En effet, ce n’est qu’en 2016 que le législateur français adopte la loi Sapin 2, se dotant alors d’un cadre législatif au niveau des autres puissances mondiales. Cette volonté de lutter de manière effective contre la corruption est maintenant reconnue du côté américain. Bien qu’il soit encore trop tôt pour déceler des tentatives de coopération entre les autorités américaines et françaises afin de faire respecter le principe de non bis in idem, il n’en reste pas moins que les agences américaines ont démontré qu’elles en étaient capables, à condition que l’État dans lequel elle est amenée à coopérer dispose d’un cadre réglementaire similaire avec des amendes équivalentes.
La lutte contre la corruption est un phénomène en pleine expansion, grâce à une prise de conscience globale de l’ensemble des acteurs économiques. Ainsi, le rôle du compliance officer devient primordiale au sein des entreprises, car il constitue la pierre angulaire d’un programme de compliance effectif, afin de prévenir les agissements de son entreprise qui seraient contraires aux législations qui lui sont applicables.
Introduction.
« La corruption, on s’en fait le complice par le consentement d’esprit » [1]. Ainsi le philosophe Alain pensait que l’esprit des Hommes serait complice de corruption en ce qu’ils accepteraient le monde qui les entoure. Or, devant l’Assemblée Nationale le 6 juin 2016, Jean-Jacques Urvoas répondit fermement à cette citation en affirmant que « c’est justement cela que nous refusons » [2].
Les affaires récentes ne démentent pas cette pensée d’Alain, mais tendent à démontrer que la société civile, la Justice et les autorités de régulations étatiques ont désormais décidé de mettre en œuvre tous les moyens possibles afin d’éradiquer un phénomène qui ne cesse de se propager.
Au Brésil, l’opération Lava Jato illustre parfaitement cette prise de conscience. En 2014, le juge Sérgio Moro débute une enquête sur des soupçons de corruption et de blanchiment d’argent impliquant la société pétrolière détenue par l’Etat Brésilien, Petrobras. Le 29 mars 2018, lors du 4ème Congrès Européen Ethique et Gouvernance organisé à l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE) [3], Isabel Cristina Groba Vieira, Procureure Brésilienne du Ministério Público Federal (MPF), expose des chiffres plus que surprenants sur l’ampleur de cette affaire : 881 perquisitions, 222 interpellations, 72 poursuites pénales engagées par le MPF pour la restitution de US$4.47 milliards, US$3.2 milliards ayant déjà été restitués, et plus de 1.100 personnes ont été condamnées à des peines privatives de libertés dont la somme représente plus de 1.800 ans de prison.
Cette opération a également conduit à la destitution par le Parlement de la Présidente Brésilienne Dilma Rousseff, accusée elle-aussi de corruption. L’affaire Lava Jato exprime donc cette prise de conscience collective et la volonté de la justice – censée être indépendante du pouvoir politique sous le prisme de la théorie de la séparation des pouvoirs – ainsi que de la société civile, d’agir de manière rapide et effective [4].
En effet, il ne faut pas ignorer que depuis le début de l’Humanité, la corruption existe et ne cesse de se renouveler sous différentes formes. Souvent définie comme « l’agissement par lequel une personne investie d’une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite/propose ou agrée/cède, un don, une offre ou une promesse, en vue d’accomplir, retarder ou omettre d’accomplir un acte entrant, d’une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions » [5], de nombreuses initiatives ont été mises en place afin de lutter contre ce phénomène de corruption.
En 1977, les États-Unis sont les premiers à réagir au phénomène de corruption d’agents publics étrangers en adoptant le "Foreign Corrupt Practices Act". A l’époque, outre les poursuites judiciaires pouvant être engagées, aucun système effectif de justice négociée en matière de corruption n’existait. En effet, ce n’est qu’en 1999 que le Department of Justice (DOJ) américain introduit le système de "Deferred Prosecution Agreement "(DPA). Néanmoins, d’autres textes comme le "United States Attorney’s Manual"(USAM) [6] font également référence au possible recours par le procureur américain d’un mécanisme de justice transactionnelle et prévoit clairement l’utilisation du DPA.
Les États-Unis sont suivis - de nombreuses années plus tard - par les Etats européens, comme le Royaume-Uni avec le "UK Bribery Act" en 2010 et récemment la France avec la Loi Sapin 2 en 2016.
La France a souvent été regardée par les autorités étrangères comme étant en retard dans la lutte contre la corruption. En effet, aucune condamnation concrète pour corruption d’agents publics étrangers n’avait eu lieu [7], posant un problème notamment au DOJ américain qui voyait dans cette faiblesse du cadre législatif français une raison de justifier l’application extraterritoriale de leur loi FCPA. En 2016 est entrée en vigueur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui renforce considérablement le cadre réglementaire et hisse la France aux meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption.
La loi Sapin 2 instaure également un nouveau mécanisme de justice négociée : la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Cette convention – qui s’inspire des modèles américains et britanniques – permet aux procureurs français de conclure des conventions transactionnelles dans des affaires de corruption et de blanchiment d’argent, en dehors de toutes procédures judiciaires. A ce jour, déjà trois CJIP ont été conclues – une par le Parquet National Financier pour un montant de plus de 300 millions d’euros, et deux autres par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre pour des montants conséquents [8]. C’est donc un succès, qui pourrait éventuellement être remis en cause si des entreprises décidaient plutôt de se confronter à des poursuites judiciaires plutôt que de conclure une CJIP en vue des montants considérablement élevés qui sont conclus.
Une autre problématique de la lutte contre la corruption est la possibilité pour une personne morale de faire face à de multiples condamnations – dans le cas où les faits entreraient dans le champ d’application de lois de différents États. En ce sens a été développé le principe de Non bis in idem – selon lequel une personne ne peut être jugée deux fois pour les mêmes faits. Bien que ce principe soit affirmé par de nombreuses conventions internationales, son application se heurte à l’extra-territorialité des lois en matière de lutte contre la corruption. Néanmoins, force est de constater que l’approche des États-Unis – pionniers de l’extra-territorialité – évolue au fur et à mesure de l’implémentation de nouvelles législations et de nouveaux mécanismes de justice négociée par les autres États.
La mise en place de mécanismes de justice négociée afin de lutter contre la corruption s‘avère efficace, non seulement au regard des sommes conclues avec les personnes morales accusées de corruption, mais également au regard de l’engouement récent des autorités étatiques qui s’emparent du sujet - à l’instar de Singapour qui a récemment renforcé son cadre réglementaire afin de lutter contre la corruption en mettant en place un "Deferred Prosecution Agreement" [9].
