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(Art / Exposition) : Théodore Rousseau, « La voix de la forêt » au Petit Palais et à Barbizon !
Par Jean-Louis Roux-Fouillet
Le Petit Palais de Paris présente une exposition inédite dédiée à Théodore Rousseau (1812-1867), un artiste oublié, des plus controversés de son époque, à la fois bohème, rebelle et moderne, pour qui la nature était à la fois le sujet principal de son art, son univers et son refuge. Apprécié tant par les jeunes impressionnistes que par les photographes qui suivent ses traces en forêt, Rousseau incarne à lui seul la vitalité de l’école du paysage, au cœur d’un siècle marqué par la révolution industrielle et l’avancée des sciences du vivant.
Ce précurseur prend le contre-pied de tout ce qui se fait à son époque et sans lui, il est probable que l’impressionisme n’existerait pas !
- Théodore Rousseau, Arbre dans la forêt de Fontainebleau, 1840- 1849, huile sur papier marouflé sur toile. © Victoria and Albert Museum.
Écarté du Salon officiel par un jury académique sévère, il est acclamé comme étant le plus grand paysagiste d’Europe par la critique progressiste. Véritable écologiste avant l’heure, il observe la forêt de Fontainebleau avec un regard d’artiste et alerte sur la fragilité de cet écosystème. Il est d’ailleurs à l’origine de l’idée de première réserve naturelle au monde, plaidant sa création auprès du gouvernement de Napoléon III.
« Je demande au moins que l’art ait sa place dans cette grande exploitation. Que les lieux qui sont pour les artistes des sujets d’étude, des modèles reconnus de composition et de tableau, soient mis hors d’atteinte de l’administration forestière qui les gère mal et de l’homme absurde qui les exploite. » Lettre adressée par Théodore Rousseau et Alfred Sensier au Comte de Morny, demi-frère de l’Empereur.
- Étienne Carjat, Portrait de Rousseau, vers 1865, photographie, Musée d’Orsay © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
L’exposition réunit près d’une centaine d’œuvres provenant de prestigieux musées français tels que le Louvre et le musée d’Orsay, ainsi que de musées européens comme le Victoria and Albert Museum et la National Gallery de Londres, la Collection Mesdag de La Haye, la Kunsthalle de Hambourg, entre autres, ainsi que des collections privées.
- Etude de troncs d’arbres, 1833 © Strasbourg musée des beaux-arts / JLRF
Il était temps de se pencher à nouveau sur cette figure révolutionnaire, alors que d’autres institutions étrangères l’ont déjà fait, en montrant combien cet artiste mérite une place de premier plan dans l’histoire de l’art et du paysage, mais aussi à quel point son œuvre peut guider, aujourd’hui, notre relation à la nature.
- Théodore Rousseau, L’Allée de châtaigniers 1825-1850, Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / JLRF
L’exposition retrace le parcours artistique de cet artiste singulier, toujours en marge de ses contemporains. La première partie met en lumière son choix de dévier de la voie académique, notamment en refusant le traditionnel voyage en Italie pour parfaire son art. Rousseau, préférant explorer la France, capturer la nature pour elle-même plutôt que de la dépeindre comme simple décor pour des scènes mythologiques. Ses voyages à travers la Vendée, l’Auvergne, le Berry, les Alpes, les Landes, les Pyrénées, ainsi que ses séjours dans le Jura, lui offrent une étude approfondie de paysages variés et de lumières distinctes.
La forêt de Fontainebleau demeure sa principale muse.
Il cherche inlassablement à restituer sur la toile l’harmonie qu’il y éprouve, tant à l‘étude des arbres et des forêts, que de l’air et de la lumière qui y circulent.
Il entretient des liens étroits avec de nombreux artistes tels que Jules Dupré, Narcisse Diaz de la Peña, Eugène Delacroix, Ary Scheffer, Théophile Thoré, ou encore George Sand...
- Millet et Rousseau par Henri Chapu, 1884, plâtre du bas-relief en bronze érigé à la mémoire des deux peintres en Forêt de Fontainebleau. © JLRF
Simultanément, une vive prise de conscience de la menace pesant sur les forêts émerge parmi les artistes, les critiques et les écrivains, dans un contexte marqué par une industrialisation croissante. Les peintres observent avec consternation les déforestations massives et en témoignent à travers leur art. Rousseau, par exemple, s’efforce de dénoncer ces "crimes" à travers ses œuvres, mettant ainsi en lumière un sujet brûlant d’actualité. L’amour inconditionnel pour le vivant de celui qui clamait entendre la voix des arbres, fera de lui l’un des premiers à s’élever pour alerter sur la fragilité de ces ecosystèmes.
Cette exposition pédagogique, montre toute la singularité de l’œuvre de Rousseau dont le travail au plus près du motif fait partie intégrante de son processus créatif. Le peintre a besoin de s’immerger dans la nature. Il renonce à toute perspective géométrique et place le spectateur non pas en surplomb du paysage mais au cœur de cet écosystème. Il retouche ensuite ses tableaux en atelier parfois pendant plusieurs années. Sa technique très personnelle, qui contraste avec celle des autres artistes de son temps, lui vaut d’être refusé aux Salons plusieurs années de suite avant de choisir lui-même de ne plus rien envoyer, découragé. Paradoxalement, ce rejet qui lui vaut le surnom de « grand refusé » lui permet d’acquérir une notoriété et un véritable succès critique et commercial en France comme à l’étranger.
En écho à cette exposition, dans ce qui fut la maison et l’atelier de l’artiste, le musée départemental des Peintres de Barbizon organise une exposition visant à « Se souvenir de Théodore Rousseau ». À travers des œuvres issues des collections du musée, comprenant notamment une acquisition récente et majeure, Landes et roches d’Arbonne, jamais dévoilée au public, mais aussi des prêts de prestigieux partenaires tel le musée d’Orsay, l’exposition dresse un portrait sensible et poétique de l’homme et du peintre. Gravures, dessins et tableaux côtoient ainsi objets intimes et portraits de « l’homme des bois ». L’exposition rend hommage à celui qui fut considéré comme l’un des fondateurs de l’École de Barbizon et souligne, à travers les œuvres contemporaines inédites des jeunes artistes Gregory Buchert et Julia Dupont, l’écho que son art et son engagement provoquent encore aujourd’hui.
« Théodore Rousseau, La Voix de la forêt », jusqu’au 7 juillet 2024
Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Avenue Winston-Churchill, Paris 8
Informations : www.petitpalais.paris.fr« Se souvenir de Théodore Rousseau », du 9 mars au 16 juin 2024
Musée départemental des Peintres de Barbizon, 92 grande rue, 77630 Barbizon
Informations : [www.musee-peintres-barbizon.fr]
Photo en logo : Théodore Rousseau, Le Lac de Malbuisson, vers 1831, huile sur papier montée sur carton, 19,5×28,4 cm. Collection privée.