Introduction de Françoise Housty, Présidente de Daccord-Médiation.
« Le débat dans tous ses états : facilitons le dialogue… dans le désaccord » est le thème retenu pour cette saison 2022 de la Semaine de la Médiation. D’actualités en questionnements ainsi va cette semaine pour Daccord-Médiation.
La médiation a mis beaucoup de temps à émerger dans le débat public et semble tout-à-coup devenir incontournable, y compris en matière judiciaire. Comme si, en ces temps troublés, la recherche de l’harmonie promise dans une résolution à l’amiable des différends, avait valeur d’injonction. Au risque de faire peser sur le médiateur une responsabilité encore plus grande lui enjoignant de réussir à tout prix. Or, pour être médiateur, on n’en est pas moins homme/femme.Ainsi va le débat et le conflit en miroir : « Par le dialogue connais- toi toi-même » pour donner le meilleur de toi-même. Suivant en cela Socrate, Le médiateur ici se balade au fond des bois.
Ce siècle avait 22 ans et ne se différenciait pas vraiment des précédents ; guerres, épidémies et chaos s’enchaînaient et/ou cohabitaient où que l’on se tournât.
Arthur X, médiateur de son état, était bien placé pour le savoir lui qui, mû par le désir d’apporter sa pierre à l’édification d’une société apaisée, sereine et bienveillante, avait éprouvé le besoin de « se ressourcer » [1] au contact des arbres de la forêt de Fontainebleau.
Il ressentait le besoin de faire le point « ici et maintenant ».
Ayant suivi une formation censée structurer ses désirs pacifistes, il dessinait mentalement une roue de Fiutak sur laquelle il butait au niveau de la case « comment ».
Le « quoi » qu’il avait identifié comme son mal-être, renvoyait à une liste à la Prévert des causes pouvant être évoquées dans le « pourquoi ». Parmi celles-ci, on pouvait retenir sa frustration quant au « taux de réussite » des médiations qu’il avait menées jusqu’ici.
Il soupçonnait cependant nombre de ses confrères de prendre rapidement pour acquis des accords ponctuels qui ne résisteraient pas à l’épreuve du temps. Il aurait d’ailleurs souhaité des statistiques « à froid » (un an ? deux ans plus tard ?).
La réflexion le fit sourire.
En règle générale, la temporalité n’était pas celle des statistiques. Peut-être avait-il vraiment aidé « ses » médiés sur le long terme et évité que les choses empirent entre eux.
Cependant, décidé à suivre son analyse jusqu’au bout, il s’interdit de réfléchir déjà au « comment ».
Et si son mal-être venait aussi d’un manque de reconnaissance (de la part de ses pairs, des médiés eux-mêmes et de leurs conseils, de sa famille…) ?
La société tout entière encourageait une certaine confusion ne serait-ce que quant à la définition de son métier. Être confondu avec un médiateur culturel par exemple, du style de celui qui vous livre une explication (sujette à caution) face à une œuvre d’art contemporain parfaitement absconse.
Ou, assimilé à un « médiateur-maison » payé par une entreprise revendiquant la qualité de sa RSE…
S’il était honnête avec lui-même, ne devrait-il pas reconnaître qu’il aurait aimé que « ça se sache », que les médiés le traitent comme un saint laïque, qu’il soit un exemple pour ses enfants ?… D’ailleurs, y a-t-il des super-héros anonymes ?
Las !, la définition même du médiateur lui intimait l’ordre de la boucler et de faire profil bas.
Dans sa conduite des médiations, il s’était toujours astreint à respecter à la lettre les principes imposés :
indépendance : facile, un état de fait ;
neutralité : plus compliqué, il lui était toujours aussi difficile de ne pas trouver qu’un des médiés avait plus raison que l’autre…
Il avait cependant appris à contrôler ses émotions et était parvenu à afficher une parfaite neutralité ;
impartialité : découlant logiquement de ce qui précède, l’impartialité s’avérait la plus difficile à respecter. Car, d’autant plus qu’il avançait masqué, il aurait facilement pu influencer la discussion. Bien entendu, à l’insu de son plein gré, mais en colorant d’un adjectif pertinent une reformulation au plus près de l’idée de base et faisant ainsi subrepticement dévier le cours du discours. En même temps, il était parfois difficile d’instaurer un dialogue lorsque la discussion se résumait à la confrontation de deux monologues ;
la confidentialité : facile et difficile car, autant les médiés disent peu ou prou la même chose en fonction de situations parfois stéréotypées, peuvent surgir aussi des histoires drôles (pour l’oreille de celui qui écoute), voire croustillantes ;… on aimerait bien s’en servir dans les conversations entre amis… Mais là aussi, le challenge est gérable.
Perdu dans ses pensées, Arthur X. ne s’était pas rendu compte du chemin qu’il avait parcouru.
Sa montre connectée lui indiqua cependant qu’il avait marché le nombre de pas recommandé par l’OMS et que le chemin du retour serait un bonus quant à son espérance de vie (à condition de manger 5 fruits et légumes par jour).
Il s’assit alors sur une souche, respirant l’odeur apaisante des sous-bois.
A ce stade de ses réflexions, il décida de s’atteler au « comment ». Comment renouer avec ses ambitions passées ? Comment être « une bonne personne », à laquelle on fait instinctivement confiance, en un mot être « aimé » ?
Il s’offrit le plaisir d’être créatif avant d’envisager, consciencieusement, le « comment vraiment » : Comment vraiment devenir le médiateur le plus reconnu de la place, voire de la région. Trop de concurrents (certains à l’ego sur-dimensionné, donc capables de coups-bas).
Comment vraiment écrire « Le » Livre enseigné dans toutes les universités. Travail de recherche trop important et puis, ce pourrait se résumer à paraphraser.
Comment vraiment devenir Ministre de la Justice. Difficile quand on n’a jamais fait de politique autrement qu’en votant scrupuleusement à chaque élection.
Est-ce le crépuscule qui tombait, l’humidité qui montait ?
Toujours est-il que la solution lui apparut de façon fulgurante.
Il voulait prouver aux siens qu’il n’était plus le doux rêveur de sa jeunesse et, en cela, il avait tout faux.
C’était parce qu’il avait su le rester qu’il avait atteint la maturité !
Adepte de Gandhi, des Bisounours, du roseau de la fable…
Dans un monde de guerres, terrorisme, changement climatique, voisins du dessus, belle-famille, il avait su garder la foi en un monde meilleur, dont il n’était certes qu’une microscopique partie, mais de celles qui font faire de grands pas à l’humanité.
Fort de cette certitude, il put signer un accord avec lui-même.