Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui vient aborder la problématique de l’interruption de la prescription dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.
Dans cette affaire, la banque avait fait signifier aux époux X un commandement de payer aux fins de saisie-vente, le 22 août 2017, pour paiement de la somme totale de 64 060,81 euros fondée, après compensation, sur la copie exécutoire d’un prêt notarié dressé le 8 avril 2008.
Les époux X avaient saisi le Juge de l’Exécution d’une contestation du commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Par jugement en date du 25 octobre 2018, le Juge de l’Exécution avait jugé que la créance de la banque n’était pas prescrite et avait débouté les époux X de toutes leurs demandes.
Les époux X ont interjeté appel de la décision et ont sollicité que soit constaté la prescription de l’action en recouvrement de la banque.
Les époux X soutenaient que le délai de prescription biennale de l’action de la banque avait recommencé à courir à compter du 3 mars 2015, date du jugement ayant constaté la vente amiable de leur bien immobilier, saisi par la banque en paiement du prêt et date à laquelle la créance de cette dernière était connue.
La prescription de l’action de la banque était ainsi acquise à la date du 3 mars 2017 de telle sorte que le commandement de payer aux fins de saisie- vente signifié le 22 août 2017 était hors délais, et que par là même, l’action était prescrite.
Ils considéraient que la banque ne pouvait faire courir le délai de prescription biennale à compter du 17 septembre 2015, qui correspondait à la date de distribution du prix de vente de leur immeuble saisi et vendu dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, dans la mesure où aucune procédure d’ordre ni de distribution du prix n’avait eu lieu, la banque étant l’unique créancier.
Les époux X estimaient ainsi que la procédure de saisie immobilière avait pris fin par le jugement du 3 mars 2015 qui avait constaté la vente amiable du bien saisi, les dispositions de l’article R 332-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution n’ayant aucune incidence ainsi que le versement du prix par la Caisse des dépôts et consignations le 17 septembre 2015 entre les mains de la banque eu égard à la consignation du prix le 26 février 2015 qui valait paiement en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation.
La problématique était donc de déterminer quel était le point de départ de la fin de l’interruption de la prescription dans le cadre de la saisie immobilière,
Plus précisément, il était question de savoir s’il fallait prendre comme point de départ, ou bien le jugement de vente, ou bien la consignation du prix ou bien encore la distribution du prix.
A l’appui de ses prétentions, la banque concluait à l’absence de prescription de l’action en recouvrement de sa créance suite à la déchéance du terme du prêt en date du 15 juillet 2011, les époux X avaient procédé à 11 règlements entre le 8 février 2011 et le 23 avril 2012 qui avaient interrompu le délai de prescription.
Le dernier versement étant du 23 avril 2012, elle pouvait agir jusqu’au 23 avril 2014.
Le commandement de payer valant saisie immobilière avait un effet interruptif de la prescription qui se poursuivait jusqu’à l’abandon de la procédure de saisie immobilière, la clôture de l’ordre ou la distribution du prix….
En l’espèce, la procédure de saisie immobilière engagée avait donné lieu à un jugement du 3 mars 2015 constatant la réalisation de la vente amiable du bien, la distribution du prix de la vente étant intervenue le 17 septembre 2015 et, surtout aucun projet de distribution n’avait été établi.
La banque considérait que la procédure de saisie immobilière s’était achevée le 17 septembre 2015, date à laquelle le délai biennal de prescription avait recommencé à courir jusqu’au 17 septembre 2017.
Pour la banque, ayant délivré le 22 août 2017 aux époux X le commandement aux fins de saisie-vente, sa créance n’était pas, par conséquent, prescrite.
La banque souligne que la distribution du prix de vente avait été menée selon la procédure simplifiée de l’article R 332-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, étant la seule créancière inscrite sur le bien, il n’y avait donc pas eu de jugement de distribution du prix.
Pour autant, la distribution du prix avait été réalisée le 17 septembre 2015 par la remise des fonds consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations par le notaire et non au jour du constat de la vente amiable par le Juge de l’Exécution.
Il convient de rappeler qu’en matière de saisie immobilière, la Cour de Cassation avait expressément jugé que le commandement de payer valant saisie immobilière avait un effet interruptif de la prescription.
Cette interruption de la prescription, se poursuit alors jusqu’à la clôture de l’ordre ou la distribution du prix et non jusqu’au paiement du prix par voie de consignation comme tentait de le faire croire les époux X
Ainsi, la distribution du prix au créancier poursuivant ne s’achevait nullement par sa consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations mais bien par la remise effective des fonds au créancier.
Cette remise étant intervenue que le 17 septembre 2015, sa créance n’était pas prescrite.
La Cour d’Appel rappelle qu’aux termes de l’article 2242 du Code Civil, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
L’article L311-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution dispose que la saisie immobilière tend à la vente forcée de l’immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution du prix.
Il résulte de ces textes que l’effet interruptif de prescription attaché au commandement aux fins de saisie immobilière se poursuit jusqu’à la distribution du prix et non à la date de consignation du prix de vente.