La démarche s’inscrit dans un gouvernement dit “ouvert”, ayant pour objectif premier de renforcer la transparence de notre régime démocratique et d’instaurer à terme un “gouvernement ouvert”. En ce sens, la France adopte la loi pour une “République numérique” qui vient encadrer la libération des données publiques le 7 octobre 2016.
Ainsi les décisions de justice, longtemps conservées dans des bases de données fermées et coûteuses, difficilement accessibles pour le grand public voire pour certains professionnels du secteur, deviennent accessibles pour tous et toutes.
L’open data renverse les pratiques et modèles préexistants : l’effort de se rendre au Palais de justice pour solliciter la consultation de documents sur place est remplacé par l’accès universel par quiconque, à condition d’avoir un accès à un Internet. Chacun peut donc, en théorie, consulter les données judiciaires depuis son ordinateur, portable ou tablette, ce qui vient renforcer la transparence du système judiciaire français.
En rendant aisé l’accès aux décisions rendues par les différentes juridictions, l’open data permet aux professionnels du droit et aux citoyens de mieux comprendre le fonctionnement de la justice et les critères de prise de décision. Les avocats, les magistrats, les notaires, les huissiers de justice et les juristes d’entreprise auront désormais accès à une source d’information décentralisée, fiable et gratuite.
Grâce à l’open data, les professionnels du droit ont la possibilité de réutiliser les données pour et d’accéder à des outils innovants pour analyser et exploiter les données issues des décisions de justice.
Ces innovations peuvent être divisées en trois catégories :
- La première concerne l’intermédiation avec et entre les professionnels du droit, par exemple les sites web qui aident à trouver un avocat ou encore à résoudre un conflit en ligne [1].
- La deuxième catégorie porte sur la numérisation des décisions de justice pour créer de grandes bases de données, ce qui permet d’utiliser des outils différents pour rechercher et visualiser des informations juridiques [2].
- La troisième catégorie d’innovation concerne l’intelligence artificielle et son utilisation pour prendre des décisions ou des comportements qui étaient auparavant réservés aux humains (Justice prédictive).
Ainsi l’intelligence artificielle et les algorithmes peuvent être mis à profit pour effectuer des recherches juridiques plus approfondies, anticiper les risques et les opportunités ou encore personnaliser les conseils juridiques. L’open data allié aux nouvelles technologies permet à des nouveaux entrants de rivaliser avec les acteurs historiques. Le tout est bénéfique pour les professionnels du droit et leur permet de gagner en efficacité et en compétitivité, tout en offrant un service de qualité supérieure à leurs clients.
En rendant les décisions de justice accessibles à tous, l’open data permet une justice plus équitable. Les professionnels du droit, quelle que soit leur taille ou leur spécialité, pourront disposer des mêmes informations et connaissances pour défendre leurs clients. La diffusion de ces informations permet de suivre, de mieux comprendre et donc d’anticiper les évolutions jurisprudentielles, d’analyser les tendances, in fine d’améliorer l’efficacité des stratégies juridiques.
L’accès égalitaire à la justice pour tous contribue à réduire les inégalités entre les acteurs du secteur juridique. Cette transparence vient renforcer l’équité, garantir l’impartialité des décisions rendues, et par conséquent renforce la confiance du public envers l’institution judiciaire.
Bien que les innovations offrent de nombreuses opportunités, elles amènent aussi plusieurs questionnements à résoudre, et enjeux à relever.
Voici quelques écueils sur ces perspectives, entraînées par ses bouleversements technologiques, dans le monde du droit :
- L’augmentation de la dépendance à la technologie expose les cabinets d’avocats et les services juridiques à des risques de sécurité, tels que les violations de données, les attaques de ransomware et les vols d’informations sensibles. Les professionnels du droit doivent accorder une réflexion particulière et la mise en place de réelles mesures de protection de leurs systèmes et des données de leurs clients.
- La protection des données personnelles et la potentielle exposition de données sensibles. En décembre 2019, suite à la publication du projet de décret d’application de l’open data, de vives contestations ont été émises par certains syndicats de professionnels du droit. Les préoccupations portaient notamment sur le droit à la vie privée, puisque de nombreuses informations personnelles étaient incluses dans les documents à être diffusés en ligne. Une réponse satisfaisante a été trouvée puisque la diffusion des décisions est précédée d’une occultation des noms et prénoms des personnes physiques, parties ou tiers ; puis la Cour de Cassation utilise un moteur qui vise à pseudonymiser les décisions.
- Les compétences traditionnelles du droit ne suffiront donc plus. Les avocats doivent dès à présent, se familiariser et maîtriser les compétences numériques et technologiques, ainsi que les compétences en gestion de projets et en analyse de données. La formation continue et le développement professionnel sont essentiels pour rester à jour.
- Les nouvelles technologies entraînent, dans tous les domaines, de nouveaux problèmes éthiques, tels que les questions liées à l’IA et aux algorithmes biaisés.
- La technologie peut également créer un écart entre ceux qui ont accès aux services juridiques et ceux qui n’en ont pas. Les professionnels du droit doivent s’efforcer de réduire cet écart et de promouvoir l’accès à la justice pour tous.