L’impact de la révolution numérique sur la profession d’avocat.

Anas Segame
Juriste en Droit des affaires

Ce que vous allez lire ici :

Cet article traite de l'évolution de la profession d'avocat depuis l'Antiquité et met en évidence son adaptation à la révolution numérique actuelle. Il souligne les répercussions de la numérisation de la justice sur le fonctionnement judiciaire et met en évidence les défis auxquels la profession est confrontée. Il aborde également la naissance d'un nouveau droit lié aux nouvelles technologies et l'accès illimité à l'information juridique.
Description rédigée par l'IA du Village

L’avocature. Cette profession ancestrale, témoin de nombreuses civilisations et bouleversements diachroniques, assiste aujourd’hui à la transition vers l’ère de l’informatisation de la société et de la dématérialisation que connaît le monde depuis plusieurs décennies. Cette transition pourrait aisément être qualifiée de révolution dans la mesure où multiples disciplines, jusqu’alors inexistantes, y virent le jour mais aussi où plusieurs disciplines connurent malencontreusement leur fin. Si l’avocature a pu connaître, au fil des siècles et à maintes reprises, des révolutions et a pu prospérer malgré l’avènement d’innombrables péripéties tumultueuses, cela ne s’est pas produit par un concours hasardeux de circonstances. Parce que toute révolution implique, par nature, de repenser les équilibres et que tout équilibre suppose l’existence de deux mesures, l’avocature a toujours fait le choix de se rallier à la juste mesure, la mesure qui soutiendrait la juste cause, la mesure porteuse de vérité.

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Nous sommes en Grèce antique, où la profession d’avocat telle que connue aujourd’hui n’a pas encore vu le jour. Bien qu’elle n’existait pas à proprement dit à cette époque, l’avocature, exercée sous différentes formes, fût longtemps considérée comme l’apanage des plus grands orateurs et logographes qui avaient pour sacerdoce de rédiger des discours en faveur des accusés destinés à se présenter en justice, discours que ces derniers prononçaient en audience étant donné que le Code Salon (591 av. J.-C.) contraignait les mis en cause à assurer leur propre défense [1].

Sous l’ère romaine, l’avocature connût une notable progression puisqu’il était désormais permis à la plèbe de s’appuyer sur l’assistance et d’être défendu par un patricien devant la Cour ou encore de solliciter leur conseil - cette période connut dès lors la naissance du patronus causarum ou encore de l’advocatus. De par son statut honorable, le patronus n’acceptait aucune contrepartie ou honoraire en échange de ses services, alors même que cela n’était guère considéré inopportun, par souci de détourner l’essence de la défense à savoir le triomphe de la vérité, ambition qui lui valu d’ailleurs l’estime de tous.

L’on ne pouvait dire de même pour l’advocatus, qui faisait de la défense un moyen de subsistance, s’attirant ainsi les foudres de la population qui, par rapprochement au patronus, qualifiait une telle pratique d’abjecte [2] et conséquemment, la loi de la tribune Marcus Cincius Alimentus ou Lex Cincia fut adoptée (204 av. J.-C.) dans le but de proscrire à l’advocatus de percevoir des indemnités en contrepartie de ses services. Ce n’est qu’après, sous l’empire romain, que cette restriction fût levée et que les services de l’advocatus furent reconnus à leur juste valeur, reconnaissance qui projeta la pratique professionnelle de l’avocature au titre de vocation honorable se substituant, de ce fait, progressivement au patronus dans l’exercice de sa fonction.

Et c’est de la sorte que l’advocatus talonna le Droit dans toutes les contrées où cette matière a voyagé, que la conception d’une organisation de la profession naquit, s’expliquant aussi bien par la prolifération et la mutation du Droit qui devint de plus en plus complexe et de ce fait, intelligible aux seuls professionnels de la discipline mais aussi par l’affranchissement de cette discipline des mains ecclésiastiques qui, pendant de nombreux siècles, en avaient fait une science exclusive.

L’intérêt de cet exorde historique sur la profession n’est autre que d’illustrer le parcours évolutif que celle-ci a connu : de la rédaction à la soutenance d’un plaidoyer et d’un concours gracieux à la professionnalisation de la défense. L’avocature se présente dès lors comme une discipline changeante qui, bien que son exercice demeure implacablement lié à des traditions et valeurs séculaires, continue de se mouvoir en intégrant dans son domaine de compétence une panoplie de prérogatives - telles que la rédaction des actes ou encore la représentation devant les différentes administrations publiques - sans pour autant faire fi de l’essence de la profession qui s’inscrit immuablement dans l’esprit de la défense.

