Village de la Justice : L’association fête ses 10 ans d’existence, quel bilan pouvez-vous faire de son action tout au long de ces années depuis 2014 ?
Sonya Djemni-Wagner : « L’association Femmes de Justice est une association qui promeut l’égalité professionnelles entre les femmes et les hommes au sein du ministère de la Justice et des juridictions.
Avec d’autres réseaux auxquels nous appartenons, nous avons réussi à imposer l’idée que l’égalité professionnelle était un enjeu et devait faire l’objet d’une véritable politique publique.
Au sein d’un ministère très féminisé comme le nôtre, cela n’allait pas de soi : il a d’abord fallu démontrer que les femmes n’accédaient pas suffisamment aux postes de décision et que cela n’allait pas changer « mécaniquement ».
Il a également fallu marteler que la féminisation, de la magistrature notamment, ne devait pas être analysée comme un problème. Nous sommes aujourd’hui un partenaire incontournable, lié au ministère par une convention triennale ».
Comment voyez-vous l’avenir de l’association et plus largement celui des femmes du monde du Droit ?
« Nous allons continuer à nous développer. Nous avons d’ailleurs voté le 1er mars dernier la modification de nos statuts pour accueillir tout le monde au sein de l’association, fonctionnaires ou non, cadres ou non cadres. Par ailleurs, nous sommes depuis le début une association mixte.
L’égalité est une cause d’intérêt général qui concerne les femmes comme les hommes. Nous allons encore élargir nos sujets : parité, temps de vie, parentalité, lutte contre les violences sexuelles et sexistes, etc.
Ces combats doivent être portés avec d’autres organisations, notamment celles qui concernent les femmes du droit : les avocates, les notaires, les commissaires de justice, etc. »
Que pouvez-vous nous dire des droits des femmes en France ? Sur un plan juridique, quelles devraient être les avancées prioritaires des droits des femmes à concrétiser ?
« Il faut être perpétuellement vigilant s’agissant du droit des femmes. Nous savons qu’ils peuvent très soudainement reculer. Le droit est une digue qu’il faut sans cesse consolider. À cet égard, je ne peux que me féliciter de la constitutionnalisation de l’IVG, qui fait de la France une pionnière.
D’autres avancées restent à obtenir, par exemple en matière de violences sexuelles ou en matière d’égalité professionnelle.
Sur le champ qui est le nôtre, nous n’acceptons pas que la magistrature soit désormais quasiment le seul corps dans le champ de la Fonction publique à ne pas se voir appliquer le dispositif des quotas aux postes de direction, prévu par la loi Sauvadet du 12 mars 2012 et la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Il faut qu’au moins une étude soit lancée ».
Selon vous, que signifie pour un juriste : "s’investir en faveur des femmes et accélérer le rythme" [2] ?
« Cela signifie d’abord connaître la réalité des inégalités de genre, sans les balayer d’un revers de main en se disant que le problème, en France, est derrière nous. Cela signifie s’engager, notamment dans les nombreux réseaux qui, depuis de nombreuses années, prennent cette question à bras-le-corps : dans chaque corps de métier existe une association, qui constitue un lieu de réflexion et de convivialité. Je signale en matière d’égalité professionnelle la création du réseau 2GAP [3] en 2020, qui rassemble de façon inédite les réseaux féminins du secteur privé comme du secteur public sur les sujets de gouvernance au niveau mondial. Femmes de Justice en assure une des vice-présidences. Cela signifie enfin être solidaire et appuyer autant que possible les femmes d’autres pays, comme nous l’avons fait – bien insuffisamment – avec les femmes afghanes ».
Pour en savoir plus sur l’association Femmes de Justice...
L’association a été créée en juin 2014, suite au constat que malgré le nombre très important de femmes au sein du ministère de la Justice et de la magistrature, la politique publique de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes accusait un retard certain.
Cette association indépendante, active, mixte et apolitique a pour objectif de :
- promouvoir et défendre la parité et l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du ministère de la Justice et de la magistrature ;
- aider les femmes à se sentir légitime, à progresser et accéder à des fonctions de décision et de gouvernance ;
- encourager une gestion des ressources humaines inclusive et donner de la visibilité à tous les talents dans leur diversité ;
- lutter contre toutes les formes de stéréotypes, de discrimination, de marginalisation ou d’exclusion subies par les femmes dans leur milieu professionnel ;
- sensibiliser et diffuser une culture de l’égalité au sein de l’ensemble du ministère et de la magistrature par des formations, des débats etc. ;
- œuvrer à la visibilité des femmes, de leur expertise et de leurs travaux.
De façon générale, elle mène une réflexion transversale sur l’équilibre des temps de vie, sur la construction des parcours professionnels et sur les biais inconscients des professionnels. Elle propose des pistes concrètes d’une gestion des ressources humaines plus inclusive et paritaire.
Pour ses membres, la parité et l’égalité sont des leviers de modernité et d’attractivité pour les fonctions au sein de la magistrature et du ministère de la Justice. Cela répond également aux fondamentaux de la RSE et de la QVCT.
https://www.femmes-de-justice.fr/
La Rédac’ prolonge l’info...
À l’occasion de ses 10 ans, l’association a réalisé un livre blanc revenant sur une décennie de réflexions et de politiques publiques sur la parité et l’égalité
au sein du ministère de la Justice. Livre blanc accessible ici.