Consultations juridiques en ligne : ce qu'ils en disent...

Consultations juridiques en ligne : ce qu’ils en disent...

Rédaction du village

Suite de notre série de chroniques, mêlant interviews, analyses et réactions des acteurs concernés...

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Tout d’abord une précision : la nuance un peu floue entre l’information juridique et la consultation juridique dont nous avons parlé précédemment dans ce dossier, et la concurrence qu’elle entraine pour les avocats, n’est évidemment pas l’apanage du web.
Par exemple, on sait que de nombreuses associations, assurances, réseaux divers, déclarent officiellement et régulièrement de 10.000 à 100.000 actes d’information juridique quelques fois très poussées par an chacun, parfois sur un seul département.

C’est sûr, l’information juridique "poussée" jusqu’aux premiers conseils n’est pas aujourd’hui réalisée par les avocats.

Mais le web pourrait grandement augmenter cette pression sur les avocats et petit à petit grignoter sur la vraie et complète consultation juridique.

Nous avons interrogé plusieurs parties sur le sujet (le bâtonnier de Paris, un avocat et un éditeur de site d’information juridique), et voici leurs commentaires... (naturellement les vrais pirates du droit, illégaux, n’ont pas répondu...).

Sur la recherche d’information gratuite des internautes...

Un avocat interrogé, Maître Christophe Landat, pense que "malheureusement, l’activité de conseil de l’avocat n’est pas prise en charge par l’aide juridique d’Etat, ce qui est stupide puisque consulter c’est prévenir et cela peut bien souvent éviter de générer du contentieux.
L’Etat s’y retrouverait sans doute plus en permettant cet accès à l’avocat avant que le procès ne devienne inévitable en mettant par exemple en place – sous conditions de ressources - des « chèques-consultations »."

Sur la concurrence apportée aux avocats par des sites internet...

" Nous voyons notre site comme un service simple et gratuit pour s’informer
rapidement sur ses droits. L’idée n’est pas de remplacer l’avocat mais
d’apporter simplement une première réponse à une question donnée. Nous
aidons ainsi le visiteur à formaliser sa demande juridiquement et lui
apportons un début de réponse lorsque c’est possible. Ce système a bien
entendu ses limites mais ce sont les limites de tout site gratuit.
C’est
pourquoi nous permettons à nos visiteurs soit de prendre attache avec un
avocat pour une consultation en ligne (pour approfondir ou confirmer sa
réponse), soit de pouvoir entrer en relation avec un avocat de notre réseau
national près de chez soi pour qu’il puisse prendre en
charge le dossier du client.
L’ensemble est donc cohérent
" (Julien Pichot pour Legavox.fr, un site d’information et de mise en relation).

Maître Christophe Landat pour sa part est "convaincu que le RIN participe indirectement au bridage du développement de la présence des avocats sur le web et ne nous permet donc pas de combattre à arme égale ceux qui frauduleusement prétendent profiter de cette absence pour développer leurs arnaques. Bien sûr il faut réglementer l’activité des avocats mais nous manquons de certaines libertés."

Sur le futur de la consultation juridique en ligne...

Pour Maître Christophe Landat, "les sites sollicitant les avocats pour des inscriptions en masse sont en réalité un filtre entre le client et l’avocat, ce qui est totalement interdit par notre profession. Certains sites proposent même de percevoir une partie des honoraires des avocats au titre de cette mise en relation ! "

Nous avons également interviewé Christiane Féral-Schuhl (bâtonnier à Paris) sur la question des sites mettant en relation internautes et avocats : "Les sites de référencement d’avocats tout comme les annuaires sont licites en France, à condition que nos règles déontologiques soient strictement respectées. Ainsi, ce genre de site doit s’abstenir formellement de se livrer à des opérations de démarchage et doit faire en sorte que les relations
contractuelles entre les avocats et leurs clients soient préservées dans le respect du secret professionnel. Le site de référencement ne doit pas interférer dans la politique d’honoraires des avocats concernés et aucune commission ne doit être perçue par ce dernier. L’Ordre doit donc rester vigilant afin d’éviter toute dérive préjudiciable tant à l’image de la profession qu’aux intérêts des justiciables.
En revanche, l’Ordre des Avocats est très inquiet de constater la multiplication de sites internet proposant des consultations juridiques, prétendument délivrées par des avocats.
Ces sites internet sont l’une des cibles de notre lutte contre l’exercice illégal du droit.
"

Julien Pichot de Legavox.fr nous indique que "le droit sur Internet n’a que quelques années, notre société, comme aux
États-Unis, devient de plus en plus procédurale, et avec l’avènement
d’Internet et de ses usages, ce secteur est voué à se développer
inéluctablement.
Pour beaucoup encore, Internet est synonyme de gratuité, le
monde du droit ne pourra donc pas y échapper. Néanmoins, il semble acquis
aujourd’hui qu’il reste encore largement de la place pour des services
payants car la gratuité, comme toujours, a ses limites.
"

Sur la gratuité ou le "low-cost"...

