Cet article est proposé par le Magazine "Liberalis"...
Avec ce numéro du magazine LIBERALIS, nous vous invitons à poser un autre regard sur vos professions libérales.
Nous vous invitons à découvrir nos rubriques à travers le prisme des sentiments et de l’action comme « Se passionner », « S’étonner » pour découvrir les savoir-faire ou encore « S’enflammer » pour les témoignages de collectionneurs.
(Découvrir / Insolite) : Le Château Dufresne, perle méconnue de Montréal au Québec.
D’immenses forêts, l’omniprésence de l’eau à travers le fleuve Saint-Laurent et ses lacs, ainsi que de vastes étendues enneigées l’hiver... Il n’est pas aisé d’évoquer le Québec sans faire surgir les images et les mythes du Grand Nord et tomber dans certains clichés. Ici la nature est reine et la mosaïque humaine et francophone souffle en permanence un parfum bien particulier d’aventure. De l’actuel été indien ou les couleurs orangées de ses forêts flamboient, à la blanche saison, la Belle Province, près de trois fois la superficie de la France, s’appréhende à toute période.
Montréal, plus grande ville du Québec et deuxième agglomération canadienne derrière Toronto, située sur la plus vaste des îles de l’archipel d’Hochelaga, offre tous les attraits d’une métropole au caractère international. Ce qui frappe, c’est que la ville vibre au rythme de nombreux festivals. Musique à toutes les sauces, danse, théâtre, humour, cirque, histoire, culture du monde, tout y passe pour satisfaire tous les goûts.
- Château Dufresne intérieurs et extérieur © photos JLRF
On prend plaisir à flâner dans le quartier historique, où bien dans la ville nord-américaine, ses gratte-ciels et son Musée des Beaux-arts fondé en 1860, qui rassemble près de 47 000 peintures, sculptures, œuvres d’art graphiques, photographies, installations multimédias et objets d’arts décoratifs, de l’Antiquité à nos jours.
Mais c’est un monument nettement moins connu et atypique de cette région du monde, qui a attisé notre curiosité : le Château Dufresne.
Issus d’une famille francophone ayant fait fortune dans l’industrie de la chaussure, les frères Dufresne étaient des visionnaires et bâtisseurs majeurs de l’est de Montréal. Marius Dufresne, ingénieur, a conçu certains boulevards Montréalais, s’inspirant des Champs-Élysées, mais aussi des ponts et des barrages. Son frère Oscar, est lui davantage impliqué dans les affaires et la politique. Ils ont entrepris de construire le Château Dufresne entre 1915 et 1918. L’idée de départ était de faire contrepoids à la bourgeoisie anglophone de l’ouest de Montréal.
- Château Dufresne intérieurs et extérieur © photos JLRF
Les plans du Château Dufresne, comprenant une quarantaine de pièces, s’inspirent du Petit Trianon de Versailles. L’édifice adopte un style Beaux-Arts, très en vogue à l’époque, qui se caractérise par l’emploi d’éléments architecturaux d’inspiration antiques, tels que les colonnes et les corniches, ainsi que par des éléments du néoclassicisme français. La façade de l’édifice est en pierre calcaire de l’Indiana, arborant huit colonnes ioniques. Ils utiliseront des matériaux industriels modernes pour l’époque. C’est la première résidence privée à Montréal, bâtie avec des piliers en béton armé.
Le Château Dufresne se compose de deux résidences privées, celle d’Oscar à l’est et celle de Marius à l’ouest, regroupées par un corps de logis de trois étages. Le bâtiment compte déjà des commodités avant-gardistes, comme le chauffage central, l’aspirateur central, un ascenseur et des garages pouvant accueillir jusqu’à cinq automobiles. Le Château Dufresne est très proche dans son esprit de plusieurs résidences d’été construites à Newport, dans l’État du Rhode Island, par de riches familles américaines.
- Château Dufresne intérieurs et extérieur © photos JLRF
Mais c’est la décoration intérieure qui est ici le plus surprenant et unique. Celle-ci montre une variété impressionnante de styles différents, du Louis XIV au Louis XV, du néo-renaissance au néo-gothique en passant par le néo-mauresque et un luxe ostentatoire. Deux artistes viendront décorer les maisons : Guido Nincheri, peintre, vitrailliste, d’origine italienne et Alfred Faniel, peintre, décorateur, d’origine belge.
Guido Nincheri, surnommé le « Michel-Ange de Montréal », réalisa pour les Dufresne, un surprenant spectacle décoratif. Ici, pas de Vierge Marie ni d’anges, mais plutôt un spectacle païen et érotique invitant à la débauche : partout, des bacchanales impliquant des femmes nues dans des positions lascives, puis des faunes, des sirènes et des créatures mythologiques gréco-romaines. Un travail très surprenant surtout lorsque l’on met ces œuvres en parallèle avec les peintures religieuses si connues de l’artiste.
Notre esthète fantasque finira emprisonné, accusé de fascisme pour avoir peint une œuvre toujours visible : Mussolini à cheval dans l’église Notre-Dame-de-la-Défense à Montréal.
Les collections de peintures, sculptures, mobiliers, objets d’art des deux frères Dufresne s’enrichissaient en fonction de leurs goûts personnels, pas toujours académiques. On peut noter de belles collections de porcelaines de Sèvres, Limoges, de Capodimonte, anglaises, et un piano dont Ravel s’est servi pour un concert à Montréal.
- Château Dufresne intérieurs et extérieur © photos JLRF
Plusieurs fois menacé de destruction, le Château Dufresne, aujourd’hui classé, représente une partie importante et inconnue de l’histoire de Montréal. Une façon inhabituelle de découvrir cette ville aux multiples facettes, hors des sentiers touristiques habituels.
Château Dufresne, 2929, avenue Jeanne-d’Arc, Montréal (Québec) H1W 3W2
Métro Pie-IX
Informations : https://chateaudufresne.com
Photo en logo : Château Dufresne intérieurs et extérieur © photos JLRF