Ainsi, ces considérations soulèvent de nombreux questionnements. Néanmoins, sans doute serait-il intéressant d’analyser l’effectivité des outils adoptés par les autorités étatiques en matière de lutte contre la corruption, à travers une approche comparative du Deferred Prosecution Agreement Américain et la Convention Judiciaire d’Intérêt Public française.
Afin d’apporter une réponse claire et précise, cet article se penchera d’abord sur l’expansion des mécanismes de justice négociée dans la lutte contre la corruption (I), à travers l’analyse du DPA et de la CJIP, avant d’analyser l’approche évolutive de l’extra-territorialité des lois américaines et du Principe de Non Bis In Idem (II).
I. Une expansion de la justice négociée dans la lutte contre la corruption.
A. Le deferred prosecution agreement : un instrument américain effectif.
1. Un mécanisme de justice négociée.
Le Deferred Prosecution Agreement a été institutionnalisé pour la première fois en 1997, bien que des accords transactionnels aient pu être conclus auparavant.
L’origine du Deferred Prosecution américain se trouve toutefois au sein du "Speedy Trial Act of 1974", 18 U.S.C. §3161(h)(2) [10]. Ce texte prévoit que les délais prévus par la loi sont suspendus durant la période pendant laquelle les poursuites ont été différées, sous réserve de la satisfaction de plusieurs conditions, dans le but de permettre au défenseur de démontrer sa bonne conduite [11].
Le même mécanisme sera introduit en 1997 dans le US Sentencing Guidelines Manual et le US Attorney’s Manual $9-22.010, permettant aux personnes morales – et non plus aux personnes physiques comme prévu dans le Speedy Trial Act – de conclure un accord avec le DOJ ou la SEC afin de différer les poursuites en matière de corruption d’agents publics étrangers sur le fondement du FCPA.
En 1993 est conclu le premier Deferred Prosecution Agreement avec la société Armour of America pour un montant de seulement US$ 20,000 [12]. Ce montant semble bien évidemment aujourd’hui très peu élevé comparé aux montants astronomiques conclus par le Department of Justice depuis quelques années.
Le mécanisme du Deferred Prosecution Agreement américain a aujourd’hui une finalité dissuasive pour les entreprises, de par les montants très élevés conclus avec les autorités américaines.
En effet, le Department of Justice et la Securities and Exchange Commission ont conclu depuis 1993 des accords transactionnels sur le fondement du FCPA. Quelques exemples parmi ces accords transactionnels [13] :
Entreprise | Montant (en dollars) |
---|---|
Siemens [14] | 800 millions |
KBR/Halliburton [15] | 79 millions |
BAE [16] | 400 millions |
Total [17] | 398 millions |
Snamprogetti/ENI [18] | 365 millions |
Technip SA [19] | 338 millions |
JGC Corporation [20] | 218,8 millions |
Daimier AG [21] | 185 millions |
Alcatel Lucent [22] | 137 millions |
Magyar Telekom/Deutsche Telekom [23] | 95 millions |
Le Deferred Prosecution Agreement américain a donc redessiné la gouvernance des entreprises qui doivent désormais intégrer de nouveaux risques, tout en implémentant des mécanismes et procédures de compliance efficaces afin de satisfaire aux obligations posées par les régulateurs.
En ce sens, le Professeur Brandon Garrett affirme que [24] :
"[f]ederal prosecutors have stepped far outside of their traditional role of obtaining convictions, and, in doing so, [sought] to reshape the governance of leading corporations, public entities, and ultimately entire industries. This development has gone largely unexamined."
Le DPA est en conséquence un outil important du système transactionnel américain en ce qu’il permet à une entreprise d’échapper à un procès médiatique, ce qui pourrait avoir de nombreuses conséquences négatives sur sa réputation. Toutefois, la conclusion d’un DPA reste conditionnée à la satisfaction d’un certain nombre d’éléments.
2. Une condition nécessaire à la conclusion d’un DPA : la coopération.
La coopération est une condition nécessaire afin de pouvoir bénéficier d’un Deferred Prosecution Agreement américain. Cette condition a été maintes fois rappelée par la jurisprudence, et le cadre réglementaire prévoit clairement que la coopération permet d’atténuer le montant des amendes conclues avec les autorités américaines.
En effet, le "Principles of Federal Prosecution Of Business Organization "prévoit ce qui suit [25] :
“Cooperation is a mitigating factor, by which a corporation—just like any other subject of a criminal investigation—can gain credit in a case that otherwise is appropriate for indictment and prosecution. Of course, the decision not to cooperate by a corporation (or individual) is not itself evidence of misconduct, at least where the lack of cooperation does not involve criminal misconduct or demonstrate consciousness of guilt (e.g., suborning perjury or false statements, or refusing to comply with lawful discovery requests). Thus, failure to cooperate, in and of itself, does not support or require the filing of charges with respect to a corporation any more than with respect to an individual.”
La coopération est donc une condition sine qua non à la conclusion d’une convention négociée avec le Procureur. Toutefois, ce pouvoir grandissant des procureurs américains inquiète certains auteurs, mettant en avant le fait que les droits de la défense sont totalement anéantis par un système de négociation qui met le procureur sur un piédestal, contre lequel il est difficile de résister, la personne morale accusée n’ayant d’autres choix que de coopérer [26].
En d’autres termes, le souci est que la conclusion d’un Deferred Prosecution Agreement pourrait conduire les entreprises à reconnaitre leur culpabilité concernant des crimes qu’ils n’ont pas commis, et mettrait les entreprises dans une position d’accepter des amendes beaucoup plus élevées que ce que mérite leur comportement ayant conduit à des poursuites judiciaires [27]. Les entreprises n’ont d’autres choix que de coopérer avec les autorités américaines, sous peine que les conséquences d’un procès judiciaire ne soient encore plus désastreuses sur leur réputation.
Néanmoins, d’un autre côté, les procureurs américains seraient réputés pour ne pas abuser de leur pouvoir arbitraire car ils seraient conscients de leur devoir de servir l’intérêt public [28]. Ainsi, l’ancien Assistant US Attorney N. Richard Janis affirme que [29] : “most prosecutors [are] generally fair-minded, conscientious... believe strongly in what they are doing and genuinely believe that they are serving the public good.”
Bien que les pouvoirs des procureurs américains soient considérablement étendus, il n’en reste pas que la conclusion de Deferred Prosecution Agreement a également permis à d’autres professions du droit de voir une augmentation considérable de leurs pouvoirs.
3. Des enquêtes internes « coopératives » imposées et indispensables.
La conclusion de Deferred Prosecution Agreement a permis de développer un marché des enquêtes internes au sein des cabinets d’avocats américains internationaux.