Cette profession ancestrale, témoin de nombreuses civilisations et bouleversements diachroniques, assiste aujourd’hui à la transition vers l’ère de l’informatisation de la société et de la dématérialisation que connaît le monde depuis plusieurs décennies. Cette transition pourrait aisément être qualifiée de révolution dans la mesure où multiples disciplines, jusqu’alors inexistantes, y virent le jour mais aussi où plusieurs disciplines connurent malencontreusement leur fin. Si l’avocature a pu connaître, au fil des siècles et à maintes reprises, des révolutions et a pu prospérer malgré l’avènement d’innombrables péripéties tumultueuses, cela ne s’est pas produit par un concours hasardeux de circonstances. Parce que toute révolution implique, par nature, de repenser les équilibres et que tout équilibre suppose l’existence de deux mesures, l’avocature a toujours fait le choix de se rallier à la juste mesure, la mesure qui soutiendrait la juste cause, la mesure porteuse de vérité.

La révolution numérique ne fait pas l’exception. Pour certains, cette révolution représente une réelle expression de liberté. Pour d’autres, le phénomène de la numérisation a dématérialisé l’essentiel du comportement humain. Certains, adoptant une position ambivalente, reconnaissent la création d’une nouvelle expression de liberté tout en soulignant le caractère accru de la surveillance auquel l’individu pourrait être sujet. In fine, le constat est le même. La révolution numérique est là, et il sera d’ordre capital à la pérennité de l’avocature de correctement l’appréhender dans le but de perpétuer cette éminente tradition reposant sur l’exercice de la défense et la délivrance de la vérité.

« L’homme est aujourd’hui tellement fasciné par le kaléidoscope des techniques qui envahissent son univers qu’il ne sait et ne peut vouloir rien d’autre que de s’y adapter complètement » [3].

Pour ce faire, il conviendra de déterminer l’impact majeur de la révolution numérique sur l’exercice de la profession d’avocat en évaluant, de prime abord, les répercussions que celle-ci pourrait engendrer sur le fonctionnement de la justice (I) puis de relever, par la suite, les défis qu’implique une telle effervescence du numérique (II).

I - La profession d’avocat à l’épreuve de la numérisation de la justice.

La numérisation de la justice a, depuis plusieurs années, alimenté les débats au sein des différents acteurs intervenant dans le procédé de rendu des décisions de justice - l’on se réfère dans ce cas à la notion de « justice numérique ».

La justice numérique appliquée à la justice étatique présenterait, dès lors, un nombre important d’avantages permettant de pallier les différentes difficultés et insuffisances pendant longtemps reprochées au mécanisme par lequel fonctionne le système judiciaire - telles que celles se rapportant aux coûts et à la durée du procès ou encore à la complexité in concreto des procédures.

La justice numérique s’est vue également projetée au niveau des modes alternatifs de résolution des conflits (Alternative Dispute Resolution) - constitués par le triptyque habituel de la négociation/ la médiation/conciliation et l’arbitrage - donnant ainsi naissance aux modes alternatifs de résolution des conflits en ligne (Online Dispute Resolution) et par la même occasion a d’abondantes possibilités de modélisation de la résolution d’un conflit.

Que ce soit en matière de numérisation de la justice étatique ou en matière de résolution de conflits en ligne, l’avocature se tient devant des risques de taille - la première adoption pouvant compromettre le respect des droits de la défense autour desquels s’articulent la mission de l’avocat (A) et la seconde pouvant excéder le domaine de compétence de l’avocat (B).

A - Les droits de la défense à l’épreuve de la numérisation des tribunaux.

L’objectif poursuivi par la numérisation des tribunaux étatiques ne peut être que salutaire dans la mesure où la mutation vers le numérique permettra de faciliter l’accès à la justice notamment par le biais de dépôt de requêtes et par l’accomplissement des différentes formalités procédurales en ligne - attribut qui dispensera l’avocat des contraintes liées à sa présence physique au sein des tribunaux. De même, ce procédé numérique conduira, ipso facto, à une simplification des procédures et conséquemment à l’aboutissement à une célérité de la justice - pari auparavant difficilement plausible compte tenu de l’encombrement que connaissent les tribunaux étatiques.

Toutefois, cette numérisation ne doit aucunement se faire en dépit des droits et libertés fondamentaux constitutionnellement garantis aux justiciables et particulièrement ceux se rapportant au respect des droits de la défense. L’avocat s’érige, dans un tel contexte, en tant que garantie première au respect des droits de la défense car si les juges ont effectivement pour devoir de veiller, à toute étape de la procédure, sur l’observation de ces droits, il n’en demeure pas moins qu’en l’absence du défenseur à la robe noire pour soulever les irrégularités et provoquer la nullité de la procédure, il serait presque difficile de concevoir une observation infaillible des droits de la défense.

