Si face à ce nouveau paradigme numérique, la France peut et doit s’appuyer sur ses atouts que sont notamment la flexibilité du régime de l’autoentrepreneur et une politique volontariste en matière d’ouverture des données, elle présente cependant un lourd passif réglementaire qui freine l’expansion de nos startups, dans l’hexagone et dans le monde.
La mise à jour numérique de notre législation constitue le prochain grand chantier du Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. Si les contours de cette « loi Macron II » restent encore flous, le projet de loi qui sera présenté au mois de janvier prochain devrait largement s’appuyer sur la note établie par Madame Anne Perrot et Messieurs Nicolas Colin, Augustin Landier, Pierre Mohnen pour le Conseil d’analyse économique [1].
Grande innovation : le texte proposerait la mise en place d’un « droit à l’expérimentation » pour permettre à nos startups d’expérimenter de nouveaux modèles d’affaires.
Engager un véritable pacte social pour les entrepreneurs numériques
L’un des aspects les plus significatifs de l’économie numérique se trouve dans le développement important du nombre de travailleurs indépendants. Si certains prédisent déjà la fin du salariat, ce modèle reste pourtant l’un des piliers de notre société.
Toutefois, l’ère du tout salariat semble en passe d’être révolue et si le législateur ne prend pas rapidement la mesure de ce bouleversement, les conséquences notamment sociales pourraient être dévastatrices pour de nombreux travailleurs.
A titre d’illustration, l’accès au logement comme au crédit est aujourd’hui particulièrement périlleux pour les travailleurs ne bénéficiant pas d’un contrat à durée indéterminée et contrairement aux travailleurs indépendants dits traditionnels, les nouveaux travailleurs indépendants du numérique n’immobilisent pas d’actif qu’ils pourraient le cas échéant céder à la fin de leur activité professionnelle.
C’est pourquoi, dans le but d’éviter des répercussions économiques et sociales qui pourraient s’avérer désastreuses, il est plus que jamais nécessaire de s’atteler à la construction d’un véritable pacte social des travailleurs du numérique.
Plusieurs pistes sont envisagées à cet égard, toutes avec le même leitmotiv : s’attacher à la personne plus qu’au statut, à l’image du scoring de crédit qui existe aux Etats-Unis ou encore à la portabilité des droits sociaux.
Créer un véritable Small Business Investment Company à la française
Autre faiblesse bien connue du numérique français, le trou dans la chaine de financement entre les fonds d’amorçage et le capital développement.
Alors que l’écosystème startup ne cesse de se développer en France (les effectifs des startups françaises ont augmenté entre 2012 et 2014) [2], il convient de reconnaître que le modèle français doit encore être optimisé, notamment du point de vue du financement des startups.
En effet, face aux acteurs du financement traditionnel que sont notamment les établissements bancaires, il devient impérieux d’aller encore plus vite et plus loin sur la question du développement d’un modèle de financement risqué dédié aux startups du numérique.
En France, la plupart de l’épargne est orientée sur des produits fortement réglementés peu rémunérateurs et créateurs de valeur (Livret A, assurance vie...), à rebours du capital-risque.
Pour inverser la tendance et changer les mentalités, il conviendrait de mettre en place un Small Business Investment Company à la Française pour inciter les Français à investir dans nos pépites de demain, en réduisant notamment massivement le taux d’imposition des plus-values mobilières.
Favoriser l’émergence d’un véritable statut législatif et réglementaire spécifique exclusif aux startups
Il appartiendra également au Gouvernement de se positionner clairement pour la mise en place d’un statut législatif et réglementaire spécifique aux startups, à l’instar de ce qui a été mis en place au sein de la Silicon Valley, pôle référence des industries numériques de pointe.
A ce titre, la note du Conseil Economique et Social préconise la création d’un droit à l’expérimentation.
Si l’initiative est louable, elle ne peut cependant s’inscrire que comme une première étape vers l’émergence de régulations spécifiques au secteur du numérique.
Une nouvelle fois, il s’agit de s’attacher à la personne davantage qu’au statut. Le secteur du numérique ne doit pas être identifié à un secteur d’activité particulier puisque tous les secteurs ont désormais vocation à évoluer dans un écosystème numérique, mais au contraire de s’attacher au statut du startupeur ou à celui du la startup.
Les dispositifs d’expérimentation pourraient prendre plusieurs formes, de la création de zones franches numériques permettant à des startups de bénéficier d’une fiscalité avantageuse et de contraintes administratives réduites, à l’établissement de modèles dérogatoires aux réglementations existantes, à l’image d’un « fair use » à la française qui apporterait des limitations et des exceptions aux droits exclusifs de l’auteur sur son œuvre.
Si ces questions méritent une attention toute particulière, c’est précisément parce que l’avenir économique de la France repose en grande partie sur ces entrepreneurs visionnaires. Il convient de les entendre et de mettre à leur disposition tous les outils nécessaires à la hauteur de leurs ambitions.