Dès que l’autorité américaine en charge du dossier propose à la personne morale de conclure un accord, l’entreprise devra absolument coopérer. En effet, dès la coopération, une enquête interne sera confiée à un cabinet d’avocats. Toutefois, les enquêtes réalisées par des avocats peuvent présenter des situations de conflits d’intérêts – en ce qu’ils seront en même temps en position de défenseur et d’enquêteur [30]. Les Etats-Unis ont donc une culture tout à fait différente de la culture européenne, bien que l’Agence Française Anticorruption souhaite également externaliser auprès d’une tierce personne le monitoring mis en place dans le cadre de la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public [31].
L’enquête interne permettra donc de démontrer clairement les points de faiblesse de la personne morale dans son dispositif de lutte contre la corruption et les points d’amélioration qui seront par la suite monitorés, condition sine qua non de la conclusion d’un accord transactionnel et des poursuites judiciaires différées, jusqu’à la mise en conformité de la société – sous peine de poursuite judiciaire.
Même si les enquêtes internes sont réputées être très coûteuses pour la personne morale, il n’en reste pas moins que telles enquêtes sont préférables afin que le Groupe ne soit pas exposé de manière incertaine au temps long de la justice et à ses effets secondaires qui viendraient ternir sa réputation.
Un régime protecteur pour les "whistleblowers".
Le développement des Deferred Prosecution Agreement a démontré la nécessité de construire un cadre réglementaire de protection des whistleblowers.
En effet, un grand nombre d’entreprises ont été amenés à conclure des DPA avec les autorités américaines suite à des alertes interne lancées par des whistleblowers auprès de la Security and Exchange Commission ou d’autres autorités.
Tous les systèmes de protection des lanceurs d’alertes octroient une récompense qui prend la forme d’une rémunération financière – souvent généreuse. En effet, tel est le système prévu par le False Claims Act [32], le Dodd-Frank Act [33] ou encore l’Internal Revenue Service (IRS) Whistleblower Law [34]. Ces régimes sont également considérés comme des mécanismes permettant d’améliorer la protection générale des droits fondamentaux [35], ce qui n’est pas du tout le point de vue du législateur français qui se questionne sur l’effectivité de la rémunération sur les alertes internes [36].
Par exemple, un individu qui constaterait un non-respect des régulations financières américaines pourraient très bien demander à bénéficier du régime de protection des lanceurs d’alertes – sous réserve de la satisfaction de quelques conditions – et récupérer une somme correspondant au pourcentage (généralement entre 15 et 30%) de la somme récupérée par l’autorité en question.
Par exemple, dans l’affaire UBS, Bradley Birkenfeld a récupéré 104 millions de dollars, ayant permis le recouvrement de US$ 5 milliards par les autorités américaines et le paiement d’amendes par la banque UBS pour un montant total de US$ 780 millions.
Récemment, la SEC a annoncé avoir octroyé une rémunération record, la plus élevée de l’ensemble des dossiers qu’elle a eu à traiter [37], sous le prisme de la protection prévue par le Dodd-Frank Act, en partageant entre deux whistleblowers près de US$ 50 millions et un troisième whistleblower recevant près de US$ 33 millions.
Le système de protection des lanceurs d’alertes aux Etats-Unis semble donc être efficace, mais le mécanisme de rémunération ne semble pas être compatible avec les valeurs des Etats européens.
Toutefois, force est de constater que la loi Sapin 2 mettant en place la Convention Judiciaire d’intérêt public donne aussi au Défenseur des Droits la mission de mettre en place un mécanisme de protection des lanceurs d’alertes, sans que la question de la rémunération soit abordée précisément.
Un Monitoring américain efficient.
Le Deferred Prosecution Agreement peut être conclu avec une personne morale sous condition que la personne respecte les termes du DPA. En effet, en négociant une telle convention, le gouvernement accepte de différer les poursuites, tout en s’assurant que l’entreprise se conforme au cadre réglementaire en vigueur. Afin de contrôler les agissements de la personne morale après la conclusion du DPA, le gouvernement agit en tant que « monitor » - généralement en externalisant le monitoring – afin de s’assurer du respect des conditions ayant amené le gouvernement à différer la procédure judiciaire à l’encontre de l’entreprise.
Bien que le Department of Justice ait mis en place son premier monitoring en 1995(38), il n’en reste pas moins que la Securities and Exchange Commission a été la première Agence Américaine à mettre en place un monitoring. [38]
La politique développée par le Department of Justice concernant le monitoring de DPA est évolutive et est parfois considérée comme controversée. En 2008, le DOJ publie le Morford Memorandum [39], lignes directrices et procédures de décisions relatives à la nomination de monitors. En 2009, le Breuer Memorandum [40] est publié et donne des précisions sur les termes des contrats de monitoring et précise les procédures pour les monitors.
En 2010 est publié par le DOJ le Grindler Memorandum [41], précisant les conditions dans lesquelles une personne morale peut rejeter les recommandations formulées par le monitor pour des raisons de couts financiers. Toutefois, cela a eu un effet pervers en ce que la publication de ce mémo a eu plusieurs impacts négatifs : il a d’abord considérablement augmenté les couts des contrats de monitoring, et a rendu le public sceptique quant à ses bénéfices [42].
Le but d’un monitoring est bel et bien de permettre à l’entreprise de comprendre les failles de son système de compliance. Or, permettre à une personne morale de refuser des recommandations formulées par un moniteur pour des raisons de coûts financiers est contraire au principe même de cet outil. Au contraire, l’entreprise devrait s’engager dans une période déterminée à se conformer aux recommandations des monitors, sous peine d’agir en contradiction avec les termes du DPA conclu avec le gouvernement.
Si le DOJ accepte que les recommandations des moniteurs ne soient pas suivies, alors la finalité première de la conclusion d’un DPA est une finalité financière pour le gouvernement et non une finalité de mise en conformité avec le cadre législatif américain, car la plupart des spécialistes de la compliance affirment qu’un système de compliance effectif repose notamment sur des ressources financières suffisantes.
Le DPA américain a été novateur en ce qu’il a introduit un mécanisme de justice négociée nouveau, au succès immédiat. En 2016, le législateur français a adopté la Loi Sapin 2, inspirée du cadre législatif américain, en introduisant un nouveau mécanisme : la convention judiciaire d’intérêt public.
B. La convention judiciaire d’interet public : un instrument français nouveau et incertain.
1. Un mécanisme inspiré du Deferred Prosecution Agreement anglo-americain.
La Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2 entrée en vigueur le 16 décembre 2016 a introduit un article 41-1-2 au sein du Code pénal. Ce nouveau texte prévoit un instrument de justice négociée au sein du cadre législatif français :
Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le Procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus aux articles 433-1, 433-2, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1, à l’avant-dernier alinéa de l’article 434-9 et au deuxième alinéa de l’article 434-9-1 du code pénal, pour le blanchiment des infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion de celles prévues aux mêmes articles 1741 et 1743, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public. [43]
Par l’adoption de cette loi, la France intègre non seulement un nouveau mode alternatif de règlement des différends, mais également de nouvelles exigences en matière de lutte contre la corruption.
