Désormais, cette situation est considérée comme une injustice au sens juridique, ouvrant droit à une indemnisation : A l’étranger, l’Argentine, la Chine, et plus près de nous, le Portugal, pays de l’UE (1).
En France, la participation aux charges du mariage, la prestation compensatoire introduite dans la Loi sur le divorce, répondent-elles à cette situation de la vie au quotidien ? Pas vraiment, la notion de travaux ménagers étant très extensible et surtout ne laissant pas d’enrichissement patrimonial. Il faut recommencer le lendemain (2).
Quelle solutions alors à envisager pour donner à la femme la reconnaissance de sa valeur dans son rôle de femme et de mère nourricière que le féminisme a dévalorisé, a refusé d’assumer pour s’en débarrasser auprès du mari, exploiteur de la “condition féminine” ? (3).
1) L’image traditionnelle de la femme au foyer, faisant le ménage, épouse et mère nourricière de son mari et des enfants, a fait l’objet, avec les mouvements féministes, de revendications égalitaires dans la répartition des tâches des travaux ménagers. En finir avec le chef de famille, faisant vivre par son travail son épouse et sa progéniture. Cette libéralisation de la femme, indépendante financièrement de son mari, est allée crescendo.
En France, l’égalité des époux est instituée dans la Loi sur le mariage et dans la Loi sur l’exercice de l’autorité parentale.
Cette égalité est également affirmée dans les lois de nombreux pays.
Malgré ces principes, les femmes se sentent encore discriminées par rapport aux hommes sur le plan professionnel mais aussi dans leurs vie quotidienne de couple : le mari, le compagnon, ne l’aide pas dans l’entretien du foyer.
Cette revendication spécifique - sui generis - a été déclarée recevable et fondée dans 3 décisions récentes :
Argentine : Une décision de janvier 2019 [1] : une épouse de 70 ans ayant été sous la dépendance économique de son mari, s’est vue attribuée 8 millions de pesos soit 160.000 euros, après 27 ans de mariage. Le divorce a été prononcé en 2011 - le couple était séparé depuis 2009. La Juge a déclaré que “la dépendance économique des femmes vis-à-vis de leur mari était l’un des mécanismes centraux à travers lesquels on les subordonne dans la société.” Cette somme a été qualifiée de “compensation économique”, principe introduit dans la Loi argentine en 2015, comparable à la prestation compensatoire en droit français. Le jugement indiquant que l’épouse ne pouvait pas travailler après 60 ans, âge de la retraite.
République Populaire de Chine : En janvier 2011, un mari a été condamné à verser 50.000 yuans - 6400 euros - pour non participation des tâches ménagères durant 5 années de mariage, en application du nouveau Code Civil chinois qui “reconnaît la valeur des tâches ménagères et autres liées au fonctionnement du foyer”. Selon un magazine [2], le couple, en union libre depuis 2010, marié en 2015 à la naissance de leur enfant a divorcé en 2020 après cinq ans de mariage. Le Juge Feng Miao a condamné le mari en considération de l’épouse avait arrêté son travail pour se consacrer aux travaux ménagers. Les motifs sont intéressants dans son analyse des travaux ménagers qui
“ont une valeur immatérielle, en ce qu’ils contribuent à l’amélioration du cadre de vie de l’autre conjoint et au développement de l’enfant, deux choses qui ne se matérialisent pas dans des biens que l’un pourrait donner à l’autre, d’où la compensation financière”.
En France, les travaux ménagers sont jugés comme des heures de ménage et ne sont pas une valeur immatérielle : “Tout travail mérite salaire”. La valeur “bien être” n’est pas quantifiable.
Portugal : Cette décision est plus intéressante pour nous, proches de ce beau pays, européen, très progressiste dans sa législation sociétale. Dans cette décision de janvier 2021 [3] du 02 avril 2021, le compagnon ayant vécu en union libre avec une femme pendant 30 ans, a été condamné à payer 60.782 euros à son ex, qui avait effectué seule les travaux ménagers plus suivi des devoirs de leur fils, tout en ayant travaillé avec lui dans le magasin de meubles familial (commun ?).
