Médiateur familial, ce jeune métier plein d'avenir.

Médiateur familial, ce jeune métier plein d’avenir.

Nathalie Hantz
Rédaction du Village de la justice

La profession de médiateur familial fait partie des métiers dits "récents". Ou à tout le moins, récemment reconnus. C’est en effet en 2003 que le "DEMF" (Diplôme d’État de Médiateur Familial) a été créé, même si la médiation familiale a été encouragée en France depuis les années 80.
Le médiateur familial a pour but de résoudre les conflits familiaux de façon amiable, en s’appuyant sur une approche pluridisciplinaire, à la croisée des chemins entre psychologie et droit de la famille. Voilà pour la description théorique. Et en pratique ?
Le Village de la justice a choisi de vous présenter le parcours de deux d’entre eux, afin de dessiner le contour de cette profession.

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Le profil type du médiateur familial n’existe pas. Il ou elle est initialement avocat, éducateur, professeur, juriste, psychologue... En effet, la formation qui permet de décrocher le diplôme d’État est dite de "spécialisation professionnelle" puisqu’il faut justifier d’une expérience de travail dans le champ social, juridique, psychologique ou éducatif pour y accéder. Aussi, les parcours qui vous sont ici présentés, s’ils sont représentatifs de cette diversité, n’en sont pas exhaustifs.

Le regard d’un professionnel aguerri :

Médiateur familial, Jacky Rogues l’est depuis plus de 5 ans. Mais cela serait inexact voire incomplet de dire que c’est son métier. Pour lui il s’agit plutôt d’une corde (de plus) à son arc. Il n’empêche, son regard sur cette profession est passionnant et riche.

Initialement, Jacky Rogues était éducateur spécialisé. C’est dans le cadre de la « Maison verte », créée par elle, qu’il a croisé la route de Françoise Dolto, puis de sa fille Catherine. Après 10 ans d’analyse, il décide de devenir psychanalyste, métier qu’il exerce depuis 28 ans maintenant.

Il y a 6 ans, c’est une amie qui lui parle de la fonction de médiateur familial. Cela correspond à son parcours puisque il a notamment une formation de thérapeute de couple. Il obtient son Master II en médiation familiale et son diplôme d’état à l’École des parents de Paris [1] en 2013. Il mène alors des médiations en lien avec les Juges aux affaires familiales et les Juges pour enfants de Versailles.
Récemment, il s’est installé sur le Plateau du Vercors avec sa famille, mais il a gardé une partie de son activité en région parisienne, et exerce donc à cheval sur deux cabinets.

Jacky Rogues

Parmi les médiateurs familiaux, il se définit lui-même comme un « électron libre », qui ne suit pas "le petit train de la médiation".

En effet, sa longue pratique de la thérapie du couple a fait naître chez lui une méthode, des règles et un cadre pour ses séances auxquels il ne déroge pas et qu’il énonce dès la première séance. Parmi ces règles, il tient à aborder non pas seulement le sujet qui a motivé la médiation (par exemple une difficulté de pensions alimentaires) mais le dossier « au fond », et ce toujours avec, si possible, les deux parents dès le départ, voire avec les enfants s’ils en sont d’accord.
Autre principe, les séances ne sont jamais gratuites, afin de rappeler aux gens qui les suivent qu’elles sont à tout point de vue un « investissement ». Il peut en revanche moduler ses tarifs en fonction des situations des gens. Il leur demande alors à quel hauteur ils sont capables de s’investir financièrement, et c’est souvent un premier pas vers le dialogue entre les protagonistes.

"Les accords écrits ne viennent jamais de moi mais doivent toujours venir des clients."

Si Jacky Rogues prend le temps avec ses patients, c’est que sa méthode a souvent porté ses fruits. Ce faisant, il doit régulièrement faire patienter avocats et magistrats qui attendent son retour. Mais il le souligne : « les accords écrits ne viennent jamais de moi mais doivent toujours venir des clients. Et si ils refusent, cela ne m’appartient pas. Je l’indiquerai alors au juge. Moi je me contente de faire un rapport sur le déroulé et le nombre de séances, mais je ne pose pas d’accord par écrit moi-même ».