En très peu de temps, la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) s’est progressivement imposée comme un outil indispensable, de par le nombre de juges y ayant recours depuis son entrée en vigueur, comme récemment dans deux affaires dans lesquelles le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a conclu des conventions judiciaires d’intérêts publics [44], approuvée par la Cour d’Appel de Versailles.
Le mécanisme en lui-même est également novateur. En effet, le Procureur de la République peut être amené à proposer à une entreprise la négociation et la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public lorsque celle-ci est mise en cause pour un des délits prévus aux articles 433-1, 433-2, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1 , à l’avant-dernier alinéa de l’article 434-9 et au deuxième alinéa de l’article 434-9-1 du code pénal, pour le blanchiment des infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion de celles prévues aux mêmes articles 1741 et 1743.
Un rôle important est donné au juge : il est la pierre angulaire du succès de ce nouveau mécanisme de justice négociée. En effet, le juge sera non seulement à l’initiative du processus, mais il devra également négocier avec l’entreprise, puis soumettre la CJIP conclue au Président du Tribunal de Grande Instance pour validation.
De la validation d’une convention judiciaire d’intérêt public découleront de nombreux effets non négligeables, plutôt favorables pour la personne morale : d’abord la validation d’une CJIP n’emportera pas de déclaration de culpabilité et ne sera en aucun cas assimilée à une déclaration de jugement, ensuite et en conséquence une CJIP ne sera pas inscrite au casier judiciaire de la personne morale, elle sera seulement publiée sur le site de l’Agence Française Anti-corruption (AFA).
Toutefois, ni la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique [45], ni son décret d’application, ne donnent des précisions quant aux conditions précises qui pourraient conduire le procureur de la république à engager des négociations avec la personne morale [46], contrairement au Serious Fraud Office (SFO) – régulateur britannique – qui donne une liste précise quant aux conditions qui pourraient pousser un procureur outre-manche à conclure un Deferred Prosecution Agreement. Il doit s’assurer que [47] :
"(i) either the evidential stage of the Full Code Test in the Code for Crown Prosecutors is met, or there is a reasonable suspicion based upon some admissible evidence that P has committed an offence ; (ii) the full extent of the alleged offending has been identified ; and (iii) the public interest would likely be met by a DPA.
then the prosecutor may initiate DPA negotiations with any P who is being investigated with a view to prosecution in connection with an offence specified in the Act."
Dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public, le procureur prend en compte plusieurs éléments afin de calculer le montant de l’amende.
Eliane HOULETTE, Présidente du Parquet National Financier, a récemment décrit lors du Congrès Européen Ethique et Gouvernance à l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) comment a été élabore le système de calcul de montant auquel serait condamnée la personne morale. Le PNF a analysé avec la plus grande précision sous l’angle de l’expertise financière comment est constitué le montant des amendes des DPA anglo-américains.
Ainsi, après étude des DPA américains et du DPA britannique conclu dans l’affaires Rolls-Royce [48], le PNF a établi un système de points. Autrement dit, les amendes infligées dans le cadre de CJIP françaises sont similaires au montant des DPA étrangers, en ce qu’elles s’inspirent d’un système concret bâti sur un mécanisme de points [49]. C’est donc une première précision non négligeable qui démontre que le PNF tente de justifier précisément la discrétion des juges et la conclusion de montants qui peuvent paraitre élevés – ce qui est peu commun pour des juridictions françaises – mais qui nous permet de faire de notre outil de justice négociée un outil crédible aux yeux des autorités de régulation étrangères.
Précisément, afin d’être amené à négocier une CJIP, il doit clairement démonter l’intérêt public de la convention, condition sine qua non de sa validation par le juge judiciaire.
2. La nécessité de démontrer l’intérêt public de la convention.
La validation d’une convention judiciaire d’intérêt public nécessite la démonstration de l’intérêt public de cette convention. En effet, le législateur a souhaité ne pas faire de ce mécanisme un outil de justice privé, mais un outil d’intérêt public [50].
Alors que d’autres autorités de régulations prévoient clairement des listes de principes pouvant soulever l’intérêt public d’une convention, la France se base sur l’opportunité subjective du ministère public – qui pourra juger comme bon lui semble l’opportunité de conclure une telle convention et lui revient en conséquence la tâche d’apprécier de manière subjective la satisfaction de la condition d’intérêt public.
Bien que la loi Sapin 2, ainsi que son décret d’application, prévoient des conditions minimales pouvant conduire à la conclusion d’une CJIP, il n’en reste pas moins que ces conditions restent minimales, notamment une condition d’une importance primordiale : l’action publique doit ne pas avoir encore été engagée.
Toutefois, la question peut se poser de savoir si cette convention est réellement conclue sous le prisme de l’intérêt public, alors que la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public est une alternative intéressante pour les personnes morales en ce qu’elle leur permet de ne pas être exclue des marchés publics français et internationaux [51]. C’est donc un mécanisme protecteur des parts de marchés acquises par les entreprises. Le but ne serait pas de punir économiquement, mais seulement financièrement.
Une fois que le procureur aura démontré l’intérêt public et l’opportunité de conclure une convention judiciaire d’intérêt public avec une personne morale, le procureur pourra faire peser de nouvelles obligations sur cette même personne morale. Il s’agit en conséquence d’une convention conclue conditionnée au respect d’obligations nouvelles.
3. Un mécanisme faisant peser de nouvelles obligations sur les entreprises.
Le conditionnement de la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public au respect de certaines obligations de conformité au cadre réglementaire permet de soulever les enjeux de la mise en place d’un programme de Compliance effectif, monitoré par la nouvelle Agence Française Anticorruption.
Une obligation de mettre en place un programme de compliance effectif.
La loi Sapin 2 permet à la France de se hisser au même rang que les autres puissances mondiales. En effet, la France était l’un des seuls pays à ne pas disposer d’un système effectif de lutte contre la corruption, alors que les Etats-Unis ont adopté le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) depuis 1977 et le Royaume-Uni le UK Bribery Act depuis 2010. Ce n’est seulement qu’en 2016 que la France a repris les initiatives développées au sein de cadres législatifs étrangers, afin d’aboutir sur un système effectif, mais pas innovant.
