Les travaux portant sur des constructions existantes.

Par Daniel Tasciyan, Avocat.

75745 lectures 1re Parution: 8 commentaires 4.96  /5

Explorer : # travaux # urbanisme # régularisation # constructions

Lorsque des travaux sont envisagés sur une construction existante, la déclaration préalable ou la demande de permis de construire n’a pas à porter sur cette construction mais uniquement sur les travaux projetés. Il en va différemment lorsque ces derniers portent sur une construction irrégulière ou non conforme aux règles en vigueur.

-

Les travaux exécutés sur les constructions existantes sont en principe dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme [1].

Ils doivent cependant, lorsque leur importance, leur localisation ou leur nature l’exige, faire l’objet d’une déclaration préalable [2] ou être soumis à permis de construire [3]. La demande n’a toutefois pas à porter sur la construction existante, et l’autorité administrative ne doit s’opposer aux travaux envisagés que si ces derniers méconnaissent les règles en vigueur. Mais encore faut-il pour cela que la construction n’ait pas été irrégulièrement édifiée et qu’elle ne soit pas devenue, du fait de l’évolution des règles applicables, non-conformes au droit de l’urbanisme. Autrement, en effet, les travaux ne pourront être entrepris que sous certaines réserves.

I – Les travaux portant sur des constructions irrégulières

Une construction irrégulière est une construction qui a été édifiée :

Sans autorisation. C’est le cas par exemple lorsqu’un bâtiment, dont la construction nécessitait un permis de construire, a été réalisé sans l’obtention d’une telle autorisation ;

En vertu d’un permis de construire qui a été ensuite annulé [4] ou retiré (en revanche, si une construction a été réalisée en vertu d’un permis de construire illégal, certes, mais qui n’a pas fait l’objet d’un retrait ou d’une annulation, celle-ci ne sera pas considérée comme étant irrégulière [5]) ;

Sans avoir respecté les prescriptions contenues dans le permis de construire [6] ou la déclaration préalable. C’est le cas si par exemple la hauteur du bâtiment construit excède celle autorisée par le permis de construire ;

Dans le respect des règles d’urbanisme mais qui a ensuite fait l’objet de travaux de modification [7] ou d’un changement de destination [8] sans avoir respectés les formalités obligatoires. Tel est le cas du propriétaire qui a transformé sans autorisation son garage en local commercial et qui souhaiterait réaliser des travaux sur la façade de ce local. Celui-ci sera en l’espèce tenu de présenter une demande d’autorisation concernant non seulement le changement de destination mais aussi les travaux à réaliser.

A – Les travaux nouveaux portant sur une construction irrégulière nécessitent au préalable la régularisation de la construction existante

Lorsque des travaux portent sur une construction irrégulière, l’autorité administrative, saisie d’une demande tendant à ce que soient autorisés ces travaux, est tenue d’inviter son auteur à présenter une demande portant sur l’ensemble du bâtiment [9].

Autrement dit, les travaux nouveaux portant sur une construction irrégulière nécessitent au préalable la régularisation de cette construction.

La demande d’autorisation aura ainsi pour objet de régulariser la construction existante et d’autoriser les travaux prévus.

Ainsi, lorsqu’un propriétaire dépose une déclaration de travaux portant sur la modification de l’aspect extérieur d’une construction édifiée sans permis de construire, alors même qu’une telle autorisation était requise, l’autorité administrative sera tenue de s’opposer à la déclaration de travaux et d’inviter le propriétaire à déposer une demande de permis de construire portant sur l’ensemble du bâtiment [10].

Au reste, cette régularisation ne pourra intervenir que si les règles d’urbanisme en vigueur à la date où l’autorité administrative statue, sur la demande, le permettent. Mais, si aucune régularisation ne peut avoir lieu, les travaux envisagés ne pourront pas être autorisés, quand bien même ils seraient conformes aux règles d’urbanisme.

B- Les cas dans lesquels une régularisation de la construction existante n’est pas requise

L’exigence de régularisation de la construction existante n’est toutefois pas requise lorsque les travaux projetés portent :

Sur un bâtiment qui, bien que faisant partie d’un ensemble immobilier, n’a pas été, à la différence des autres bâtiments composant cet ensemble, édifié en méconnaissance du permis de construire délivré [11] ;

Sur un élément divisible [12] ou dissociable [13] de la construction irrégulièrement édifiée. Il a ainsi été jugé que la construction d’une piscine, quoique proche de l’habitation irrégulièrement édifiée, mais qui n’était ni attenante ni structurellement liée à cette habitation en était dissociable, de sorte qu’aucune régularisation n’était nécessaire [14].

En dehors de ces trois cas de figure, l’exigence de régularisation de la construction existante sera toujours requise même si les travaux projetés ne prendraient pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation. Tel est le cas lorsqu’un appentis, qui a été irrégulièrement édifié, est accolé à une maison d’habitation. Dans cette hypothèse, le propriétaire qui envisagerait de procéder à des travaux d’extension de cette maison d’habitation devra obtenir une autorisation portant à la fois sur les travaux d’extension et sur cet appentis, même si les travaux d’extension ne prendraient pas directement appui sur cet appentis [15].