La Cour Suprême du Portugal a déclaré :
« Il n’est pas possible de considérer que la réalisation de la totalité ou quasi-totalité des tâches ménagères par un seul des membres du couple, marié ou non, correspond à l’accomplissement d’une obligation naturelle, fondée sur un devoir de justice. Au contraire, un tel devoir appelle à une répartition des tâches aussi égalitaire que possible ».
Eléments importants :
1°) C’est la Cour Suprême, innovante dans sa jurisprudence de notion de justice égalitaire dans la vie du couple.
2°) C’est une union libre sans cadre légal, comme le mariage ou le Pacs à régime communautaire ou séparatiste. La Cour mentionne le caractère naturel de l’obligation de répartition égalitaire des travaux ménagers et dans la gestion plus générale de la vie commune, incluant les comptes et l’administration (factures, courriers) et les enfants (achats, coiffeur, médecins, suivi scolaire, accompagnements divers).
3°) L’histoire ne dit pas si la concubine était associée ou collaboratrice dans le magasin de meubles.
Mais, ce n’est pas sur le critère indemnitaire d’une vie professionnelle sacrifiée que la Cour Suprême a condamné le compagnon, c’est sur le critère de Justice Égalitaire dans le couple, d’obligation de faire naturelle.
2) Le Droit Français connaît deux régimes de biens : la communauté ou la séparation.
En communauté, dans le mariage ou dans le Pacs, il n’y a pas de comptes entre époux ou partenaires.
La femme ne pourra pas obtenir une indemnisation pour un travail ménager courant, 2, 5 heures par semaine - moyenne française - ne laisse pas de profit subsistant à la communauté. Le ménage est quotidien et il faut toujours recommencer.
Et surtout, la vie de couple, de famille ne repose pas sur une notion économique.
Le choix de mettre tout en commun est un choix libre dans un pays où la femme a ses droits essentiels affirmés, reconnus de plus en plus. Le critère de discrimination au travail est très fort et redoutable pour les employeurs.
La prestation compensatoire, quels que soient les régimes matrimoniaux, permet de compenser une disparité des conditions d’existence des époux après le divorce. Les critères sont essentiellement axés sur l’âge des époux, la durée du mariage, les sacrifices de carrière de la femme qui a arrête de travailler pour élever les enfants, la retraite qu’elle aura (les enfants donnent des trimestres supplémentaires [4].
Cette estimation du prévisible des années à venir est source d’incertitudes car toutes les données ne sont pas prises en compte : héritage à venir, pension de réversion si décès du mari.
3) Rien pour le ménage. Injustice ? Pas vraiment, si le mari ou compagnon participe quand même à la vie du quotidien. Il n’aime pas passer l’aspirateur, repasser, cuisiner, encore que les appareils électro-ménagers connectés sont très faciles d’utilisation.
Et le bricolage ? les petites réparations (plomberie, électricité), aller conduire ou chercher les enfants à l’école ?
Tout cela est un tout, c’est la vie, c’est un choix de bonheur malgré tout.
Que faire ? Se faire respecter avant tout. En France, la femme actuelle est quand même bien respectée dans ses droits. A elle de les exercer. Le Juge doit être le dernier maillon.
Heureusement, les jeunes couples mariés ou non ont conscience de cette égalité dans leurs relations : les pères suivent la grossesse de leur compagne, assistent à l’accouchement.
Ces qualités dites “féminines” sont des avancées obtenues par la reconnaissance des revendications féministes. Il est possible d’aller plus loin comme au Portugal. Mais attention, l’attrait du Pacs vient principalement de la facilité de la rupture et de l’absence de prestation compensatoire.