Ainsi, la loi Sapin 2 s’applique aux sociétés ou groupes de sociétés dont le siège social est en France et répondant cumulativement aux deux conditions suivantes : effectif de plus de 500 personnes et un Chiffre d’Affaires ou CA consolidé de plus de 100 millions d’Euros. Cette loi a donc un champ d’application extensif et permet aux entreprises de 500 salariés jusqu’aux multinationales dont le siège social est situé en France d’être soumis à cette loi nouvellement entrée en vigueur, et en conséquence fait peser sur ces personnes morales une obligation de construire un système de compliance effectif sous le prisme de deux objectifs : prévenir et détecter la corruption et du trafic d’influence en France et à l’étranger [52] – application extraterritoriale de la loi Sapin 2 – en prenant en compte les risques auxquels l’entreprises est exposée, tout en développant un régime de protection pour les lanceurs d’alerte et en créant un moyen effectif de recueillir les alertes internes.
Le système de compliance qui peut être imposé à une personne morale afin de lutter contre la corruption, tel que dessiné par la loi Sapin 2, repose sur 8 piliers [53] :
• Cartographie des risques
• Code de conduite
• Procédures d’évaluation / due diligences
• Procédures de contrôles comptables internes ou externes
• Dispositif de formation
• Dispositif d’alerte interne
• Régime disciplinaire
• Dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre
En mettant en œuvre chacun de ces points autour d’une équipe de compliance officer, les entreprises disposeront d’un programme de compliance effectif, construit autour d’une équipe de compliance officers, sous l’impulsion du « tone at the top » [54]
Un monitoring assuré par l’Agence Française Anti-corruption (AFA).
L’Agence Française Anti-Corruption a été créée par la Loi Sapin 2. Bien que son rôle soit défini, il n’en reste pas moins que certains points restent encore obscur sur certains points essentiels qui doivent encore être clairement définis.
Aux termes de l’article 3 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, l’Agence Française Anti-Corruption a pour rôle « d’élaborer des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme ». Le texte précise que « ces recommandations sont adaptées à la taille des entités concernées et à la nature des risques identifiés. Elles sont régulièrement mises à jour pour prendre en compte l’évolution des pratiques et font l’objet d’un avis publié au Journal officiel ».
Ainsi, l’AFA a publié ses recommandations en décembre 2017 [55], et ont pour objectif d’aider les entreprises dans la construction ou dans le renforcement de leur dispositif de lutte contre la corruption et plus largement dans le renforcement de leur programme de Compliance. Ces recommandations viennent également préciser la loi Sapin 2 et la position de l’AFA.
En outre, sur le modèle des régulateurs anglo-américains et des questions posées par le Department of Justice (DOJ) américain aux entreprises soumises au FCPA, l’AFA a publié l’ensemble des questions [56] qu’elle pose aux personnes morales lors de contrôles de leur programme anti-corruption.
Les entreprises ont donc tous les outils en main afin d’agir de manière effective contre la corruption, mais également pour se conformer à la loi Sapin 2 et aux recommandations de l’AFA en cas de conclusion d’une convention judiciaire d’intérêts publics.
L’obligation de mettre en place un système de compliance effectif sur la base des recommandations de l’Agence Française Anti-Corruption peut s’accompagner par un monitoring réalisé par l’AFA. En mettent en œuvre un tel système en France, cette nouvelle institution – qui n’a pas le statut d’autorité administrative indépendante – innove et entend contrecarrer le pouvoir grandissant des autorités étrangères – et plus particulièrement américaines – dans leur monitoring de programmes de compliance d’entreprises françaises. Souvent considéré comme une immixtion dans la vie des affaires européennes, le monitoring américain s’impose aujourd’hui à la plupart des entreprises ayant conclu un Deferred Prosecution Agreement avec le Department of Justice ou la Securities and Exchange Commission (SEC).
La volonté du Directeur de l’Agence Française Anti-corruption est de contrôler le monitoring réalisé par les autorisé américaines au sein des entreprises françaises, certains auteurs assimilant cette immixtion à une guerre économique [57].
Un régime peu protecteur pour les lanceurs d’alerte.
L’article 6 de la loi Sapin définit le terme de lanceur d’alerte et exergue les principes d’un nouveau régime de protection :
Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.
Une personne physique lançant une alerte pourra en conséquence bénéficier du statut de lanceur d’alerte dans le cas où il remplit les conditions évoquées par cet article.
Afin de bénéficier de cette protection, le lanceur d’alerte doit suivre une procédure graduée, l’obligeant à passer par différents niveaux avant de saisir les autorités gouvernementales ou médiatiques. En effet, il doit tout d’abord informer la hiérarchie de son entité conformément aux procédures internes à l’entreprise, avant de pouvoir saisir l’autorité compétente, puis le public dans le cas où aucune réponse n’ait été donné par sa hiérarchie dans un délai raisonnable.
Toutefois, l’information communiquée ne peut pas être constitutive d’une alerte dans le cas où l’information serait couverte par le secret de défense nationale, médical, ou relations entre un avocat et son client. Dans tous les autres cas, l’information sera considérée comme une alerte dans le cas où les faits sont constitutifs d’un crime, d’un délit, d’une violation grave et manifeste d’une disposition réglementaire ou d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général.
Si une personne est en possession d’une information entrant dans le champ d’application de la loi Sapin 2 définissant le régime de protection des lanceurs d’alerte, Il est important de noter que cette même loi octroie de nouvelles prérogatives au Défenseur des Droits, en faisant désormais de cette autorité administrative indépendante la pierre angulaire du système de protection des lanceurs d’alerte. Il est désormais en charge d’orienter les lanceurs d’alerte dans leurs démarches afin qu’ils puissent bénéficier du régime de protection, et veille à leurs droits et libertés.
En respectant la procédure pour lancer son alerter, le whistleblower disposera d’un régime d’irresponsabilité pénale, mais il est important de noter que le défenseur des droits n’est pas l’autorité compétente pour faire cesser les dysfonctionnements à l’origine de l’alerte auprès de l’entreprise en question.
4. Une première CJIP soulevant de nombreuses considérations : l’affaire HSBC.
L’affaire HSBC a été l’occasion pour le Parquet National Financier de conclure pour la première fois une convention judiciaire d’intérêt public avec HSBC Private Banking le 27 novembre 2017 [58].
En 2009, Hervé Falciani – lanceur d’alerte – dévoile aux autorités françaises une liste de clients de la Banque Suisse dont les comptes et les avoirs n’avaient pas été déclaré à l’administration fiscale française. En 2013, après de longues investigations, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de HSBC Private Banking. En 2015, HSCB refuse de négocier une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) – à l’époque constituant le seul outil de justice négociée existant [59] – et ce n’est qu’en 2017 que HSBC bénéficie de ce nouvel outil de justice négociée qu’est la CJIP, nouvellement entrée en vigueur avec la Loi Sapin 2.
Toutefois, cette affaire n’éclaircit pas l’ensemble des questions qui étaient soulevées par la doctrine et les praticiens après l’adoption et l’implémentation de la loi Sapin 2.
Une question alimente les débats et reste en suspens : la prise en compte de la coopération de la personne morale avec le procureur dans le calcul du montant de l’amende.
En effet, l’article 41-1-2 du code Pénal introduit par la loi Sapin 2 ne donne aucune précision sur ce point, qui est un point très important pour les autorités de régulation étrangères.
La convention judiciaire d’intérêt public conclue par HSBC ne fait que survoler la notion de coopération, mais semble tout de même être dans une optique de prise en compte de cet élément, notamment lorsque le Parquet National Financier affirme que la personne morale « n’a pas révélé les faits aux autorités judiciaires françaises ni reconnu sa responsabilité pénale durant l’information judiciaire, [et] a apporté une coopération minimale aux investigations » [60].
Les Deferred Prosecution Agreement anglo-américains – bien que différents – convergent sur un point : la révélation volontaire des faits rapidement auprès du régulateur est récompensée. Ainsi, il a été jugé dans l’affaire Serious Fraud office v Rolls Royce PLC [61] par Sir Brian Levesson ce qui suit :
"The full and extensive nature of this co-operation has led to the acquisition, and application of digital review methods to over 30 million documents. All this has been in the context of an investigation concerning conduct in multiple jurisdictions, across four business lines and spanning a long period of time. Sir Edward has made clear (and the Statement of Facts confirms) that the proactive approach to co-operation adopted by Rolls-Royce has led to the SFO receiving pertinent information which may not otherwise have come to its attention.
…
I am entirely satisfied that from that moment, the company could not have done more to expose its own misconduct, limited neither by time, jurisdiction or area of business. As I observed in SFO v XYZ Ltd (at [24]-[26]), incentivizing self-reporting is a core purpose of DPAs and the weight it attracts depends on the totality of the information provided. In one sense, the more egregious the conduct, the greater significance of wholesale self-reporting and admission : the question is to identify the tipping point."
Alors que les autorités étrangères font de la coopération de l’entreprise une condition indispensable à la conclusion d’un Deferred Prosecution Agreement, les autorités françaises ne sont pas précises sur le sujet.
Toutefois, force est de constater que le Directeur de l’Agence Française Anti-corruption, Charles Duchaine, lors du 4ème Congrès Européen Ethique et Gouvernance organisé à l’OCDE, a affirmé que la coopération était tout de même importante, même en France, et à Eliane Houlette, Présidente du Parquet National Financier de rajouter que cette coopération est prise en compte dans le calcul du montant conclu avec la personne morale au sein de la convention judiciaire d’intérêt public.
Ce sont donc des précisions non négligeables, qui peuvent pousser les entreprises à conclure des CJIP, alors que des procédures judiciaires pourraient déboucher sur une issue incertaine, risque qu’a toutefois préféré choisir la banque UBS.
5. Un mécanisme de justice négociée au succès incertain en France : l’affaire UBS.
La banque Suisse UBS, première banque de gestion de fortune dans le monde, est accusée de fraude fiscale par de nombreuses autorités européennes. Les agissements de la Banque font l’objet de poursuites dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni – où un accord a été trouvé avec les autorités – ou bien encore en Allemagne – où UBS a négocié une amende d’environ 300 millions d’euros avec le régulateur.
Toutefois, en France, les procédures se compliquent depuis quelques mois, en ce que la Banque UBS a finalement refusé de signer une convention judicaire d’intérêt public avec le Parquet National Financier – le montant proposé par le PNF de 1,1 milliards d’euros jugé beaucoup trop élevé par la Banque Suisse. UBS a donc préféré le procès judiciaire à la CJIP, procédure dont l’issue est assez incertaine, et dont dépend fortement la crédibilité de nouvel instrument de justice négociée nouvellement entré en vigueur. En effet, si la banque UBS se fait condamner à une amende inférieure au montant de l’amende proposée par le Parquet National Financier dans la CJIP, les personnes morales hésiteront davantage avant de conclure une telle convention, et préfèreront peut-être se confronter à un procès.
Un argument en faveur de la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public pour les entreprises : l’argument réputationel. A ce titre, Warren Buffet affirme précisément :
« Il faut 20 ans pour bâtir une réputation et cinq minutes pour la démolir. Si vous y pensez, vous ferez les choses différemment ».
Ainsi, sans doute les entreprises personnes morales préféreront-elles conclure rapidement une affaire par le biais d’une convention judiciaire d’intérêt public, plutôt que d’être exposé au cours d’un procès à un débat public long qui peut s’avérer être un processus couteux pour l’entreprise – mais aussi pour l’ensemble de ses stakeholders – ce qui pourrait éventuellement avoir un impact négatif sur sa réputation – en conséquence sur sa capitalisation boursière, mais également sur son climat social.
Bien que l’affaire UBS tienne tous les praticiens du droit en suspens, il n’en reste pas moins que son issue ne devrait impacter que très peu la CJIP, qui se révèle être un véritable succès pour les régulateurs de la plupart des pays où un tel mécanisme de justice négociée a été mis en place.
II. Une approche évolutive de l’extraterritorialité des lois américaines et du principe non bis in idem.
A. L’extraterritorialité des lois : une politique juridique américaine polémique.
1. Une immixtion des autorites americaines au sein des entreprises européennes.
Nombreux sont les auteurs à se lever à l’encontre du caractère extraterritorial des lois américaines. L’application de lois américaines pour des faits qui se seraient produits à l’étranger est assimilée à un outil polémique – certains vont jusqu’à dénoncer une guerre économique – souvent dirigé à l’encontre des entreprises européennes.
D’un point de vue américain, le Foreign Corrupt Practices Act, qui tend réprimer la corruption des agents publics à l’international, n’a rien de polémique, c’est un outil comme un autre afin de lutter contre un phénomène de corruption grandissant dans la vie des affaires.
D’un point de vue européen – et plus particulièrement français – les avis sont tout à fait contraires. En effet, le Rapport d’information déposé par la commission des affaires étrangères et la commission des finances de l’Assemblée Nationale, sur l’extraterritorialité de la législation américaine, évoque ce point en affirmant clairement [62] :
Le fait est pourtant que l’on constate une surreprésentation évidente des entreprises européennes dans les dossiers relatifs à l’application de certaines lois américaines, qu’il s’agisse de celles punissant la violation des embargos financiers internationaux des États-Unis (les banques européennes ont payé pratiquement toutes les plus grosses amendes américaines à ce titre) ou encore de la corruption internationale (les entreprises européennes ont versé les deux tiers des plus grosses amendes à ce titre).
Cette puissance du cadre juridique américain a été rendu possible notamment par la mise en place de nombreux liens indirects justifiant l’application de la législation à effet extraterritoriale.
Ainsi, entrera dans le champ d’application une transaction effectuée en dollars mais réalisée à l’étranger et n’ayant aucun lien direct avec les Etats-Unis – si ce n’est la monnaie utilisée.
En mettant en place des liens indirects aussi tenus, faisant entrer toutes les opérations en dollar dans le champ d’application du cadre réglementaire américain, les autorités outre-Atlantique s’adonnent à une volonté de concentration économique.
Ce constat a notamment été fait par Laurent Cohen-Tanaguy [63] :
"Le débat international sur l’extraterritorialité naît dès lors qu’une norme nationale est appliquée à l’encontre d’une personne étrangère soumise à la compétence législative et juridictionnelle de l’État régulateur à raison d’actes commis, au moins partiellement, en dehors du territoire de cet État. Il porte donc en réalité sur les critères susceptibles d’attirer un ressortissant étranger (entreprise ou individu) dans l’orbite de la compétence de l’État régulateur à raison de tels actes. Sauf conventions internationales spécifiques, les critères de compétence législative et juridictionnelle applicables par les États sont définis par ceux-ci unilatéralement."
L’application de l’extraterritorialité des lois américaines s’est longtemps justifiée par le manque de mesures effectives au sein du cadre législatif français et européen en matière de lutte contre la corruption. Il est également important de noter que les Etats ont une prérogative unilatérale et souveraine d’édiction de normes.
En conséquence, l’application extraterritoriale de la loi américaine ne semble pas être injustifiée au regard du droit international.
Une application extraterritoriale non contraire au droit international.
La compétence d’exécution des normes des Etats est strictement territoriale, alors que leur compétence d’édiction peut avoir des effets d’extraterritorialité [64].
En effet, l’affaire Lotus jugée le 7 septembre 1927 par la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI) affirme que [65] :
« Le droit international régit les rapports entre des États indépendants. Les règles de droit liant les États procèdent donc de la volonté de ceux-ci (…). Les limitations de l’indépendance des États ne se présument donc pas (…). Dans ces conditions, tout ce qu’on peut demander à un État, c’est de ne pas dépasser les limites que le droit international trace à sa compétence ; en deçà de ces limites, le titre à la juridiction qu’il exerce se trouve dans sa souveraineté ».
Par cette décision, les juges de la CPJI ont clairement démontré que l’extraterritorialité des lois n’étaient pas évidemment contraire au droit international, en ce que le principe de souveraineté des Etats permet l’édiction de normes souvent à portée extraterritoriale, dans le cas où cette norme n’entrerait pas en contradiction avec une autre règle de droit international.
En outre, il est nécessaire d’indiquer pour des raisons d’équité que les Etats-Unis ne sont pas les seuls à édicter des lois à portée extraterritoriale. En effet, le Royaume-Uni [66], l’Union Européenne [67], ainsi que la France [68] ont adopté des textes de lois ayant vocation à s’appliquer sur le territoire d’un Etat étranger si la personne morale ou la personne dont le comportement est contraire à cette loi entre dans son champ d’application.
Toutefois, l’extraterritorialité des lois américaines en matière de lutte contre la corruption se fonde notamment sur une prise de conscience commune des Etats partis aux conventions de l’OCDE.
En effet, force est de constater que les Etats-Unis peuvent appuyer l’extraterritorialité du Foreign Corruption Practices Act sur la convention OCDE de 1997 [69] relative à la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers. L’article 4 de cette convention motive l’extraterritorialité des cadres législatifs nationaux en matière de lutte contre la corruption :
« Chaque partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l’égard de la corruption d’un agent public étranger lorsque l’infraction est commise en tout ou partie sur son territoire.
…
Lorsque plusieurs parties ont compétence à l’égard d’une infraction présumée visée dans la présente convention, les parties concernées se concertent, à la demande de l’une d’entre elles, afin de décider quelle est celle qui est la mieux à même d’exercer les poursuites »
Bien que l’OCDE prône une extra-territorialité des lois nationales de lutte contre la corruption, il n’en reste pas moins qu’elle met également en avant le principe de non bis in idem en demandant aux différentes autorités d’Etats dont l’arsenal législatif à vocation à s’appliquer en l’espèce de coopérer afin qu’une personne morale ne soit pas condamnée deux fois pour les mêmes faits. Le système tel que développé par l’OCDE semble être un système éthique permettant de corréler les intérêts de l’ensemble des Etats – de sorte à ce que le système juridique d’un Etat ne porte pas préjudice de manière injustifiée à la souveraineté d’un autre Etat et à ses intérêts économiques
Un respect incertain du principe Non Bis In Idem dans les affaires transnationales.
Le principe de Non Bis in idem – ou le Double Jeopardy Principle aux Etats-Unis – est largement reconnu et affirmé par les Conventions Internationales.
L’article 14 §7 du Pacte International Relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur en 1976, prévoit que « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ». [70]
Dans le même sens, l’article 8 §4 de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme revendique que « L’accusé acquitté en vertu d’un jugement définitif ne peut être à nouveau poursuivi pour les mêmes faits » [71].
De même, l’article 4 du protocole n°7 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoit clairement ce qui suit :
1/ Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
2/ Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’Etat concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.
Toutefois, sans doute serait-il intéressant de se concentrer sur la pratique afin de discerner si le fait d’affirmer précisément que les juridictions d’un pays s’engagent à respecter le principe de non bis in idem pour des mêmes faits est réellement appliqué dans les cas de corruption transnationale.
Une application conditionnelle du principe non bis in idem.
Une décision récente de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a apporté un éclairage quant à la position de la cour concernant l’application du principe de Non Bis In idem par des autorités étrangères pour des faits déjà jugés par une autre autorité dans un autre pays. En effet, la jurisprudence Krombach c. France [72] affirme que :
"L’article 4 du Protocole n° 7 (droit à ne pas être jugé ou puni deux fois) ne fait pas obstacle à ce qu’une personne soit poursuivie ou punie pénalement par les juridictions d’un Etat partie à la Convention en raison d’une infraction pour laquelle elle avait été acquittée ou condamnée par un jugement définitif dans un autre Etat partie ».
Cette décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme réaffirme la position constante de la Cour, à savoir qu’une personne morale peut très bien être poursuivie plusieurs fois pour les mêmes faits devant les juridictions de pays différents. Toutefois, une personne morale ne pourra pas être jugée deux fois pour les mêmes faits devant deux juridictions différentes d’un même Etat lorsqu’une décision définitive a été obtenue. La CEDH offre donc une application assez limitée du principe de non bis in Idem, alors que la Convention OCDE de 1997 pousse les Etats vers une coopération interétatique qui permettrait un certain respect du principe de non bis in idem.
En la matière, la France dispose d’une jurisprudence évolutive. Le droit positif français tel qu’implémenté aujourd’hui au sein du cadre législatif donne une possibilité extensive pour les juges d’appliquer le principe de non bis in idem. En effet, l’article 113-9 du code pénal et l’article 692 du code de procédure pénale disposent tous deux ce qui suit :
« Aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. »
Ces articles démontrent clairement que l’application du principe de non bis in idem est limité au cumul de deux éléments : une décision définitive et une peine purgée, mais est extensif en ce qu’il considère qu’une condamnation définitive et une peine purgée à l’étranger empêche une juridiction française à juger à nouveau le litige.
Plus précisément, sur le fondement de l’article 14 §7 du Pacte International Relatif aux droits civils et politiques, et de l’article 4 de la convention OCDE de 1997, le Tribunal Correctionnel de Paris [73] a appliqué le principe non bis in idem, conditionné à plusieurs éléments [74] : les faits objets de la transaction pénale prise en compte doivent être identiques ou intrinsèquement similaires à ceux poursuivis devant la juridiction française ; la procédure prise en compte à l’étranger doit être « impartiale, indépendante, diligente » et n’avoir pas eu pour objet de soustraire la société en cause à sa responsabilité pénale ; les peines doivent avoir été exécutées ; les faits en cause ne doivent pas constituer des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Néanmoins, bien que ces textes affirment une politique plus ouverte que la position des autorités américaines, il n’en reste pas moins que les autorités outre-Atlantique peuvent au cours de certaines affaires être amenées à donner l’impression d’appliquer et de respecter le principe de non bis in idem – même si la plupart du temps ils ne font que respecter un principe de confusion des peines.
C’est par exemple la position prise par le Department of Justice américain dans l’affaire Vimpelcom [75] où les autorités américaines ont accepté de partager la somme de 785 millions avec les autorités néerlandaises.
Ainsi, le respect du principe de non bis in idem est tout à fait incertain, et dépend fortement du cadre réglementaire du pays dans lequel des poursuites parallèles sont susceptibles d’être menées.
En ce sens, l’adoption et l’implémentation récente de la loi Sapin 2 au sein de l’arsenal législatif français par la mise en place d’un nouvel instrument de justice négociée et d’une Agence Française Anti-corruption permet de rendre crédible la politique menée par la France en matière de lutte contre la corruption. La première CJIP conclue entre le Parquet National Financier et HSBC Private Banking permet dans le même sens de prouver la crédibilité du cadre réglementaire français et de la volonté du législateur national de lutter efficacement contre la corruption transnationale.
Un renforcement nécessaire de la coopération entre autorités de poursuites internationales
Sur le fondement de l’article 4 § 3 de la Convention OCDE précitée sur la lutte contre la corruption adoptée en 1997, les Etats sont incités à coopérer. En ce sens, l’Autorité des Marchés Financiers – à propos de l’application du principe de non bis in idem dans la répression des abus de marché – considère que la coopération est le meilleur moyen de régler des litiges [76].
Toutefois, inciter à la coopération les autorités de poursuites de différents Etats sans créer de cadre clair et précis est sans effet. Il ne suffit pas de créer de grands principes juridiques internationaux, encore faut-il pouvoir les appliquer. En ce sens, plusieurs auteurs à l’instar du Professeur Didier Rebut, affirme dans son ouvrage Droit Pénal International qu’un cadre conventionnel réciproque entre Etat est nécessaire à une coopération effective [77]. L’OCDE prévoit ce mécanisme à l’article 4 de la convention susmentionnée, mais n’est pas effectif en l’espèce [78]. Ainsi, de nombreuses recommandations sont venues formuler des propositions pour rendre efficient le cadre réglementaire de coopération prévu par l’OCDE tel qu’il existe aujourd’hui.
Afin de parfaire à la non-application de la coopération telle que prévue à l’article 4 de la convention de 1997, le Club des Juristes souhaite qu’un protocole additionnel à la Convention soit rajouté, afin de préciser les critères de mise en œuvre du principe de non bis in idem, ce qui découlerait sur une éventuelle coopération des autorités de poursuites des différents Etats afin qu’une personne morale ne soit pas jugée deux fois pour les mêmes faits [79].
Toutefois, aucune initiative globale n’est entreprise pour le moment, les autorités de poursuite essayant aujourd’hui de coopérer au mieux en pratique.
Outre les autorités nationales qui coopèrent entre elles en matière de lutte contre la corruption – comme avec l’exemple de l’Agence Française Anti-Corruption qui vient de signer un protocole d’accord avec le Parquet National Financier [80] – les autorités de poursuites ont récemment démontré leur capacité à coopérer, appliquant ainsi de manière insidieuse le principe de non bis in idem. L’application du principe non bis in idem dans les accords transactionnels en matière de lutte contre la corruption est donc évolutive, et ne cessera d’évoluer au fil des années.
Conclusion.
Le Deferred Prosecution Américain et la Convention Judiciaire d’intérêt public sont deux outils similaires, bien que certains points les différent. La politique développée par les autorités américaines en matière de lutte contre la corruption est installée depuis de nombreuses années au sein du cadre réglementaire américain, faisant du mécanisme du DPA un outil effectif, avec une portée extraterritoriale polémique d’un point de vue européen. D’un autre côté, la politique développée par les autorités européennes – et plus particulièrement par les autorités françaises - en matière de lutte contre la corruption est toute autre. En effet, ce n’est qu’en 2016 que le législateur français adopte la loi Sapin 2, se dotant alors d’un cadre législatif au niveau des autres puissances mondiales. Cette volonté de lutter de manière effective contre la corruption est maintenant reconnue du côté américain. Bien qu’il soit encore trop tôt pour déceler des tentatives de coopération entre les autorités américaines et françaises afin de faire respecter le principe de non bis in idem, il n’en reste pas moins que les agences américaines ont démontré qu’elles en étaient capables, à condition que l’Etat dans lequel elle est amenée à coopérer dispose d’un cadre réglementaire similaire avec des amendes équivalentes [81].
La lutte contre la corruption est un phénomène en pleine expansion, grâce à une prise de conscience globale de l’ensemble des acteurs économiques. Ainsi, le rôle du compliance officer devient primordiale au sein des entreprises, car il constitue la pierre angulaire d’un programme de compliance effectif, afin de prévenir les agissements de son entreprise qui seraient contraires aux législations qui lui sont applicables.
« Quiconque Refusera d’obéir à la volonté générale, y sera contraint par tout le corps ; ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera à être libre. » [82]