait d’un ajout à la Constitution allemande, incorporé au chapitre 7 du Traité d’unification entre la République démocratique allemande et la République fédérale d’Allemagne (Travail, famille, femmes, services de santé, sécurité sociale et protection de l’environnement), qui a abouti à l’insertion de nouveaux objectifs dans la Constitution : la protection de l’environnement et la protection des animaux.

La référence aux animaux dans l’article 20a est apparue plus tard, ancrée dans le devoir de l’État de poursuivre et de défendre l’environnement, la vie naturelle et animale.

Beaucoup ont soutenu que l’animal était déjà protégé dans la formulation initiale de la norme, mais d’autres étaient d’avis qu’une référence à l’environnement sans mention expresse de l’animal était clairement insuffisante, se basant sur leur conviction selon laquelle la majorité des décisions judiciaires préconisaient cela. Par conséquent, huit ans plus tard, le terme « animaux » a été ajouté à l’article 20a, faisant de l’Allemagne le premier État membre de l’Union européenne à faire explicitement référence aux animaux dans la loi fondamentale d’un pays. Article 20a :

« Protection des ressources naturelles vitales et des animaux. Conscient de sa responsabilité envers les générations futures, l’État protège les ressources naturelles vitales et les animaux, dans le cadre de l’ordre constitutionnel, par le biais de la législation et conformément à la loi et au droit, par le biais des pouvoirs exécutif et judiciaire ».

Dans l’interprétation de l’article 20a, deux positions prédominantes se dégagent : la première soutient que l’objectif de la norme est la protection de l’être humain dans une vision totalement anthropocentrique, tandis que la seconde défend une limitation des droits fondamentaux des êtres humains au profit des intérêts et du bien-être animal, dans une proportion adéquate, rejetant la position anthropocentrique comme étant la seule possible et acceptable. Les défenseurs des deux positions sont toutefois unanimes pour considérer que la norme n’accorde pas de droits aux animaux, mais encourage plutôt tous les acteurs judiciaires à agir dans le primat de la défense des intérêts et de la protection des animaux non humains, empêchant un recul dans le traitement accordé à ces êtres vivants.

L’Allemagne place les animaux au même niveau hiérarchique que les personnes. Ce sont des créatures similaires aux humains, et ceux-ci doivent assumer des responsabilités envers elles.

L’inclusion des droits des animaux dans la Constitution en Inde.

En 1950, l’Inde reconnaît les animaux comme des êtres sensibles et titulaires de droits fondamentaux. Dans ce pays, le commerce d’oiseaux, leur emprisonnement, les tests de cosmétiques sur les animaux, les combats de chiens et d’autres pratiques considérées comme préjudiciables aux animaux sont interdits.

En 2013, toute activité liée à l’importation et à la capture de cétacés a été interdite, car il a été reconnu que la captivité compromet le bien-être de ces animaux, les plongeant dans un état de panique et de stress permanent qui peut, en dernière instance, compromettre leur survie.

L’hindouisme, religion prédominante en Inde, considère la vache comme un animal sacré et, par respect pour cet animal, la consommation de viande est généralement évitée.

L’article 48 de la Constitution indienne consacre le droit à la vie des vaches et de leurs descendants. L’État promeut l’organisation agricole et l’élevage selon des méthodes modernes et scientifiques, et il doit notamment prendre des mesures de préservation et de développement des espèces, interdisant l’abattage des vaches et de leurs descendants ainsi que d’autres animaux laitiers.

Constitution de la République Fédérale du Brésil de 1988.

Le Brésil protège constitutionnellement la faune dans le titre VIII, Chapitre VI, article 225, paragraphe 1, point VII, consacré à l’environnement : Tous ont droit à un environnement écologiquement équilibré, bien d’utilisation commune du peuple et essentiel à une vie saine, imposant au pouvoir public et à la collectivité le devoir de le défendre et de le préserver pour les générations présentes et futures.

« Paragraphe 1 : Pour assurer l’effectivité de ce droit, il incombe au pouvoir public : I - préserver et restaurer les processus écologiques essentiels et assurer la gestion écologique des espèces et des écosystèmes ; (...) VII - protéger la faune et la flore, interdisant, dans les conditions fixées par la loi, les pratiques mettant en péril leur fonction écologique, entraînant l’extinction d’espèces ou soumettant les animaux à la cruauté. (...) Paragraphe 7 : Aux fins de ce qui est prévu à la dernière partie du point VII du paragraphe 1 de cet article, ne sont pas considérées comme cruelles les pratiques sportives utilisant des animaux, dès lors qu’elles sont des manifestations culturelles, conformément au paragraphe 1 de l’article 215 de la présente Constitution fédérale, enregistrées en tant que biens immatériels faisant partie du patrimoine culturel brésilien, et doivent être réglementées par une loi spécifique garantissant le bien-être des animaux concernés (complété par l’Amendement constitutionnel n° 96 du 06/06/2017) ».

