Accident de la circulation : préjudice économique des proches de la victime.

Par Cécile Bigre, Avocat.

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Avec une hausse de +1.3% par apport en 2019, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière a recensé 3451 personnes décédées en 2022 sur les routes de France métropolitaine et d’outre-mer.
Parmi ces victimes décédées dans un accident de la route, se trouvent des pères et mères, une épouse, un époux qui, par son décès, entraîne une perte de revenus pour le foyer familial.

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Eléments constitutifs du préjudice économique de la victime décédée, toutes les ressources doivent être prises en compte, le salaire, le traitement, la rémunération bien entendu mais également les allocations provenant de l’impossibilité de travailler [1].

Méthode de calcul de la perte de revenus du foyer.

Très encadrée, la méthode de calcul est développée par la Nomenclature Dintilhac, validée par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat.

Calcul du préjudice de référence de la famille.

Tout d’abord, la totalité des revenus qui ont été et qui sont perdus pour la famille doit être pris en compte.

Ce préjudice ne s’arrête pas à la retraite.

Ce premier calcul permet de s’assurer de la prise en compte totale des ressources du foyer avant l’accident de la route et de les répartir sur la composition du foyer.

Ainsi, le conjoint survivant et les enfants sont bien individuellement pris en compte.

Pour cela, l’assiette des ressources du foyer doit être reconstituée avec les avis d’imposition, et tout autre document permettant de reconstituer les revenus des deux conjoints à la date du décès, actualisé au jour du chiffrage et avant impôt.

Les allocations issues de la solidarité nationale, comme l’allocation adulte handicapée, doit être prise en compte pour déterminer le revenu annuel de la victime décédée dans l’accident de la route.

Détermination de la part d’auto-consommation.

Chaque membre de la famille, y compris le conjoint décédé dans l’accident de la route, se voit attribuer une part d’autoconsommation.

La jurisprudence considère majoritairement que chaque adulte consomme 20% des revenus du foyer, tandis que chaque enfant en consomme 15%, le reste étant attribué aux charges fixes de la famille.

Bien sûr, chaque situation peut être différente.

Ainsi, selon l’âge de l’enfant ayant perdu son père ou sa mère et son parcours scolaire, la part d’autoconsommation peut varier de 15 à 25%.

Par une famille monoparentale ou avec un enfant, la part d’autoconsommation peut être évaluée individuellement à 25%.

Calcul du revenu disponible avant décès pour le conjoint survivant et les enfants.

Le résultat est obtenu un soustrayant le revenu de référence du foyer de la part consommée par le conjoint décédé dans l’accident de la route.

A ce résultat est soustrait le revenu actuel du foyer. Le préjudice annuel du foyer est alors obtenu.

Le revenu actuel du foyer comprend les revenus existants du conjoint survivant au jour du décès ; mais aussi ceux consécutifs au décès.

A ce titre, la pension de réversion, bien que très critiquable, doit être prise en compte.

A l’inverse, le capital décès n’entre pas en considération, ni même le remariage du conjoint survivant [2].

Préjudice économique total de la famille.

Celui-ci est calculé par l’addition du préjudice annuel du foyer de l’accident et la date de liquidation du préjudice et le préjudice annuel capitalisé selon un euro de rente viagère déterminé au jour de la liquidation.

Sont alors pris en compte l’âge et le sexe de l’époux qui serait décédé en premier (l’homme si faible différence, la femme si celle-ci était plus âgée que son conjoint).

Les Tribunaux sont toutefois souverains en leur appréciation selon le cas d’espèce.

Calcul du préjudice économique de l’enfant.

Pour les enfants de la victime décédée, sa part d’autoconsommation doit d’abord être imputée, soit préjudice annuel x part d’autoconsommation de l’enfant.

Est alors obtenu le préjudice annuel.

L’euro de rente est temporaire et limité à la durée prévisible des études et/ou de l’autonomie de l’enfant (18, 21, 25 ou 29 ans).

Chaque cas est néanmoins discutable et peut être pris en compte le soutien financier régulier.

Il y a lieu de calculer les arrérages échus, et le préjudice capitalisé à compter de la date de liquidation.

Préjudice économique du conjoint survivant.

Le préjudice économique du conjoint survivant sera la différence entre le préjudice économique du foyer et le préjudice économique des enfants.

Précisions sur le préjudice économique subi par l’enfant dont les parents étaient séparés ou divorcés.

