L’objectif est le suivant : « qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques dotées de droits et de devoirs bien précis y compris celui de réparer tout dommage causé à un tiers »
Ainsi « serait considéré comme une personne électronique tout robot qui prend des décisions autonomes de manière intelligente ou qui interagit de manière indépendante avec des tiers ».
Le robot est en principe défini comme la machine incarnant une intelligence artificielle dans le monde physique. Cependant de plus en plus le terme robot désigne une intelligence artificielle incarnée ou virtuelle dans la mesure où cette intelligence manifeste une certaine autonomie.
Intelligence et autonomie sont les maître mots de cette technologie qui, aux côtés des biotechnologies, est annonciatrice de changements immenses et radicaux pour l’humanité.
Les robots pourront ainsi remplacer l’être humain dans l’accomplissement de certaines tâches et permettront, selon le Parlement européen, une grande efficacité et des économies conséquentes non seulement dans la production et le commerce mais également dans des domaines tels que le transport, les soins médicaux, l’éducation et l’agriculture, apportant ainsi la promesse « d’une prospérité quasiment illimitée ».
Ces hypothèses sont corrélées à une intelligence et une autonomie des robots toujours plus importantes. Les robots peuvent aujourd’hui être programmés pour apprendre de leur expérience et prendre des décisions sans intervention humaine dans des environnements non structurés.
Ceci implique l’impossibilité de programmer ou même de planifier le comportement du robot qui va développer son propre écosystème de prise de décision.
Le Parlement européen considère qu’à terme cette autonomie des robots « pose la question de leur nature et de leur appartenance à l’une des catégories juridiques existantes (personnes physiques, personnes morales, animaux ou objets ?). »
Il considère que « dans l’hypothèse où un robot puisse prendre des décisions de manière autonome les règles habituelles ne suffiraient pas à établir la responsabilité du robot, puisqu’elles ne permettraient pas de déterminer quelle est la partie responsable pour le versement des dommages et intérêts ni d’exiger de cette partie qu’elle répare les dégâts causés. »
Le robot se voit devenir constitutif d’une nouvelle catégorie juridique dont l’attribut premier est la personnalité.
De nombreux débats ont déjà eu lieu sur la question de savoir si les systèmes juridiques devraient conférer la personnalité aux agents artificiels autonomes. De la même façon qu’à la naissance de l’internet et de l’économie du numérique certains avaient conclu à l’inutilité de créer des règles de droit spécifique à cette innovation technologique, de nombreux juristes considèrent que le droit existant notamment en matière de responsabilité civile est suffisant pour appréhender le phénomène robotique.
On sait maintenant à quel point le numérique représente un défi pour le droit qui doit sans cesse s’adapter par exemple notamment en ce qui concerne le droit des données.
De même, d’évidence les robots notamment sous leur forme désincarnée prennent de plus en plus d’importance et, bien plus que de constituer des sources possibles de responsabilité, ces entités deviennent de véritables agents compétents juridiquement.
C’est la réglementation de cet aspect que le Parlement européen appelle de ses vœux de façon justifiée.
Un agent artificiel n’est pas nécessairement un système intentionnel et conscient comme l’est un être humain. C’est pourquoi seule la responsabilité civile des robots est actuellement envisagée par le Parlement européen en dehors de toute responsabilité pénale.
Les robots doivent, dans cette perspective, être conçus comme des agents moraux au sein des systèmes juridiques de demain au même titre que les personnes morales.
Ce nouveau statut légal devra représenter la coopération de tous ceux qui interviennent ou sont intervenus dans la création et l’utilisation de ce robot à savoir : le concepteur, le développeur informatique, le fabricant et l’utilisateur.
Les caractéristiques de cette nouvelle personnalité juridique restent cependant incertaines.
Quelques réponses sont esquissées par la résolution du Parlement européen qui pose comme principe important que cette personnalité juridique comprend des devoirs mais aussi des droits.
Comme pour les sociétés, cette personnalité juridique se manifesterait par une immatriculation obligatoire permettant l’ identification du robot.
En revanche les modalités d’organisation de cette personnalité juridique du robot ne sont pas précisées : s’agit-il d’une nouvelle forme de personnalité morale qui s’alignera sur le droit des sociétés ou encore d’une personnalité juridique limitée aux modalités comparables aux systèmes de la tutelle ou de la curatelle ?
Dans tous les cas cette nouvelle catégorie de personnalité juridique devra-t-elle être représentée et gérée de façon ultime par un être humain. Dans cette hypothèse quelle seront les modalités de désignation de ce représentant/gérant ?
Certains indices sont donnés par la résolution du Parlement européen qui appelle à la mise en place d’une assurance dommage obligatoire dans le cadre d’une responsabilité ainsi que d’un fonds de compensation complémentaire.
Il est en effet fait référence à la personne sur qui devra peser l’obligation d’assurance qui pourrait être le fabricant du robot mais également son « enseignant », c’est-à-dire la partie qui aura éduqué le robot et pourra ainsi être considérée comme responsable de son comportement.
Ces parties pourraient être de facto les gestionnaires humains du robot mais elles devront probablement faire elle-mêmes l’objet de nouvelles définitions juridiques.
En effet le fabricant du robot représente en réalité une catégorie générique englobant toutes les parties qui ont contribué à l’existence du robot à savoir a minima le développeur de l’intelligence artificielle ainsi que la partie responsable de sa commercialisation lorsque le robot est désincarné. Viendront également s’ajouter la partie fabricante de la machine animée par l’intelligence artificielle lorsque le robot sera incarné dans le monde réel (par exemple une voiture) ainsi que tous ses fournisseurs et sous-traitants.
Enfin la notion d’utilisateur responsable de l’éducation du robot devra faire l’objet d’une détermination très précise notamment lorsque les robots seront mis de façon temporaire à la disposition d’utilisateurs par d’autres parties.
Finalement la question se posera de la possibilité pour un robot de posséder d’autres robots, de les éduquer, de les gérer etc..
Par ailleurs, la personnalité juridique du robot impliquera l’existence de droits.
Les droits patrimoniaux sont esquissés par la résolution du Parlement européen : des opérations financières pourront en effet être menées dans l’intérêt du robot telles que des investissements, des dons ou encore le versement d’une rémunération. Peut être également envisagé donc le versement de redevances à un robot créateur et détenteur de droits de propriété intellectuelle sur ses créations.
Au-delà de cet aspect patrimonial la question des droits fondamentaux est ouverte.
En effet, les personne morales se sont déjà vues reconnaître des droits fondamentaux relatifs à la protection des biens et à l’accès et au fonctionnement de la justice, la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté syndicale, la liberté de réunion, la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité.
Le droit au respect de la vie privée, c’est-à-dire le droit à la protection des secrets d’affaires, est également actuellement débattu.
Peut-on imaginer que les robots bénéficient également de tels droits de la personnalité ?
Des champs immenses seulement esquissés ici s’ouvrent à la réflexion et à l’innovation juridique pour la mise en place de nouvelles catégories juridiques qui concerneront à terme tous les domaines du droit.