Le 17 décembre 2012, une femme est retrouvée ligotée dans sa maison en banlieue parisienne. La lettre "A" a été tracée avec une lame sur son ventre. Cette femme s’appelle Maureen Kearney et elle est représentante syndicale au sein d’Areva, fleuron du nucléaire français.
Depuis plusieurs mois elle alerte les politiques français de l’existence d’un contrat entre EDF et la Chine avec un risque de transfert de technologies... Elle subit des pressions, des intimidations jusqu’à son agression, s’ensuit une enquête où tout bascule...
Grandes entreprises, énergie et technologie nucléaires, réseaux politiques, économiques, espionnage, pressions, intimidations, agression... tous les ingrédients sont présents pour faire de la narration proposée par Caroline Michel-Aguirre dans son livre La syndicaliste un bon roman policier ! Sauf que ce récit n’a rien d’une fiction, cela s’est réellement passé au détriment de Maureen Kearney et ne renvoie pas une image des plus glorieuses des hautes sphères politiques et du monde économiques des grandes sociétés.
Une affaire qui questionne également sur la place des syndicats, des lanceurs d’alerte, de leur protection ; sur la pression et les actions dont ils peuvent faire les procédures bâillons.
Ce livre questionne également sur la prise en compte et l’interprétation de la parole de la victime, de la place de la preuve dans une enquête.
La Rédaction du Village de la Justice, interpellée par ce livre et cette enquête, s’est entretenue avec son auteure la journaliste Caroline Michel-Aguirre.
Propos que nous vous proposons de découvrir ci-après.
Quelles ont été vos motivations à la rédaction de ce livre ?
« Journaliste économique en charge du suivi de l’énergie, je connaissais Maureen Kearney avant son agression. J’ai décidé d’écrire ce livre à l’issue de son procès en première instance devant le tribunal correctionnel de Versailles en 2017.
Je n’avais pas eu le sentiment que ce procès avait été mené à charge et à décharge ; de nombreuses zones d’ombre demeuraient, des pistes n’avaient pas été suivies ; raisons pour lesquelles j’ai voulu reprendre l’enquête depuis le commencement ».
S’il ne fallait en retenir qu’un, quel est le point fort de votre livre ?
« Mon livre est construit comme un thriller. La première partie retrace les faits qui se sont enchaînés dans les mois avant l’agression et dresse le contexte politique et économique. La deuxième partie se place après l’agression et décrit l’avancée de l’enquête tout en s’attachant à la façon de Maureen Kearney traverse ces événements. Le livre cherche à mettre en lumière les failles de l’enquête, et notamment l’existence d’une précédente victime qui n’a pas été interrogée par les gendarmes ».
A qui s’adresse-t-il ?
« Mon livre s’adresse absolument à tout le monde, Il a été construit et écrit pour s’adresser au plus grand public possible, mon objectif étant que cette affaire ne tombe pas dans l’oubli et que les institutions puissent tirer les enseignements des dysfonctionnements institutionnels et judiciaires qui l’ont entachée ».
Souhaitez-vous faire passer un message au travers du récit de cette "affaire d’Etat" ?
« Il me semble que les livres de journaliste sont des témoignages avant toute chose. Nos enquêtes donnent à voir des faits. A charge pour le lecteur d’en tirer les conclusions qui s’imposent à lui ».
Pensez-vous que la loi dite loi Waserman, entrée en vigueur le 1er septembre 2022, aurait empêché ce qui est arrivé à Madame Maureen Kearney ?
« Il est difficile de reconstruire l’histoire a posteriori. Cependant Maureen Kearney agissait en tant que syndicaliste, mandatée par le bureau du comité de groupe européen d’Areva selon des décisions prises à l’unanimité.
Son statut protecteur de délégué du personnel n’a pas permis d’éviter ce qui lui est arrivé. Le statut de lanceur d’alerte aurait-il changé quelque chose ? Je ne peux pas le dire ».
Que pensez-vous de la demande de commission d’enquête sur l’ "Affaire Maureen Kearney" proposée par Clémentine Autain pour le parti France insoumise [1] ?
« Il n’existe aujourd’hui aucune enquête judiciaire sur l’affaire Maureen Kearney. Par défaut une commission d’enquête parlementaire permettrait d’entendre sous serment et à huis clos si besoin un certain nombre de protagonistes. La France insoumise ayant déjà exercé son droit de tirage pour la session en cours, il faudrait qu’un autre groupe parlementaire se saisisse du sujet, ce qui n’est pas le cas pour l’instant à ma connaissance ».
Informations techniques :
Titre : La syndicaliste ;
Auteure : Caroline Michel-Aguirre ;
Editeur d’origine : Stock (2019) ;
Réédition : Le Livre de Poche ;
EAN : 9782253101390 ;
Parution : février 2023
Nombre de pages : 264.