Sur la formation des médiateurs qu’il a suivi à l’École de Paris, Jacky Rogues est plutôt positif, notamment car un « travail sur soi » est demandé aux étudiants.
Il faudrait d’ailleurs d’après lui qu’une supervision par un professionnel soit maintenue tout au long de la carrière du médiateur. A l’heure actuelle, elle ne se fait que sur la base d’une démarche volontaire. Elle devrait à son sens être obligatoire, c’est un point essentiel à ses yeux.

En toute cohérence, lorsqu’on lui demande quelle qualité essentielle il faut avoir pour exercer la profession de médiateur familial, il répond sans hésiter : la « remise en question permanente de soi ».

La remise en question permanente de soi est une qualité essentielle pour cette profession.

Plus globalement sur la formation, Jacky Rogues a pu constater que les candidats au diplôme étaient des « gens d’expériences », issus notamment du milieu des travailleurs sociaux.

Pour ce qui est de l’obligation d’imposer systématiquement une médiation familiale, Jacky Rogues est très partagé, car si dans certaines situations le cadre judiciaire aide, il est au contraire important dans certains dossiers que le juge fasse confiance aux parties et ne leur impose pas cette démarche. La décision doit se prendre au cas par cas.
Finalement, la médiation sous la contrainte ne semble pas le convaincre. Mieux vaudrait-il dans ce cas informer les justiciables de leur possibilité de recourir à la médiation et leur fournir une liste des médiateurs familiaux existants.

La vision d’une médiatrice en devenir :

Violaine Laurent, juriste, a décidé de se reconvertir en médiatrice familiale. Elle en suit la formation à l’Institut des Sciences de la Famille de l’Université Catholique de Lyon. Elle soutiendra son mémoire de fin d’étude d’ici à la fin de l’année. [2]

Village de la justice : Où faites-vous votre formation et pour quelles raisons ? Avez-vous envisagé plusieurs "écoles" ?

Violaine Laurent : "Je termine ma formation à l’Institut des Sciences de la Famille à Lyon. Je n’avais pas connaissance d’autres écoles lorsque je me suis lancée. Je sais depuis que l’ESSSE [3] dispense également cette formation à Lyon.

La formation se déroule sur 2 ans à raison d’une semaine par mois.

La médiation familiale est au carrefour du droit, de la psychologie et de la sociologie.
De plus l’appréhension des problématiques telles que les violences au sein du couple, ou la protection de l’enfance sont évidemment au programme.

Côté pratique, des mises en situations sont jouées afin d’expérimenter les techniques de gestion de conflit étudiées.
D’autre part, le stage de pratique professionnelle réalisé durant plusieurs mois m’a permis d’expérimenter les outils de gestion de conflit étudié en formation, et d’appréhender la posture du médiateur qui ne s’improvise pas !

J’étais tellement motivée par le contenu de cette formation que je me suis lancée sans hésiter. C’est une formation nourrissante sur le plan intellectuel, émotionnel et humain."

Violaine Laurent

Sur quels critères se fait la sélection à l’entrée ?

"Je suis pour ma part juriste de formation et j’ai travaillé pendant 5 années en tant que clerc de notaires, et précédemment en cabinet d’avocat.

Pour accéder à cette formation, il faut avoir un niveau bac + 3 minimum, et justifier d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans dans le champ de l’accompagnement familial, social, sanitaire, juridique, éducatif ou psychologique.
Ensuite, la sélection se fait sur dossier et après entretien.

Ayant un master en droit privé, j’ai été dispensée de droit pour me consacrer pleinement à la médiation et aux autres matières telles que la psychologie par exemple, que j’ai découvert."

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées avant et pendant la formation ?

"La principale difficulté pour moi a été de trouver des financements ! J’ai pu obtenir le financement de la deuxième année de formation auprès de Pôle emploi."


De quel "public" est composé votre promotion ?

"D’une grande diversité professionnelle, et c’est sans doute ce qui fait sa richesse.
La promotion est principalement composée de juristes et de professionnels du secteur social (éducateurs, assistantes sociales, responsables de structure petites enfances, enseignants,) ainsi que d’étudiants en droit de la famille.
J’ai réellement apprécié cette diversité professionnelle qui permet d’avoir un regard croisé sur des sujets tels que la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant par exemple."


Quand aurez-vous fini votre formation ?

"La dernière étape est la rédaction d’un mémoire d’ici à la fin de l’année…"

"Je suis convaincue que la médiation a de beaux jours devant elle".

Quel est votre projet professionnel et pensez-vous pouvoir en vivre ?

