La question de l’administration de la preuve au cours du procès prud’homal revêt une importance particulière pour l’employeur. Si la charge de la preuve est partagée en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle (art. L. 1235-1, al. 3, C. trav.), elle pèse en revanche exclusivement sur l’employeur en cas de faute grave ou de faute lourde commise par le salarié (Cass. Soc., 22 février 1996, n° 92-43.353).
À défaut pour le code du travail de prévoir des dispositions spécifiques sur l’administration de la preuve et les mesures d’instruction, ce sont les dispositions générales du code de procédure civile qui viennent régir la procédure prud’homale, à commencer par l’article 9 selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Le principe étant la liberté de la preuve en matière prud’homale, à condition toutefois qu’elle ait été obtenue loyalement, le salarié et l’employeur peuvent verser aux débats une variété de documents, tels que, par exemple, des courriels, courriers, contrats, photographies, captures d’écran, plaintes, constats d’huissier ou bien encore des attestations en justice.
L’attestation en justice, prévue aux articles 200 à 203 du code de procédure civile, doit revêtir un certain nombre de mentions obligatoires à titre de validité. Outre les conditions formelles de validité, l’attestation en justice doit également satisfaire au principe de la loyauté de la preuve, en application du fondement théorique de l’article 1315 du code de procédure civile selon lequel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
C’est effectivement sur ce fondement que la chambre sociale de la Cour de cassation a écarté l’attestation d’un représentant légal de l’employeur (en l’occurrence, la directrice générale de la société), en application du principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même (Cass. Soc., 11 mai 1999, n° 97-41.245).
De la même manière, la question se pose de la recevabilité de l’attestation en justice établie par un salarié qui a représenté l’employeur lors de la procédure de licenciement. L’employeur peut-il valablement produire une telle attestation lors du procès prud’homal ?
Dans un arrêt du 13 novembre 2019 (n° 18-13.785), la chambre sociale de la Cour de cassation, en réaffirmant le principe selon lequel, en matière prud’homale, la preuve est libre, a jugé que rien ne s’oppose à ce que le juge prud’homal examine une attestation établie par un salarié ayant représenté l’employeur lors de la procédure de licenciement et qu’il appartient seulement à ce juge d’en apprécier souverainement la valeur et la portée.
Les juges du fond avaient écarté l’attestation du supérieur hiérarchique, dans le bureau duquel les faits se seraient déroulés, qui a signé la lettre de licenciement d’un salarié licencié pour faute grave, agissant en qualité d’employeur par délégation de pouvoir. Le fait d’écarter cette pièce sur la seule considération de la qualité de l’attestataire n’entre pas dans les prérogatives des juges du fond qui doivent seulement apprécier la valeur et la portée de l’attestation, dans le cadre de leur appréciation souveraine.
Dans la même veine, la chambre sociale de la Cour de cassation avait considéré, après avoir rappelé qu’en matière prud’homale, la preuve est libre, que rien ne s’oppose à ce que le juge prud’homal examine une attestation établie par un salarié ayant représenté l’employeur lors de l’entretien préalable et qu’il appartient seulement à ce juge d’en apprécier souverainement la valeur et la portée (Cass. Soc., 23 octobre 2013, n° 12-22.342).
La même solution se retrouve à l’identique en ce qui concerne l’attestation établie par le conseiller du salarié qui l’a assisté pendant l’entretien préalable : le juge prud’homal ne doit pas écarter sa recevabilité ; il lui appartient seulement d’en apprécier souverainement la valeur et la portée (Cass. Soc., 27 mars 2001, n° 98-44.66).
L’employeur peut donc produire une attestation en justice d’un salarié ayant agi en qualité d’employeur au moment de la notification du licenciement du salarié partie à la procédure prud’homale. Reste à savoir si, en pratique, une telle attestation aura la même influence sur l’appréciation des juges du fond que celle émanant d’un salarié n’ayant pas pris part à la procédure de licenciement.