C – Les tempéraments au principe de la régularisation de la construction existante

Cette exigence de régularisation des constructions irrégulières est atténuée dans deux cas de figure.

En premier lieu, lorsque les travaux ont pour objet la restauration d’une construction ancienne [16].

L’autorité administrative dispose en effet de la faculté, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence, d’autoriser parmi les travaux demandés ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction existante et au respect des normes.

Cette autorisation ne sera cependant accordée que si la construction existante est insusceptible de régularisation au regard des règles d’urbanisme en vigueur et est à l’abri de toute action pénale ou civile (soit au pire dix ans à compter de l’achèvement de la construction).

En second lieu, lorsque les travaux portent sur des constructions irrégulières achevées depuis plus de dix ans.

L’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme dispose en effet que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Il est néanmoins important de préciser que cette disposition ne s’applique pas aux constructions qui ont été réalisées sans permis de construire.

A cet égard, ont été également considérés comme édifié sans permis de construire :

Une maison d’habitation construite en lieu et place d’un abri de jardin [17] ;

Un bâtiment dont les travaux d’extension nécessitaient la délivrance d’un nouveau permis de construire [18].

II – Les travaux portant sur des constructions non conformes

Une construction non conforme aux règles en vigueur est :

Soit une construction qui a été régulièrement édifiée mais qui, en raison de l’évolution des règles en matière d’urbanisme, n’est plus en conformité avec les prescriptions applicables ;

Soit une construction édifiée d’après un permis de construire (ou une déclaration préalable) illégal mais qui n’a pas fait l’objet d’une annulation ou d’un retrait.

Dans une telle situation les travaux nouveaux portant sur cette construction ne pourront être autorisés que dans quatre cas de figure, à savoir :

A – Les travaux nouveaux ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues

En premier lieu, l’autorité administrative est tenue d’autoriser les travaux qui ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux règles d’urbanisme en vigueur [19].

A titre d’exemple, le juge a autorisé les travaux de remplacement d’une partie des combles par un balcon-terrasse attendu que ces travaux visaient à réduire le volume de la construction irrégulièrement implantée, rendant dès lors la construction existante plus conforme aux prescriptions d’urbanisme [20].

Cependant, si les travaux demandés ont pour effet de rendre la construction existante moins conforme aux dispositions règlementaires méconnues, aucune autorisation ne sera en ce cas délivré. Ainsi, le juge a refusé d’autoriser les travaux qui avaient pour effet de porter le coefficient d’emprise au sol d’un immeuble de 76 % à 78 % dans la mesure où le règlement annexé au P.O.S applicable en l’espèce limitait ce coefficient d’emprise à 40 % [21].

B – Les travaux nouveaux sont étrangers aux dispositions réglementaires que méconnaît la construction existante

En second lieu, l’autorité administrative est tenue d’autoriser les travaux qui sont étrangers aux règles que la construction existante méconnaît [22].

On peut à ce titre citer le cas des travaux qui se bornent à changer la destination de volumes déjà construits et à modifier la répartition entre surface hors œuvre brute et surface hors œuvre nette, sans aggraver l’illégalité d’emprise affectant le permis initial [23].

Toutefois, « il n’est pas nécessaire, pour que des travaux soient regardés comme n’étant pas étrangers aux prescriptions méconnues (…), qu’ils aboutissent à aggraver la violation préexistante. Il suffit que ces travaux présentent un rapport avec l’objet de la règle d’urbanisme » [24].

C’est pourquoi, des travaux de surélévation de la toiture d’un bâtiment implanté en méconnaissance des dispositions du règlement du P.O.S, relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, n’ont pas été considérés comme étant étrangers à ces dispositions [25].

C – La possibilité reconnue aux documents d’urbanisme d’autoriser des travaux sur des constructions non conformes

En troisième lieu, l’autorité administrative peut autoriser la réalisation de travaux sur des constructions non conformes, lorsque les documents d’urbanisme applicables ne s’y opposent pas.

Les collectivités territoriales ont en effet la possibilité de déroger dans leurs documents d’urbanisme aux règles prévues au A et au B, et de prévoir les cas dans lesquels des travaux portant sur des constructions non conformes peuvent être autorisés [26].

D – Les travaux nouveaux portent sur une construction existante achevée depuis plus de 10 ans

En dernier lieu, on rappellera que l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dispose que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Par conséquent, les travaux nouveaux portant sur une construction non conforme mais achevée depuis plus de 10 ans pourront être autorisés, même s’ils n’ont pas pour objet de rendre cette construction existante plus conforme aux règles d’urbanisme ou même s’ils ne sont pas étrangers aux règles méconnues.

Daniel Tasciyan
Avocat à la Cour
contact chez tasciyan-avocats.fr
www.tasciyan-avocats.fr
https://twitter.com/tasciyanavocats
06.14.57.72.00

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

589 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[14Ibid.

[24M. Abraham, Concl. sur CE, 14 février 1996 n°152895.

