Quelle voie choisir : avocat ou juriste d’entreprise ?

Delphine Bordier
Directeur Juridique

Si tout avocat est juriste, tout juriste ne possède pas nécessairement le diplôme d’avocat. Au-delà du titre, quelles sont les principales similitudes et différences entre les deux options ?
Telle est la question que je me suis moi-même posée durant mes études universitaires et plus tard encore lorsque j’ai choisi de rejoindre le monde de l’entreprise.

Article initialement publié en 2016 et actualisé par l’auteure en avril 2019.

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Aujourd’hui, de nombreux étudiants ou jeunes diplômés en droit me questionnent : « Conseillez-vous plutôt le métier d’avocat ou de juriste en entreprise ? Faut-il obtenir le CAPA pour être embauché comme juriste en entreprise ? Peut-on évoluer d’un métier à l’autre ? Les entreprises ont-elles les mêmes exigences en matière de qualification ? Quelles sont les perspectives de carrière de chacune de ces deux voies ? »

Il m’est difficile de répondre de manière tranchée. Tout dépend des projets, valeurs/idéaux de chacun, de ce que l’on recherche dans son quotidien professionnel et de la manière dont on envisage sa carrière.
Pour avoir exercé comme avocate, juriste puis directrice juridique, je puis témoigner avoir constamment appris de chacun de ces métiers car ils sont à la fois proches, complémentaires et différents.

Afin de se forger sa propre opinion, rien ne vaut d’effectuer des stages dans l’un et l’autre « monde ». Bien entendu, l’immersion sera d’autant plus enrichissante et valorisable que vos « maîtres de stage » consacreront du temps à vous former.

Je vous propose un tableau comparatif qui reflète mon expérience personnelle. Il ne prétend ni à « l’universalité » ni à l’exhaustivité. Qu’il s’agisse du travail d’avocat ou de juriste, sa qualité sera fonction notamment de trois paramètres déterminants :
- l’environnement et le positionnement au sein la structure d’accueil,
- la/les spécialité(s) exercée(s),
- les modes d’organisation constitutifs de la culture d’entreprise.

A vous de compléter ce tableau selon vos propres expériences !

AVOCATJURISTE D’ENTREPRISE
Diplômes Master I / II en droit ou diplôme équivalent ET Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) Master II en droit. Un diplôme d’une
Ecole de commerce, de Science Po, ou une expérience à l’étranger, un LLM (Master of Laws) est un plus. Il arrive que certaines grosses entreprises (notamment américaines) demandent le CAPA.
Principales fonctions Conseil, négociation, rédaction de notes juridiques, audit (due diligence), défense, plaidoirie devant les tribunaux et les cours Conseil, négociation, rédaction, avis juridiques, analyse de risques, sensibilisation du « business » aux sujets juridiques, proposition de nouvelles procédures / guidelines pour l’entreprise, reporting à la hiérarchie
Clientèle Etant indépendant, l’avocat a des clients de tous horizons, concernés par sa spécialité. Il doit développer sa clientèle et veiller à ne pas se mettre en situation de conflit d’intérêt Le juriste est uniquement au service de l’entreprise qui l’emploie
N’étant pas inscrit au Barreau, il ne peut pas plaider mais peut représenter l’entreprise devant certaines autorités.
Satisfactions • Interlocuteurs de compétence juridique équivalente à la sienne
• Approfondissement du sujet traité
• Respect de la méthode et rigueur acquises
• Structuration des opinions
• Connaissance approfondie de l’entreprise et de ses activités
• Contacts avec le business
• Travail en équipe avec d’autres départements (finance, communication, commerciaux)
• Maîtrise du dossier de A à Z
• Développement des compétences et des domaines d’intervention avec les années d’expérience
Frustrations • Hyper spécialisation
• Absence de contact avec les clients lorsque l’on est « junior »
• Manque de temps pour développer sa propre clientèle
• Manque de temps pour se plonger dans les textes, la doctrine et la jurisprudence
• Interdiction de plaider
• Maîtrise des codes politiques de l’entreprise
Compétences et qualités requises • Rigueur
• Disponibilité
• Capacité d’analyse et de synthèse
• Organisation
• Réactivité
• Créativité
• Méthode
• Attention aux détails
• Minutie
• Capacité de traiter grande quantité d’informations/docs
• Résistance à la pression (horaires, facturation)
• Confidentialité
• Pouvoir de conviction
• Rigueur
• Disponibilité
• Capacité d’analyse et de synthèse
• Organisation
• Réactivité et pro-activité
• Créativité
• Pédagogie et patience
• Capacité d’adaptation (langage, culture, changements organisationnels)
• Capacité à changer de sujet rapidement
• Leadership
• Pragmatisme
• Qualité d’écoute et de dialogue
• Confidentialité
• Pugnacité
Passerelle Possibilité de passer de l’une à l’autre activité tout au long de sa carrière Possibilité de devenir avocat après 8 ans d’expérience en tant que juriste d’entreprise et sous réserve de l’obtention du CAPA
Perspectives d’évolution Collaborateur, puis associé dans un cabinet d’avocats (développement de sa propre clientèle), directeur juridique, chef d’entreprise, homme politique… Juriste, Directeur juridique, secrétaire général, DRH…

