1/ La décision de la Cour de cassation.
Dans cette affaire, deux salariés d’une entreprise de sécurité avaient été licenciés pour avoir, entre autres motifs, manqué de loyauté en délivrant une attestation de moralité en faveur d’un mineur, ayant relevé appel d’une condamnation pour des faits de violence commis sur un de leurs collègues.
Le licenciement avait été jugé bien-fondé par la Cour d’appel, estimant que les attestations produites dans le cadre du procès pénal avaient été établies environ 3 semaines après la notification d’une mise en garde qui leur avait été adressée à chacun et que la rédaction de l’attestation était manifestement le résultat d’une initiative conjointe et concertée des deux salariés.
La décision est cassée par la Cour de cassation, considérant qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur.
La Cour de cassation avait déjà été conduite à affirmer que toute personne étant tenue d’apporter son concours à la justice, le témoignage d’un salarié devant un tribunal ne peut, sauf abus, constituer une faute ou une cause de licenciement [1].
La Cour d’appel de Paris avait apporté une précision à cette jurisprudence, soulignant que la remise d’une attestation par un salarié ne peut en aucun cas constituer une faute permettant la mise en œuvre d’une mesure disciplinaire, dès lors que cette pièce n’a pas fait l’objet d’un dépôt de plainte pour faux témoignage [2].
En définitive, seule la caractérisation d’un abus du salarié témoignant en justice peut permettre, à l’employeur, de procéder à son licenciement.
2/ Les conséquences de la nullité du licenciement.
2.1. La réintégration du salarié.
Lorsque son licenciement est nul, le salarié a le droit de réclamer sa réintégration dans son emploi [3].
Il s’agit d’une simple option et le salarié n’est tenu ni d’accepter la réintégration proposée par l’employeur, ni de la solliciter [4].
En cas de nullité du licenciement, l’employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié [5], dès lors qu’aucune impossibilité d’y procéder n’est établie [6].
La réintégration implique de restaurer le salarié dans son poste ou, à défaut, dans un emploi équivalent [7].
L’obligation de réintégration ne s’étend pas toutefois au groupe auquel appartient l’employeur [8].
Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé [9].
Il s’agit d’une indemnité dite « d’éviction », selon les termes adoptés par la jurisprudence.
Celle-ci, soumise à cotisations sociales, doit tenir compte des revenus de remplacement (allocations Pôle Emploi, indemnités journalières de sécurité sociale, etc.) perçus par le salarié entre son licenciement et sa réintégration [10].
Par exception, le salarié a droit à une réparation forfaitaire, correspondant aux salaires afférents à la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir pendant cette période, lorsque la nullité du licenciement résulte de l’atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée.
Tel est le cas, par exemple, du licenciement motivé par les activités syndicales du salarié [11], par sa participation à une grève [12] ou par son action en justice [13].
La nullité du licenciement motivé par la délivrance d’une attestation en justice doit suivre le même régime, puisque la Cour de cassation vise l’atteinte à une « liberté fondamentale ».
2.2. Les sanctions en l’absence de réintégration.
Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois [14].
Pour la Cour de cassation, le salarié a droit, d’une part, aux indemnités de rupture et, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale à 6 mois de salaire quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise [15].
Les indemnités de rupture sont, classiquement, l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle [16] et l’indemnité compensatrice de préavis, due au salarié même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter son préavis [17].
Quant à l’indemnité pour rupture illicite, celle-ci n’est pas plafonnée et son montant est souverainement apprécié par le juge du fond [18].
Ainsi, le barème « Macron » prévoyant une indemnité encadrée par des planchers et des plafonds, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, n’est pas applicable en cas de nullité du licenciement [19].
Enfin, le salarié protégé peut solliciter, outre les indemnités de licenciement, de préavis et de rupture illicite, une indemnité pour violation du statut protecteur.