Selon un article publié dans la revue de droit de l’environnement de janvier 2016, les dispositions protégeant l’environnement dans la Constitution brésilienne ne relèvent pas du biocentrisme, mais ont également progressé par rapport à l’anthropocentrisme classique. Il s’agit d’une approche élargie centrée sur le traitement de l’environnement en tant qu’objet de protection non en raison de sa valeur économique pour l’être humain, mais en raison de sa valeur intrinsèque. Ainsi, l’être humain passe de la position de maître et propriétaire à celle de gardien de l’environnement [2].

La constitutionnalisation ne serait intervenue qu’avec l’avènement de la Constitution de 1988, moment où les normes environnementales ont acquis un statut constitutionnel, le droit à la protection de l’environnement étant désormais considéré comme un droit fondamental. Les transformations apportées par la Constitution de 1988 ne se limitent pas aux aspects strictement juridiques, mais s’entrelacent avec les dimensions éthiques, biologiques et économiques des problèmes environnementaux. Le droit animal propose une extension des fondements éthiques aux animaux, reconnaissant un droit inhérent à tous les êtres vivants au niveau constitutionnel. L’interdiction de toute pratique cruelle envers les animaux fait des animaux non humains des titulaires ou bénéficiaires du système constitutionnel, et les pouvoirs publics ainsi que la collectivité doivent rechercher la mise en œuvre de politiques publiques visant à concrétiser ce mandat.

En incluant la protection animale dans le cadre constitutionnel, le législateur a établi l’émergence d’une nouvelle dimension du droit fondamental à la vie et du concept même de dignité de la personne humaine. Dans cette optique, il incombe aux professionnels du droit (juges, procureurs, universitaires, avocats, entre autres) de fonder le droit animal constitutionnel, afin de transcender l’abstraction formelle présente dans l’ordre juridique brésilien et d’établir une base solide pour un droit inter-espèces.

Avec l’avènement du néo-constitutionnalisme, on souligne le processus de normativisation de la Constitution, permettant de rompre avec la simple simulation de grandeur contenue dans les normes de protection animale. Le Droit Animal Constitutionnel ne se résume pas à la simple promotion d’activités législatives, mais doit être envisagé comme un phénomène solidaire. Il doit être plus qu’une simple formulation de normes et de standards de contrôle théoriquement applicables, représentant une discipline juridique pratique, qui émerge de la disparité entre la norme et sa mise en œuvre, exigeant que les pouvoirs publics et la société civile donnent effet à l’impératif constitutionnel de manière à ne pas causer de cruauté envers les animaux [3].

Luxembourg, la révision constitutionnelle de 2007.

Le Luxembourg est unique en ce sens qu’il est le pays à avoir accordé une valeur constitutionnelle au bien-être animal. Depuis la réforme constitutionnelle de 2007, l’article 11 numéro 3 de la Constitution stipule que l’État garantit la protection de la vie privée, sous réserve des exceptions établies par la loi.

Au Luxembourg, la révision constitutionnelle de 2007 a adopté une formulation conciliatoire entre le principe allemand de protection et le modèle de promotion du bien-être en déterminant, en tant qu’objectif public, que l’État « favorise la protection et le bien-être des animaux » [4].

Le Luxembourg fait respecter sa législation sur le bien-être animal par le biais de diverses mesures, notamment :

  • Inspections : le gouvernement effectue régulièrement des inspections dans les exploitations agricoles, les animaleries et les autres entreprises liées aux animaux afin de s’assurer de leur conformité aux lois sur le bien-être animal.
  • Sanctions : ceux qui enfreignent les lois sur le bien-être animal au Luxembourg encourent des amendes et même des peines d’emprisonnement.
  • Associations de protection des animaux : le Luxembourg compte plusieurs associations de protection des animaux qui travaillent pour protéger les animaux et veiller à ce que leur bien-être soit respecté.
  • Éducation : le gouvernement met également l’accent sur l’éducation du public en ce qui concerne les questions de bien-être animal et l’importance de traiter les animaux avec respect et compassion [5].

Ce sont là les principales mesures coercitives adoptées par différents pays dans leur Constitution dans le but de dissuader les comportements préjudiciables envers les animaux et d’assurer la responsabilité des contrevenants.

Teresa de Jesus Candeias, Juriste

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Notes de l'article:

[1Centre d’Éthique et de Droit des Animaux. (2003). Proposition d’introduction de la protection des animaux dans la Constitution de la République portugaise. Portugal.

[2Carmo, I. (2019). L’animal non humain dans la Constitution de la République portugaise. Revue de Jurisprudence, Législation et Bioéthique, 5(2), 416-425.

[3Silva, T.T.A. Fondements du Droit Animal Constitutionnel. Animal Rights : Contexte Constitutionnel. Dans Revue de Droit Constitutionnel, 15(2), 11139-1140.

[4ICJP (Institut des sciences juridico-politiques). (2014). Animaux - Devoirs et droits [Conférence]. Dans M. L. Duarte & C. A. Gomes (Coord.), Livre numérique. Maria Luísa Duarte (Éd.), p. 45.

[5Bolliger, G. (2021). Legal Protection of Animal Dignity in Switzerland : Status Quo and Future Perspectives. Biology.

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