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Lab EFB, un dispositif favorisant l’innovation des élèves-avocats.
Parution : mercredi 9 novembre 2022
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Créé à la rentrée 2018 sous l’impulsion du Barreau de Paris, le Lab EFB fait partie du cursus de tous les élèves-avocats. Romain Hazebrouck [1] en est le responsable pédagogique ainsi que le tuteur pour les ateliers de Legal design. Il répond aux questions de la Rédaction du Journal du Village de la Justice.

Interview initialement publiée dans le Journal du Village de la Justice n°97.

Jordan Belgrave : Quels sont les objectifs du Lab EFB ?

"(...) sortir les élèves avocats de la pure production de documents."

Romain Hazebrouck : « L’objectif premier du Lab EFB est de sortir les élèves avocats de leur spécialité juridique et de la pure production de documents pour qu’ils prennent du recul et se préparent aux évolutions de leur profession.
Cela passe d’abord par l’apprentissage du travail en équipe, parce que, faire un exposé à plusieurs, ça n’est pas savoir travailler en équipe.
Cela passe aussi par l’acquisition de compétences qui sont demandées en entreprise sans être enseignées à la fac, comme faire une présentation ou argumenter ses propositions avec des recherches chiffrées. Or, la plupart des élèves avocats considèrent que, dès qu’ils sortent de la rédaction juridique, ils ne sont pas dans leur rôle d’avocat.
Enfin, l’idée du Lab est de créer un espace de liberté pour que les élèves choisissent des projets sur lesquels personne n’a travaillé avant et pour qu’ils puissent ainsi trouver des solutions que personne n’avait envisagées ».

Quelles sont les perspectives sur l’innovation au Lab EFB ?

"Faire passer aux futurs avocats l’idée que l’efficacité est la clé de l’avenir de la profession."

« Pour qu’il y ait de l’innovation, il n’y a pas besoin de digital. Par contre, il est important qu’il y ait une vision entrepreneuriale du cabinet d’avocat.

L’innovation peut donc se décliner sur les trois aspects principaux d’un projet entrepreneurial que sont le marketing, la production ou le positionnement. Une équipe d’élèves avocats a par exemple monté un projet de cabinet qui était traditionnel dans son fonctionnement mais très novateur dans son positionnement, puisqu’ils ont choisi de l’orienter entièrement vers le e-sport, en déclinant les services qu’ils pourraient mettre en place dans ce secteur.
D’autres groupes d’élèves créent des outils qui sont du pur développement informatique, comme cet outil digital traitant toutes les questions de droit international privé.

Nous voulons faire passer aux futurs avocats l’idée que l’efficacité est la clé de l’avenir de la profession. Aujourd’hui, les avocats travaillent 60 heures par semaine, sur lesquelles un certain nombre sont totalement inutiles et beaucoup d’autres sont évitables. Donc, la façon dont les avocats gèrent ou dilapident leur temps par mésusage de certaines technologies disponibles est un élément essentiel. Lorsque les élèves sortent du Lab, ils auront travaillé sur du parcours client, sur de l’automatisation des process, et sur une stratégie, en réfléchissant précisément, étape par étape, aux endroits où du temps est perdu. J’ai des retours d’élèves qui ont ensuite su proposer des process et des outils dans des cabinets au fonctionnement plutôt artisanal ».

Quelles sont les réactions des étudiants ?
« Au départ, une partie d’entre eux sont quasiment révoltés face à la proposition du Lab EFB, considérant que ça n’est pas sérieux et qu’il s’agit d’une « pratique d’écoles de commerce ».
Paradoxalement, et c’était mon cas aussi quand j’étais à leur place, les jeunes avocats sont souvent assez conformistes et bien moins réceptifs aux sujets d’innovation qu’un avocat qui a quinze ou vingt ans de carrière. Toutefois, après le premier coaching qu’ils ont avec leur tuteur, ils se rendent compte que la démarche est sérieuse et que, même si c’est un peu iconoclaste, les choses inhabituelles qui leur sont demandées exigent du raisonnement, du travail, des recherches et une stratégie.
À la fin de la session, une petite minorité considère toujours que ce n’est pas le rôle de l’avocat de fonctionner comme cela, mais les trois-quarts sont emballés, dont certains pour qui cela représente une vraie révélation de leur potentiel ».

Quels sont les résultats obtenus pour les élèves ?

"Les équipes repartent avec le sentiment que leur travail a de la valeur."

« Mon sentiment est que la plupart d’entre eux, après huit semaines sur leur projet, réalisent que, quand on se démène pour aller sur le terrain, interroger des gens, et regarder des choses que personne d’autre n’a pris le temps de regarder, on n’est pas à l’abri d’obtenir des retours très positifs. Il est ainsi arrivé que la Direction Générale des Impôts dise sans détour à une équipe d’élèves qu’elle achèterait leur projet s’il était monté.
Les équipes repartent donc en général avec le sentiment que leur travail a de la valeur, tant au niveau symbolique qu’au niveau financier ».

Quelles sont les pistes pour l’avenir du Lab EFB ?
« Pour l’année 2023, entre autres choses, j’aimerais demander que chaque projet intègre la mise en place d’un outil digital avec des outils no-code. Car il faut bien comprendre que certains outils, notamment la prise de rendez-vous en ligne, ne relèvent même plus de l’innovation digitale. Ils sont aussi indispensables qu’un logiciel de traitement de texte et les clients ne comprennent pas qu’ils ne soient pas utilisés par les avocats tant ils y sont habitués avec d’autres professions ».

Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le Journal du Village de la Justice n°97.

Interview de Romain Hazebrouck réalisée par Jordan Belgrave pour la Rédaction du Journal du Village de la Justice.

[1Ancien avocat d’affaires et ancien juriste, Romain Hazebrouck est également le fondateur de RHVisuels.