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • par mangeney , Le 8 juillet 2021 à 11:53

    Bonjour
    Est ce que la création d’une chambre froide de 40 m2 dans une de mes granges est soumie à une déclaration de travaux
    Merci pour votre réponse

  • Bonsoir

    Un permis et donner pour un bâtiment recevant le public 5 éme catégorie.
    Un accident due à des modifications sans autorisation arrive et laisse la personne
    handicaper à vie.
    Permis donne en 2002 , accident en 2004.
    Y a t’il prescription ? Alors qu’un procès et en cour depuis 16 ans.
    L’assurance doit elle payé en cas de non respect du contrat de ce bâtiment
    quand on fait de fausse déclaration.
    Merci pour vos réponses.
    ALain

  • par Nathalie Belingard , Le 19 novembre 2020 à 08:26

    Bonjour
    Je vends une maison mais une piscine (qui n est toujours pas finie) et une véranda d environ 15 m2 datant toutes deux de plus ou moins 1990 apparaissent au cadastre mais n ont pas de début et d achevement des travaux à l ’urbanisme ainsi qu un abri de 48 m2 qui a fait l objet d un accord de permis de construire qui apparaît au cadastre et à l impôt mais n a pas d achevement des travaux à l urbanisme
    J ai contacté l urbanisme pour une régularisation en vue de la vente il m à été répondu que les constructions étaient trop vielles comme elles étaient au cadastre je n avais pas besoin de regularisation même si les acquéreurs voulaient revendre par la suite et si ont ne voulait pas être taxe deux fois l urbanisme ne ferai pas de regularisation car les documents necessaires n existaient plus et les nouveaux pas valables que l on pouvait rester dans l état mais d après le notaire pour bien finalistes la vente rester dans la légalité il fallait une régularisation (qui doit faire l objet d une close suspensive à la vente) que doit je faire pour que nous soyons pas imposable deux fois et que nous ne risquons rien l acquéreur (qui est au courant de la situation ) merci de m aider

  • par Raf , Le 19 juin 2020 à 07:01

    Bonjour,

    Je réalise une extension ( garage + chambre a l’étage )

    ma déclaration préalable a été acceptée en 2014.
    Je continue toujours mes travaux actuellement dans le respect des délais.
    Pour des raisons techniques nous avons pas pu respecter les mesures .
    Pour vous donnez les chiffres :
    Nous avions a l’époque une emprise au sol de 18m2 une création de plancher de 27m2 et une surface total de 146m2, une hauteur de 5m50 et une limite de construction a 4m de limite de propriété.
    J habite une ville avec un PLU.
    Aujourd’hui j ai une emprise au sol avec 21m2 , 30 M2 de création de plancher et 149 M2 de surface habitable . augmenter la hauteur de l extension a 6m50
    En ayant donc maintenant une construction en limite de propriété a 3m60.
    Nous avons du élargir l extension de 20 cm et allongée de 60 cm .
    En 2018 le PLU de ma commune a changé .
    J en ai informé le cabinet d urbanisme de la commune avant de continuer les travaux sans être très précis ...
    Il m’a été clairement dit de continuer comme ça car si on devait effectuer une autre déclaration préalable elle serait refusé car le plan d urbanisme a changé .

    Je voudrais savoir aujourd’hui , demain quand je vais déclarer ma achèvement de travaux , qu il risque j encoure ? Qu’elle solution puis je trouver ? Car cela me tracasse énormément ....merci a vous ...

  • Bonjour,
    J’ai acquis une maison en campagne édifiée sans permis de construire.
    J’ai eu besoin de l’agrandir et est donc déposer en mairie une autorisation préalable de travaux pour un agrandissement de moins de 20 mètres carrés.
    Cette autorisation démontrait clairement l’ensemble du bâtiment déjà existant et bien sûr où se situait l’extension.
    Cette autorisation m’a été accordé tacitement car je n’ai pas reçu de refus ( ou acceptation dans le délai prévu).
    Toutes les règles d’urbanisme ont été respectées.
    Cela "legalise"-t-il donc l’ensemble de la construction ?( l’ensemble du bâtiment et bien déclaréaux services des impôts et le cadastre est bien mis à jour ).
    Merci pour votre réponse car je met ce bien en vente et je veux être sûr de ne pas avoir de problèmes par la suite.

    • par LEGER Guy , Le 22 mai 2020 à 18:19

      Bonjour,
      Une construction sans permis de construire se precrit pénalement par 10 ans, et administrativement par 20 ans. C’est a dire qu’au dela de ces délais elle est considérée comme "régulière.....sans l’être" . Rien ne s’oppose donc a vendre et le Notaire est tenu de recevoir l’acte. Quant aux constructions rajoutées, passé les délais ci dessus, elles ne pouvaient pas vous être refusées
      (il s’agit en droit de la nouveller formule de Pardon administratif !!) Le fait d’avoir déposé votre déclaration de travaux rend ,ces travaux légaux du fait qu’ils n’ont pas faits l’objet d’un refus ou d’une oppositio
      Cordialement.
      G.L ancien Notaire

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 290 membres, 27816 articles, 127 250 messages sur les forums, 2 800 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• L'IA dans les facultés de Droit : la révolution est en marche.

• Assemblées Générales : les solutions 2025.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs