Alors que l’assemblée vient de voter le 9 mai 2020 la loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire et allongeant la trêve hivernale jusqu’au 10 juillet inclus, il convient de se pencher sur l’applicabilité de ce texte dans les Dom-Com.
Qu’est-ce que la trêve cyclonique ?
Pendant de la trêve hivernale applicable en métropole du 1er novembre au 30 mars inclus en application de l’article L412-6 du CPCE ; la trêve dite "cyclonique" est prévue pour les départements de la Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion, Mayotte par l’article L611-1 du CPCE qui prévoit une durée maximum de 3 mois et demi fixée par le représentant de l’Etat pour tenir compte des spécificités des territoires ultramarins, cette durée pouvant être divisée "de manière à tenir compte des particularités climatiques propres à cette collectivité".
L’article L641-8 du même code prévoit les mêmes restrictions pour le territoire de Wallis-et-Futuna.
Son principal effet est de suspendre les mesures d’expulsions concernant les locaux à usage d’habitation, afin de permettre aux locataires en situation délicate de conserver leur logement pendant quelques mois supplémentaires ainsi que des conditions de vie décentes, nonobstant la procédure d’expulsion engagée à leur encontre.
La loi du 9 mai 2020 : un texte inapplicable dans les Dom-Com.
Si l’article 5bis A-1° de ladite loi applicable en métropole ne pose aucun problème d’application ("Pour l’année 2020,[...] la période mentionnée est prolongée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus"), son second alinéa est inapplicable dans les Dom-Com.
Ce dernier prévoit que "Pour l’année 2020, les durées mentionnées aux articles L. 611-1 et L641-8 du code des procédures civiles d’exécution sont augmentées de quatre mois. Pour la même année, les durées mentionnées aux articles L621-4 et L631-6 du même code sont augmentées de deux mois"
L’ajout principal de ce texte, outre l’augmentation de la durée qui passe de deux à quatre mois, est l’ajout des Collectivités de Saint-Martin et Saint Barthélémy [1] et celle de Saint Pierre et Miquelon [2] ; après l’obligatoire consultation des organes représentatifs de ces collectivités.
Mais le problème se situe dans l’augmentation de la période concernée.
Comme indiqué précédemment, quelle que soit la collectivité concernée, la durée de la trêve cyclonique dépend d’une intervention préfectorale, afin de pouvoir fixer la période de sursis à exécution des mesures d’expulsions locatives dans l’année.
Des arrêtés ont été pris en Guadeloupe, à Saint Martin et Saint Barthélémy [3], en Martinique [4], en Guyane [5], et à la Réunion [6].
Or, en raison de l’imprécision du texte de loi voté, le rajout d’une période de quatre mois vient apporter une pierre à un édifice qui n’existe pas : comment rajouter une période de quatre mois à une trêve dont la temporalité n’est pas elle-même fixée par les textes ?
C’est au préfet de chaque DOM-COM que revient la mission d’établir, conformément à l’article L611-1 du CPCE, la période pendant laquelle la trêve est en vigueur.
Ces arrêtés ont déjà été pris, et sont pour la plupart, plutôt anciens.
A ce jour, en application de l’ordonnance N°2020-331 du 25 mars 2020, aucun arrêté préfectoral n’est venu étendre la trêve cyclonique dans un quelconque territoire ultramarin.
Il était donc possible, et il l’est toujours, de procéder à des mesures d’expulsion, malgré le confinement et les restrictions de circulation.
Espérons que ce nouveau texte de loi incitera les préfets à prendre des mesures pour que les citoyens ultramarins bénéficient des mêmes protections que ceux de la métropole.