La déclaration de créance est, pour le créancier qui espère obtenir le paiement de sa créance, la porte d’entrée dans la procédure collective.
L’article L622-24 du Code de commerce impose à tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de déclarer leur créance dans un délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement au BODACC.
Le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai requis est frappé de forclusion et sa créance est inopposable à la procédure collective.
Mais la déclaration de créance n’est que la première étape d’une procédure complexe visant à faire « le tri » dans les créances déclarées.
La vérification des créances, un préalable à la contestation
Afin d’être admise au passif, la créance doit passer l’étape de la vérification. La vérification des créances consiste à examiner chaque créance déclarée afin de vérifier son existence et son montant.
C’est dans ce cadre que le mandataire judiciaire et/ou le débiteur peuvent discuter de la créance.
A ce titre, l’article L622-27 du Code de commerce prévoit que « S’il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé, par courrier RAR, en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances. »
Ainsi, le créancier dont la créance est discutée est invité à faire part de ses observations sur la proposition du mandataire judiciaire tendant au rejet ou à l’admission de sa créance, dans un délai de trente jours à compter de la réception du courrier de ce dernier.
Le créancier qui ne répond pas au courrier du mandataire judiciaire dans ce délai est privé du droit de contester la proposition du mandataire judiciaire et, subséquemment, de l’exercice des voies de recours contre la décision du juge-commissaire qui confirmerait la proposition du mandataire judiciaire.
Ainsi, l’absence de réponse du créancier conduit, dans certaines hypothèses, à son exclusion du débat judiciaire.
La naissance de la contestation
La contestation au sens de l’article L622-27 précité n’émerge que si le mandataire judiciaire et/ou le débiteur ont discuté la créance, que son rejet a été proposé et que le créancier a contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai requis.
C’est donc le créancier qui fait naître le contentieux de la contestation de créance, même si la direction de la procédure de contestation de créance lui échappe comme incombant au seul mandataire judiciaire [1].
Les suites de la contestation
L’article L624-3 du Code de commerce prévoit que :
« Le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire.
Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n’a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l’article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire... »
Il convient ainsi de distinguer deux hypothèses, selon que le créancier a répondu ou non au courrier d’observations adressé par le mandataire judiciaire.
Hypothèse 1 : le créancier a répondu dans le délai imparti de trente jours
Dans ce cas, le créancier est recevable à exercer un recours contre la décision
défavorable du juge-commissaire.
Ce recours s’exerce par la voie d’un appel, soumis au droit commun et aux dispositions de l’article R661-1 et suivants du Code de commerce.
Le délai d’appel est de 10 jours à compter de la notification de la décision au créancier par le greffe par courrier recommandé avec accusé de réception. L’appel peut être instruit selon la procédure à bref délai selon les pratiques des cours d’appel.
Le créancier doit intimer le mandataire judiciaire et le débiteur en raison de l’indivisibilité de l’instance de vérification des créances.
En effet, la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises le lien d’indivisibilité procédurale existant entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire en matière de vérification des créances [2], impliquant le relevé d’office de l’irrecevabilité de l’appel en l’absence de mise en cause d’une de ces parties [3].
Hypothèse 2 : le créancier n’a pas répondu dans le délai imparti
A titre liminaire, il est rappelé que conformément à l’article L622-27 précité, le délai de trente jours ne s’applique pas lorsque la discussion ne porte que sur la régularité de la déclaration de créance [4].
En dehors de cette hypothèse, le créancier est privé de la possibilité de débattre de la proposition du mandataire judiciaire devant le juge-commissaire.
L’article R624-4 du Code de commerce prévoit, en effet, qu’il n’y a pas lieu à convocation du créancier devant le juge-commissaire lorsque celui-ci n’a pas contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai imparti.
La Cour de cassation a toutefois admis la possibilité de convoquer le créancier nonobstant l’absence de réponse au courrier du mandataire judiciaire, en jugeant que le juge-commissaire tient des articles 8, 13 et 184 du code de procédure civile la faculté d’ordonner la comparution des parties afin de recueillir leurs explications sur les points de fait et de droit qui lui paraissent nécessaires pour statuer sur l’admission de la créance [5].
Le créancier qui n’a pas répondu au courrier du mandataire judiciaire est également privé du recours devant la cour d’appel contre la décision du juge-commissaire statuant sur l’admission de sa créance.
Mais, là encore, il convient de distinguer selon que la décision du juge-commissaire désapprouve ou approuve la proposition du mandataire judiciaire.
Dans le premier cas, c’est-à-dire, le cas où le juge-commissaire rejette la créance alors que le mandataire judiciaire avait proposé son admission, le créancier reste recevable à interjeter appel de la décision de rejet nonobstant l’absence de réponse au courrier du mandataire judiciaire dans le délai de trente jours.
Il a par exemple été jugé que le créancier retrouve son droit de former un recours en l’absence de réponse au courrier du mandataire judiciaire lorsque le juge-commissaire a rejeté la créance dans sa totalité alors que le mandataire judiciaire avait proposé un rejet partiel [6].
Dans le second cas, c’est-à-dire, le cas où le juge-commissaire confirme purement et simplement la proposition du mandataire judiciaire, le créancier qui n’a pas répondu dans le délai de trente jours ne peut plus exercer de recours contre cette décision.
La Cour de cassation a toutefois rappelé que la voie de recours n’est fermée que si la contestation de créance a fait courir le délai de trente jours.
Pour ce faire, la contestation doit être régulière. La Cour de cassation a ainsi jugé que :
« si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception qui précise l’objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l’inscription est proposée et rappelle les dispositions de l’article L. 622-27 du même code...qu’il n’y a discussion de la créance, au sens de l’article L. 622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d’ouverture... [7] ».
- Maître Lamia SEBAOUI
Avocate LX Lyon
Praticienne des procédures collectives
Ainsi, la lettre de contestation, pour être régulière, doit répondre à certains critères de forme et de fond.
de forme d’abord : courrier RAR ; précisant clairement l’objet de la discussion [8] ; indiquant la proposition du mandataire judiciaire et le délai de réponse du créancier,
de fond ensuite : la discussion doit porter sur l’existence de la créance, son montant ou sa nature. Ainsi, les discussions relatives à des demandes d’explications ou des demandes d’informations complémentaires ne peuvent faire courir le délai de réponse du créancier. Il a par exemple été jugé que le courrier du mandataire judiciaire qui se borne à solliciter du créancier la transmission de pièces justificatives [9] ou celui qui tend à l’actualisation de la créance en raison de paiements effectués postérieurement à l’ouverture de la procédure [10] ne peut faire courir le délai de réponse du créancier.
Par conséquent, pour valoir discussion de la créance et faire courir le délai de trente jours, la lettre du mandataire judiciaire doit répondre à des critères précis.
La sanction du défaut de réponse du créancier, en ce qu’elle implique la restriction du droit d’accès au juge, doit conduire les juges du fond à une analyse systématique de la régularité de la lettre de contestation et de son contenu.