C’est en effet la fin d’une histoire, pourtant alimentée par la puissance du lobbying automobile et le début d’une nouvelle ère insufflée tant par le consommateur, que les équipementiers automobiles. Le duel d’un David contre un Goliath de près d’une décennie.
Jusqu’à là il existait une répartition particulière du marché des pièces automobiles. Les pièces mécaniques (filtre à huile, plaquettes de frein, amortisseurs, etc) qui constituent la plus grande part de ce marché (près de 80% en 2011), pouvaient être librement commercialisées par les tous les équipementiers, qu’il s’agisse ou non du distributeur automobile.
Mais si pour cette première catégorie le commerce de ces pièces était totalement libre, le monopole des pièces « captives » étranglait les garagistes et augmentait la facture pour le consommateur. Le commerce des pièces de vitrage (pare-brise, vitrage, etc) et les pièces visibles (rétroviseur, optique, carrosserie, etc) était soumis à la loi des dessins et modèles qui interdisait aux garagistes de s’approvisionner en dehors des distributeurs du constructeur automobile sur une période de 25 ans après la publication du dessin ou du modèle.
De nombreuses voix s’élevèrent pour dénoncer ce quasi-monopole détenu par les constructeurs automobiles sur près de 70% des pièces détachées visibles.
Les garagistes français, les associations de consommateurs, les équipementiers, et les assureurs, dénonçaient un système nuisible pour la concurrence et pour le pouvoir d’achat. Ces arguments furent repris par l’Autorité de la concurrence dans l’avis n°12-A-21 de 2012 [1] qui préconisait un alignement sur le droit de certains pays européens par un arrêt progressif de ce monopole.
En 2017, la Fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA) se montra également favorable à la libéralisation de ce marché, dont la hausse ne cessait d’augmenter dans le portefeuille du consommateur. En 2019, Le Premier ministre Edouard Philippe, mène ce projet de réforme jusqu’au parlement, dans le but de baisser les prix de ces pièces au bénéfice du consommateur. Après deux censures du Conseil Constitutionnel, et un rapport favorable du Sénat, la réforme trouve son chemin dans la loi « Climat et Résilience » du 22 aout 2021 qui entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La réforme marque la libéralisation des pièces détachées automobiles sur deux aspects.
D’une part elle permet une libéralisation totale de la commercialisation des équipements de vitrage.
D’autre part elle réduit de 10 ans contre 25 ans, la durée du monopole du constructeur après l’enregistrement du dessin ou du modèle. Si certains considèrent que ce délai devrait être réduit à 5 ans, d’autres considèrent qu’il s’agit d’une avancée majeure pour un combat ayant commencé près de 10 ans plus tôt.
L’Autorité de la concurrence, a d’ailleurs salué cette mesure en considérant que
« la levée progressive et maîtrisée du monopole détenu de fait par les constructeurs sur les pièces détachées visibles conduirait à une baisse des prix de ces pièces tout en assurant un fonctionnement plus efficace du secteur ».
Effectivement, les garagistes français seront désormais libres de proposer des pièces détachées de rechange qu’elles soient issues du constructeur ou d’un fournisseur indépendant, il s’agirait également d’un atout de taille pour le pouvoir d’achat et les assurances.
Une mesure bénéfique pour la concurrence puisque la baisse des prix contribue à un meilleur fonctionnement de la chaine de commercialisation. La loi semble s’inscrire dans une dynamique éco-responsable puisqu’elle permettrait d’éviter le gaspillage et de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Il faudra évidemment plusieurs années pour les juristes pour cerner l’apport et les effets bénéfiques de cette réforme de taille dans le droit de la concurrence automobile.
Enfin la réforme semble s’aligner avec la législation d’autres pays de l’Union européenne comme la Belgique, l’Espagne ou l’Italie, dont le marché automobile est libéralisé par leurs réglementations nationales.
Il se pourrait qu’elle continue d’impulser un mouvement dans d’autres pays et de conduire à une uniformisation des règlementations européennes en faveur d’un déverrouillage du marché des pièces automobiles.