L’impératif de visibilité des entreprises sur internet a conduit à une nouvelle forme de publicité sur les moteurs de recherche : les liens sponsorisés, ou Search Engine Marketing. Il s’agit de liens à but commercial qui apparaissent en marge des résultats fournis par un moteur de recherche, en étant la principale source de revenus – 4 milliards d’euros pour Google au troisième trimestre 2009. Pour le moteur de recherche Google, c’est donc le produit Adwords qui permet aux annonceurs d’acheter aux enchères des mots-clés afin d’afficher des liens pointant vers leurs sites lorsque l’internaute effectue une recherche comprenant ces mots-clés.
Or, ce service a très vite été détourné par les annonceurs, lesquels réservent parfois pour mot-clé une marque concurrente, afin de mettre en exergue leur propre site. Si la jurisprudence condamne sans difficulté particulière les réservataires des mots-clés litigieux, sur le terrain de la contrefaçon de marque, la question est plus délicate en ce qui concerne la responsabilité du moteur de recherche.
Depuis 2003, les tribunaux français ont cherché à mettre en cause Google quant aux liens sponsorisés contrefaisants. Ainsi, le moteur de recherche a tour à tour été condamné sur le fondement de la contrefaçon, de la publicité mensongère ou encore de la responsabilité civile ; tandis que d’autres décisions écartaient cette responsabilité, en qualifiant Google de simple prestataire technique.
Un éclairage était donc le bienvenu. Dans trois arrêts rendus le 20 mai 2008, opposant notamment la société Vuitton à Google, la Cour de cassation a souhaité poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. La CJUE vient de rendre son arrêt, en date du 23 mars 2010.
Sur la contrefaçon
La position de la CJUE est claire : Google n’est pas responsable au titre de la contrefaçon de marque. En effet, le fait de permettre aux annonceurs « d’acheter des mots-clés correspondant aux marques de leur concurrent » ne saurait suffire à engager la responsabilité de Google sur le terrain de la contrefaçon de marques. En effet, celui-ci ne fait pas « lui-même un usage desdits signes ».
A l’inverse, l’annonceur utilise un mot-clé reproduisant la marque, et le fait pointer vers des produits ou services similaires à ceux enregistrés par la marque, ce qui engendre un risque de confusion pour l’internaute. A ce titre, il y a bien contrefaçon, mais du seul fait de l’annonceur.
Sur la responsabilité du prestataire de service de référencement
Sur ce point, la CJUE estime qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si le rôle de Google se limite à une prestation technique, neutre et passive, auquel cas sa responsabilité ne saurait être engagée que si, un contenu illicite lui ayant été signalé, Google ne retire pas promptement ledit contenu. Ainsi, le « business model » de Google ne saurait être remis en cause.
Une question reste cependant en suspens : en lieu et place de son processus actuel, automatisé, et eu égard aux pratiques illicites dont fait l’objet son service Adwords, Google ne devrait-il pas, d’après le principe de loyauté, vérifier préalablement que l’acheteur d’un mot-clé est en droit d’utiliser cette marque, a fortiori en présence de marques renommées ?
Source : http://curia.europa.eu , arrêts du 23 mars 2010, Affaires C 236/08, C 237/08, C 238/08
Philippe Rodhain
Conseil en propriété industrielle
Chargé d’enseignement Bordeaux IV
Alexandra Zwang
Doctorante en Droit des Médias