"La médiation familiale se développe et je pense bien pouvoir en vivre !

Sur la forme, entre créer, intégrer une association, ou exercer en libéral, je ne me ferme aucune porte.

Sur le fond, je chemine dans mes réflexions, et les pistes ne manquent pas :
- Promouvoir la médiation pour que les personnes s’en saisissent en toute conscience ;
- Sensibiliser les écoles, collèges et lycées à la médiation scolaire ;
- Travailler en partenariat avec les acteurs locaux tels que les avocats et notaires au cœur du conflit familial ;
- Proposer un service de médiation en milieu carcéral au profit des personnes privées de libertés en rupture avec leur famille.

En tout cas, je suis convaincue que la médiation a de beaux jours devant elle."

Comment la circulaire du 8 février 2018 pour l’application du décret ministériel n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 [4] sur l’établissement d’une liste de médiateurs près les Cours d’appel est elle vécue au sein de votre formation ?

"Les médiateurs ont effectivement la possibilité de figurer sur les listes des cours d’appel, mais le juge reste bien entendu libre de désigner un médiateur n’y figurant pas.
Précisément, l’article 2 du décret indique que l’exercice de l’activité de médiation (en général) n’est pas subordonné à la détention d’un quelconque diplôme, et ce afin d’éviter de privilégier une formation par rapport à une autre.

Par conséquent le DEMF ne constitue pas un préalable à la pratique de la médiation familiale, et c’est bien la toute la limite de ce décret !

La matière familiale ne se traite pas comme les autres matières (commerciale, consommation, voisinage etc). On la sait singulière : qui dit "famille", dit "enfant" et donc protection particulière ! Il est par conséquent indispensable d’encadrer spécifiquement cette profession par l’obtention du DEMF, diplôme spécifique.

"La posture de médiateur ne s’acquiert pas en quelques heures de formation seulement. Cela nécessite du temps."

C’est d’ailleurs bien le seul diplôme garantissant une formation longue et exigeante en la matière. C’est justement parce que la matière familiale est "sacrée" qu’elle nécessite une formation adaptée et un diplôme spécifique. La posture de médiateur ne s’acquiert pas en quelques heures de formation seulement. Cela nécessite du temps.
Les professions juridiques peuvent aujourd’hui faire de la médiation familiale sans DEMF. Personnellement, bien qu’étant juriste, il m’était inconcevable d’exercer la médiation familiale sans ce diplôme... Un juriste est un professionnel du droit, pour autant, cela ne fait pas de lui un médiateur du conflit familial."

Que pensez-vous de l’expérimentation d’une médiation obligatoire actuellement en cours dans certains barreaux ? Souhaiteriez-vous que cela soit généralisé ?

"La Tentative de Médiation Familiale Préalable Obligatoire (TMFPO) fait débat au sein de ma formation, et confronter nos différents points de vues a été pour moi l’occasion de forger ma propre conviction, même si ma position sur le sujet n’est pas figée, et qu’elle peut encore évoluer.
L’idée avec la TMFPO est d’obliger les parents en conflit de tenter une médiation avant toute nouvelle saisine du JAF pour les inciter à trouver par eux-mêmes leurs solutions. Celle-ci comprend l’information à la médiation ainsi qu’une ou deux séances de médiation. Par la suite les personnes restent libres finalement de poursuivre ou non la médiation.
A mon sens, c’est éventuellement leur offrir une voie à laquelle elles n’auraient peut-être pas songé… Si cela permet d’aller sur le chemin de l’apaisement des relations familiales et de préserver l’intérêt de chacun, notamment celui des enfants, alors oui je suis pour qu’elle se généralise."

Quel taux de réussite pour cette profession ? A titre indicatif voici les chiffres pour l’Institut des Sciences de la famille de l’Université Catholique de Lyon. Danièle Broudeur, sa Responsable pédagogique, nous a indiqué les chiffres suivants pour la dernière promotion : la 24ème promotion (« Nelson Mandela ») comptait 12 étudiants. Une personne a suivi l’intégralité de la formation, mais n’a pas souhaité présenter le mémoire. Deux autres ont reporté leur soutenance à l’année suivante. Finalement, sur les 9 ayant présenté le mémoire, 8 ont été diplômés.

Pour en savoir plus sur cette profession, le site de l’Association Pour la Médiation Familiale (APMF) est particulièrement complet.

Nathalie Hantz
Rédaction du Village de la justice

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