La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de préciser dans un arrêt du 19 janvier 2023, n°21-12.264, le cas des enfants de parents divorcés ou séparés.

Ainsi, la Cour est venue censurer un arrêt d’appel et préciser :

« Le préjudice économique d’un enfant résultant du décès de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, ces circonstances étant sans incidence sur leur obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci ».

Le revenu annuel de référence des parents avant décès doit donc tenir compte :

- De la part d’autoconsommation de chacun des parents et des charges fixes qu’ils supportent dans leur foyer respectif ;

- La part de revenu du parent survivant pouvant être consacrée à l’enfant.

En conséquence, la séparation ou le divorce des parents n’a pas à être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de l’enfant.

Seules les parts d’autoconsommation devraient changer dans la mesure où la part d’autoconsommation d’une famille monoparentale peut augmenter, par exemple, à 25%.

Quoiqu’il en soit le calcul du préjudice économique dans le cadre d’un accident de la route mortel est particulièrement technique.

Déjà éprouvée par la perte d’un être cher, l’assistance de la famille par un avocat spécialisé en droit du dommage corporel est indispensable.

Exemple concret :

Soit une famille composée de la manière suivante :

Age au décèsAge à la liquidationRevenu annuel net avant accident de la route et décès
Conjoint décédé (homme) 40 ans 45 ans 40 000 euros
Conjoint survivant (femme) 38 ans 43 ans 25 000 euros
Enfant (fille) 10 ans 15 ans
Enfant (garçon) 5 ans 10 ans

Revenus actualisés, pour les besoins de l’exemple, simplifiés :

Monsieur : 42 000 euros
Madame : 27 000 euros

Calcul du préjudice économique total de la famille.

(A) Revenu de référence : 42 000 + 27 000 = 69 000 euros
(B) Revenu consommé par le défunt : 69 000 x 20% = 13 800 euros
(C) Revenu disponible pour le conjoint survivant et les enfants avant le décès : A-B = 69 000 - 13 800 = 55 200 euros

Préjudice annuel de la famille : C - Revenu annuel disponible après le décès = 55 200 - 27 000 = 28 200 euros

Préjudice économique total :
Arrérages échus : 28 200 x 5 ans (durée entre le décès et la liquidation) = 141 000 euros
Capitalisation à compter de la liquidation en tenant compte de l’âge de la victime décédée, plus âgée dans le couple : 28 200 x 35.591 [3] = 1 003 666.20 euros

Préjudice total de la famille : 141 000 euros + 1 003 666.20 = 1 144 666.20 euros

Préjudice économique des enfants.

Chaque enfant a une part d’autoconsommation de 15%.

Préjudice total de l’enfant de 15 ans au jour de la liquidation.

Perte annuelle : 28 200 - 15% = 4 230 euros

Arrérages échus : 4 230 euros x 5 ans = 21 150 euros

Arrérages à échoir : 4 230 euros x 9.991 (euro de rente GP jusqu’à 25 ans) = 42 261.93 euros

Préjudice total de l’enfant ainé : 21 150 + 42 261.93 = 63 411.93 euros

Préjudice total de l’enfant de 10 ans au jour de la consolidation.

Perte annuelle : 4 230 euros

Arrérages échus : 4 230 euros x 5 ans = 21 150 euros

Arrérages à échoir : 4 230 euros x 15.972 (euro de rente GP jusqu’à 25 ans) = 68 999.04

Préjudice total de l’enfant ainé : 21 150 + 68 999.04 = 90 149.04 euros

Préjudice économique du conjoint survivant.

Préjudice total de la famille - préjudice économique de l’enfant ainé + préjudice économique de l’enfant 2 = 1 144 666.20 -63 411.93 euros - 90 149.04 = 991 105.23 euros

Le préjudice économique du conjoint survivant est donc de 991 105.23 euros.

Attention, en raison du recours des tiers payeur, la pension de réversion doit être imputée au titre d’un revenu nouveau.

Dès lors, le revenu des la famille après décès se verra majoré de la pension de réversion, diminuant ainsi le préjudice économique des enfants et du conjoint survivant.

Cécile Bigre,
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Barreau de Paris.
www.bigre.fr

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Notes de l'article:

[1Cass.2ème civile, 16 juin 2022, n°20-20270.

[2Cass. Civ 1ère 7 octobre 2020, n°19-17041.

[3Gazette du Palais 31 octobre 2022 0%.

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