De l’importance du respect des obligations d’affichage et de dépôt du règlement intérieur pour lutter contre l’alcoolémie au travail.

Par Sandrine Plé, Avocat.

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L’alcool au travail est un problème auquel les employeurs sont régulièrement confrontés.
Que ce soit le cas du salarié qui consomme de l’alcool sur son lieu de travail ou qui arrive sur son lieu de travail en état d’imprégnation alcoolique, la responsabilité de l’employeur demeure identique : l’article L.4211-1 du Code du travail impose à l’employeur d’agir afin de préserver la santé, physique et mentale, la sécurité tant du salarié que des collègues de travail mais aussi, lorsqu’il est question d’accueil de clientèle, de public, l’image de marque de l’établissement.

Quels sont les moyens dont peut disposer l’employeur pour lutter contre l’alcoolisme au travail ?

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Préalablement, il convient de rappeler les dispositions du Code du travail relatives à l’alcool.
En effet, l’article R.4228-20 du Code du travail précise qu’aucune boisson alcoolisée n’est autorisée sur le lieu de travail exceptés le vin, la bière, le cidre et le poiré.
L’article R.4228-21 du Code du travail quant à lui interdit de laisser entrer ou séjourner sur le lieu de travail des personnes en état d’ivresse.

Ces règles légales et réglementaires rappelées, l’employeur possède un outil juridique pour un moyen d’action : le règlement intérieur dans lequel il est possible de prévoir le recours à l’alcootest.

En effet, le règlement intérieur a pour vocation de fixer les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise.

Il est donc possible de prévoir dans le règlement intérieur, le recours à l’alcootest pour confirmer l’état d’ébriété.

Cependant, attention : d’une part, il n’est pas possible de recourir à ce test de façon systématique et, d’autre part, ce recours doit être assorti de garde-fous afin que le salarié soit assuré de garanties car l’employeur ne saurait s’en servir pour permettre de constater une éventuelle faute disciplinaire, ainsi que l’avait indiqué la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2002.

Le salarié doit pouvoir exiger la présence d’un tiers (pas obligatoirement un représentant du personnel) et pouvoir demander une contre-expertise.

Dès lors, en cas de contestation de la part d’un salarié d’une sanction disciplinaire ou même d’un licenciement au motif que le test d’alcoolémie s’était révélé positif, les juges vérifieront si ce recours était prévu dans le règlement intérieur, assorti de garanties pour le salarié et que la nature du travail confié au salarié était de nature à exposer les personnes et les biens à un danger.

Encore faut-il ne pas avoir failli dans les obligations d’affichage et de dépôt du règlement intérieur !

C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 4 novembre 2015.

L’article L.1321-4 du Code du travail précise que le règlement intérieur n’entre en vigueur qu’un mois après que l’employeur se soit acquitté des formalités d’affichage et de dépôt au greffe du Conseil de Prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement.
Si l’employeur est dans l’incapacité de démontrer avoir accompli toutes ces formalités, le contrôle d’alcoolémie est inopposable au salarié.

La conséquence est lourde pour l’entreprise : le licenciement pour faute grave d’un salarié, dont le test d’alcoolémie était positif et nécessitait de faire cesser immédiatement une situation dangereuse, sera dénué de cause réelle et sérieuse entraînant le versement de dommages et intérêts au salarié outre une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

En l’espèce, l’employeur avait bien communiqué le règlement intérieur en deux exemplaires à l’inspection du travail mais avait omis, une fois la décision de l’inspection du travail notifiée à ce dernier, de procéder à son dépôt au greffe du Conseil de Prud’hommes (article R.1321-2 du Code du travail).

Une omission qui coûte chère !

Et, il n’est pas possible d’édicter, via le règlement intérieur, une interdiction générale et absolue d’introduire et de consommer sur le lieu de travail les boissons alcoolisées par le Code du travail, sauf à titre exceptionnel et à condition de justifier « d’éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque » (Conseil d’Etat du 12 novembre 2012).

En conclusion, le règlement intérieur est votre allié mais dans le respect des règles légales, réglementaires et jurisprudentielles.

Sandrine PLE
Avocat en droit social

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