Julien Pichot (gérant de Legavox.fr, un site d’information et de mise en relation avec les avocats), explique que "nos bénévoles (bien souvent des juristes, avocats, étudiants
ou retraités) interviennent sur les forums et acceptent de donner un peu de
leur temps afin d’aider et d’apporter une première réponse à nos visiteurs. (...) Pour beaucoup encore, Internet est synonyme de gratuité, le
monde du droit ne pourra donc pas y échapper.
"

Maître Christophe Landat (qui édite www.avocat-consultation.com) pense lui que "Le Droit est affreusement complexe et regorge de subtilités : c’est une affaire de spécialistes et non d’amateurs.
Que tous ceux qui sont tentés par des sites douteux offrant de la consultation juridique à moins de 40 ou 50€ se posent cette question simple : s’il s’agissait de ma santé physique, est-ce que je m’adresserais à un pseudo-site médical au risque de développer une maladie grave, ou à un véritable médecin, identifiable comme tel et ayant suivi les plus de 10 années d’études nécessaires avant de pouvoir prêter le serment d’Hippocrate ?"

"Pardon si je n’ai aucune clémence pour les escrocs du Web qui prétendent sans avoir suivi des études de très haut niveau, sans avoir une expérience de terrain ancrée dans les problématiques des gens, sans avoir partagé leurs douleurs au cours des verdicts, leurs émotions dans les relaxes obtenues de haute lutte ou les condamnations à expliquer tard dans la nuit… C’est tout cela un avocat. Et trois lignes sur un site conçu en deux heures sur un logiciel au rabais ne remplaceront jamais ça."

Sur l’adéquation entre l’offre et la demande de consultation juridique en ligne...

Christiane Féral-Schuhl nous répond que "le phénomène de prolifération des sites internet illicites est favorisé par le développement des nouvelles technologies. La délinquance s’adapte très bien !
L’Ordre des Avocats est face à une réelle difficulté. Les justiciables, confrontés à un problème de droit, ont la tentation de chercher une réponse sur internet. Or, lorsque vous êtes malades, vous devez avoir le réflexe d’aller consulter un médecin. Vous ne pourrez pas obtenir de diagnostic, ou de traitement médical sérieux sur internet. L’avocat doit aussi être un réflexe lorsque vous avez une difficulté juridique, quel qu’elle soit. Il ne faut pas brader ses droits !
Nous recevons de nombreuses plaintes de particuliers qui ont, malheureusement, fait confiance à ces sites internet racoleurs. Après avoir effectué un paiement en ligne, ils se retrouvent, sans réponse du site internet ou avec une « consultation » qui n’a de juridique que le nom. On ne s’improvise pas avocat. (...) Nous devons défendre la qualité du droit, non pas dans une perspective corporatiste, mais parce que l’avocat est le meilleur défenseur dans un monde de droit.

C’est la raison pour laquelle le Barreau de Paris vient d’initier une « opération coup de poing ». En effet, nous voulons lutter efficacement contre tous les pirates du droit, bien sûr les sites internet mais aussi les particuliers, les cabinets « de conseils juridiques » qui se prétendent avocats. Certains ne reculent devant rien. Ils vont même jusqu’à se présenter à l’audience, parfois revêtus d’une robe d’avocat, ce qui constitue en outre, le délit d’usurpation de titre.
L’opération dite « coup de poing » a, également, pour objectif de sensibiliser les confrères et les justiciables, afin de les alerter et les protéger contre ce type de pratiques illégales.

Dans le cadre de cette opération nous avons également signé une convention de partenariat avec l’Ordre des experts comptables de Paris Ile de France, afin de mutualiser nos forces pour lutter plus efficacement contre l’exercice illégal du droit et du chiffre.
"

Les sites actuellement poursuivis ?

Christiane Féral-Schuhl ne nous a évidemment pas livré une liste de sites actuellement poursuivis (ils seraient selon une autre source plus de 100). Mais il s’agit nous indique-t-elle "de sites internet n’hésitant pas à proposer des solutions juridiques à des tarifs défiant toute concurrence, et, dans un laps de temps « record ». A titre d’exemple, je peux évoquer les sites promettant des divorces express… C’est ignorer qu’une procédure de divorce est souvent complexe et qu’elle nécessite du temps. En outre, ces procédures ne peuvent être envisagées sans la présence physique des personnes concernées. Le virtuel peut rapidement devenir l’ennemi d’une justice équitable et sereine. Il en va de même des sites laissant croire que le justiciable peut recouvrer les points qui lui ont été retirés sur son permis de conduire. Une véritable escroquerie !