Delphine Bordier
Directeur Juridique

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  • Dernière réponse : 28 janvier 2021 à 15:02
    par Eric Gardner de Beville , Le 6 mai 2019 à 13:29

    Merci pour cet article qui apporte un éclairage très utile sur « les deux faces de la médaille ». Après 15 ans comme Directeur Juridique de Coca-Cola France, Espagne & Portugal, puis 10 ans comme avocat basé à Madrid, Bruxelles puis Frankfort, et étant actuellement recruteur d’avocats et juristes, je peux dire que les deux métiers sont plus différents qu’ils ne le semblent à première vue.
    Il faut dire et redire que la situation juriste-avocat telle qu’elle existe en France est particulièrement singulière. En Espagne, il est possible d’être avocat en entreprise le matin et avocat en cabinet l’après-midi sans que cela ne pose de problème pour qui que ce soit, bien au contraire cela donne au professionnel une bien meilleure connaissance de la réalité commerciale. Bien d’autres pays ont une situation ou attitude identique ou similaire sans obligation d’être soit avocat, soit juriste, et sans barrières corporatistes entre les deux métiers.
    En France, la différence essentielle est que le juriste est un spécialiste de son secteur (alimentaire, luxe, automobile, télécom, etc.) et un généraliste du droit (corporate, social, fiscal, concurrence, immobilier, etc.) tandis que pour l’avocat c’est l’inverse en ce sens qu’il est un spécialiste du droit (corporate, social, fiscal, concurrence, immobilier, etc.) et un généraliste des secteurs (alimentaire, luxe, automobile, télécom, etc.). C’est d’ailleurs cela qui fait la complémentarité des deux métiers : le juriste apporte sa connaissance approfondie du secteur, l’avocat apporte son expertise juridique et sa vision multi-secteur.
    Le commentaire sur la clientèle et le chiffre d’affaire est effectivement essentiel. C’est souvent une importante barrière pour les juristes qui veulent devenir avocat, sauf -et encore- si le juriste peux apporter sa société comme client.
    Merci encore. Bien à vous, Eric Gardner de Béville

    • par Stéphanie , Le 28 janvier 2021 à 15:02

      Je ne suis pas d’accord avec le fait de différencier les juristes et les avocats en se fondant sur le côté généraliste des premiers et spécialistes des seconds. Les juristes travaillant dans les cabinets comptables sont souvent spécialisés dans un domaine : fiscal, social, juridique.

  • Dernière réponse : 30 avril 2019 à 15:20
    par Mulsant Claude , Le 16 février 2016 à 18:02

    Cet article est très complet et didactique mais il me semble qu’il manque un élément déterminant pour l’appréciation de l’une ou l’autre voie.
    Passé les premières années d’apprentissage il sera demandé à l’Avocat de rapporter du chiffre d’affaire. Sans cela adieu d’association ! Cette compétence n’est pas requise pour les juristes d’entreprise.
    Bien sur il est toujours possible de passer dans l’entreprise mais à condition de le faire dans les 10 premières années d’exercice car sinon vous serez fortement suspecté d’avoir un manque d’adaptation et d’orientation "business" pour vous adapter dans l’entreprise.
    C’est donc une question fondamentale à se poser dans l’orientation et dans les premières années de carrière. Suis-je disposé à aller chercher de la clientèle ? Comment ? Suis-je bien positionné pour le faire (tempérament, formation, leviers familiaux (eh oui ! même si ce n’est pas politiquement correct) ?
    Le barreau comprend de nombreux Avocats qui gagnent mal leur vie. En 2010 Village de la justice publiait une discussion sur : Avocat, une profession sous-payée ?
    La semaine dernière je rencontrais une Avocate Associée d’un important cabinet qui a très bien gagné sa vie mais en vivant sur un seul client. Ce client disparu à l’occasion d’une fusion, son cabinet lui donne quelques mois pour remonter son Chiffre d’Affaire ou partir. Passé la quarantaine elle n’a jamais appris à aller chercher de nouveaux clients...
    Ce type de situation se rencontre trop régulièrement. Alors autant anticiper cette compétence commerciale ("communication" si on veut utiliser les termes de l’Ordre) dès l’origine !
    Claude Mulsant - Directrice practice juridique Oasys consultants - out placement bilans de carrière Avocats/juristes d’entreprise

    • par KOPP Jean-Christophe , Le 26 avril 2019 à 14:12

      Tout à fait d’accord avec votre analyse appliquée aux avocats.
      Le juriste d’entreprise devra, toutefois, aussi développer cette "fibre commerciale" pour aller chercher ou faire venir à lui ceux que nous appellons nos "clients internes". Ce client est souvent volage et il faudra au juriste faire preuve d’ingéniosité pour le capter et le fidéliser.
      KOPP Jean-Christophe
      Directeur Juridique

    • par UnLimS , Le 30 avril 2019 à 15:20

      Je vous remercie pour cet article très intéressant.
      Pour apporter ma contribution, je pense qu’il manque à ce tableau un volet " rémunération ".

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