Par ailleurs, les sites internet usurpant l’identité d’avocats inscrits se développent. La tromperie est efficace. Le site internet se présente comme un annuaire référençant des avocats. Ainsi, sont mentionnés le nom et les coordonnées du Cabinet. Les internautes sont convaincus de joindre un avocat. Mais le numéro de téléphone est erroné et surtaxé.

L’Ordre des Avocats se doit de lutter contre ces braconniers virtuels mais bien réels. Cependant, je ne perds pas de vue qu’il n’est pas aisé d’obtenir la fermeture d’un site, lequel est au demeurant susceptible d’apparaître à nouveau sous une appellation différente.

L’Ordre des Avocats poursuit, également, des individuels qui exercent illégalement le droit en se prétendant avocat ou en tous les cas en entretenant l’ambiguïté dans l’esprit du justiciable. Droit des étrangers, droit pénal, droit de la famille, droit civil…..tous les domaines sont touchés par ces escrocs ! J’ai bon espoir que les actions que nous menons aboutiront à une régulation. Le Barreau de Paris se doit de protéger ses avocats et les justiciables victimes de ces illégaux du droit !"

A lire aussi :
- Consultions juridiques en ligne : la bataille ne fait que commencer...
- Qui sont les pirates du droit ?
- Les chances de la profession d’avocat dans la bataille de la consultation juridique.

Rédaction du village

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 9 mars 2015 à 10:07
    par Mercie , Le 11 juin 2014 à 16:37

    Article très intéressant qui réaffirme les limites de l’internet et les fraudes qui se développent sur la toile, notamment pour les sites délivrant de l’information juridique et non des consultations d’avocats.
    Consulter un avocat en ligne permet d’avoir un premier contact avec un professionnel qui guide généralement l’internaute dans ses démarches ou lui apporte une réponse juridique à une problématique simple qui ne nécessite pas obligatoirement un déplacement en cabinet. On observe que ce type de service est nécessaire dans les zones reculées, pour les personnes ne pouvant pas de déplacer et cela contribue à réduire les appréhensions des clients à solliciter l’avis d’un expert du droit.

    • par Jean Paul , Le 8 mars 2015 à 08:31

      le site avocat-enligne.com est une arnaque. Il n’y a qu’ a écouter la personne qui vous répond lorsque vous appelez. Au bout de 3 minutes il vous demande votre numéro de carte bancaire. que faire pour faire disparaitre ces escrocs ?

      ABE

    • par Rédaction du Village , Le 9 mars 2015 à 10:07

      Bonjour,
      regardez le site http://www.garantieavocat.org/ peut-être ?

  • par Justice Express , Le 3 juillet 2013 à 15:20

    Nous profitons de cet article fort intéressant pour préciser que Justice Express ne fournit pas de services juridiques en ligne. C’est un site d’automatisation informatique des démarches administratives : http://www.justice-express.com/fr/public/accueil/

  • par Redaction , Le 3 septembre 2012 à 10:54

    "Gande tension entre les sites d’aide aux automobilistes et les avocats qui leur reprochent de proposer des conseils juridiques", à lire sur Legalis.

  • par Rédaction village de la justice , Le 23 août 2012 à 11:21

    Encore faut-il déjà trouver l’avocat qu’il vous faut, c’est la base : C’est pourquoi le village de la justice propose l’annuaire d’avocats Cherche1avocat.com.
    Une démarche tournée vers la mise en relation "intelligente".

  • par Rédaction Village de la justice , Le 6 juillet 2012 à 11:15

    Le bâtonnier de Paris, Christiane Féral-Schuhl, a rencontré le 28 juin 2012 le président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), René Pallincourt, afin de lutter contre « les braconniers du droit et du chiffre ».
    Ils se sont accordés sur le fait que «  la pratique de certains sites internet, se prévalant de l’image de l’avocat pour masquer qu’ils sont agents immobiliers, n’est pas tolérable et qu’il convenait donc d’y mettre un terme  ».
    Pour le président de la Fnaim, « cela va dans les deux sens : certains avocats ont des activités immobilières de façade. Or, ils peuvent intervenir dans l’accessoire - comme la signature d’actes sous seing-privé - mais pas à titre principal dans une opération immobilière  ». Et d’ajouter qu’ «  à l’inverse, certains agents immobiliers utilisent des avocats pour placer des annonces immobilières. Il convient de mettre de l’ordre dans tout cela  ».
    Source http://www.lavieimmo.com

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