Ceci dit, l’idéal auquel aspirent les partisans de la justice numérique voudrait que la justice se transforme en plateforme dématérialisée où les procédures numériques se substitueront aux procédures écrites - par abandon du papier au profit de l’image - et aux procédures orales - par introduction du son aux dépens de l’oralité - et où les audiences se dérouleraient par système de visioconférence et les décisions prononcées au moyen d’une justice dite prédictive. N’est-ce pas là la parfaite combinaison de tout ce qui pourrait être réducteur pour un avocat pour qui le prétoire est, depuis la nuit des temps, lieu où a toujours retenti sa parole - parole qui permit de bouleverser moulte fois l’issue « inéluctable » d’un procès.

Assurément, la parole et, de facto, l’ultime atout de l’avocat qu’est l’art de la plaidoirie succomberaient face à une telle conception de la numérisation de la justice. Si l’avocat peut toujours plaider la cause de son client en audience virtuelle, une telle pratique ne saurait s’élever au rang de plaidoirie mais seulement à celui de « monologue » dans la mesure où celle-ci n’est pas uniquement juridique, mais revêt également une dimension émotionnelle. Cette association de mots, d’expression gestuelle et de regard porté à la détresse du justiciable et à la conscience du juge permet la perception des enjeux humains en présence et de conscientiser la gravité ou la légèreté de la situation à l’appui de la discrétion du juge - il ne suffit pas d’entendre une plaidoirie mais il faut la vivre. Le jour où la justice ne fera plus part d’irrationalité dans le rendu de ses décisions de justice est le jour où le ministère d’avocat ne sera que superfétatoire, étant donné que la justice ne se fera plus que sur la base d’algorithmes destinés à prédire l’issue du litige et par suite logique des choses, il n’y aura plus besoin de juges non plus.

Dans un souci de sauvegarde d’une justice humaine, il peut être envisagé de paramétrer l’utilisation des procédés numériques selon la nature de la procédure entreprise mais aussi selon la matière sujette à la numérisation.

En matière de procédure civile, une numérisation intégrale des procédures non-contradictoires, notamment celles relatives aux ordonnances sur requêtes et aux injonctions de payer, ne compromettrait pas - en théorie - le droit des justiciables à un procès équitable. En revanche, en ce qui concerne les procédures contradictoires, il sera primordial de tempérer l’utilisation des procédés numériques - la confrontation des parties au procès l’impose. De ce fait, il serait judicieux de maintenir le dépôt des requêtes et mémoires sur la plateforme conçue à cet effet, sans préjudice au droit des parties à faire valoir leur droit à une audience physique - appelé aussi principe de présence - auquel le juge devra donner suite une fois l’application de ce droit requis par l’une des parties au procès. Les mesures d’instruction ordonnées par le juge dans le but d’éclairer sa religion devront, pour leur part, se soumettre impérativement à la présence physique des parties par respect du principe du contradictoire - sous peine de nullité de la mesure ordonnée.

En matière de procédure pénale, l’utilisation des moyens numériques devra d’être minimale et strictement limitée à la numérisation des tâches à faible valeur ajoutée étant donné la gravité des enjeux justifiée par les peines privatives et restrictives de liberté pouvant être prononcées à l’issue du procès pénal. La tenue des audiences devra toujours se faire en la présence physique des intervenants au procès, à moins qu’un motif majeur ne dispense d’une telle tenue, le cas échéant, une mobilisation de tous les moyens et dispositifs devra être engagée dans un souci de garantir - au plus haut degré - le droit à un procès équitable et le droit au respect des droits de la défense.

En définitive, la réussite du chantier immense qu’est la numérisation des tribunaux dépendra, de ce fait, de la capacité des différents moyens techniques et technologiques mis en œuvre à garantir au maximum - si ce n’est à l’absolu - le droit des justiciables à un procès équitable qui ne peut se faire que par le respect des droits de la défense dont l’avocat en est l’intraitable gardien.

B - La profession d’avocat face à l’essor de l’Online Dispute Resolution.

La mutation vers l’ère du numérique a provoqué une énorme transformation du modèle économique mondial interférant aussi bien dans les rapports économiques que dans les conditions d’échanges du marché. Cette mutation a permis à de nombreux opérateurs de s’ouvrir à de nouveaux horizons et de conquérir de nouveaux marchés à l’échelle mondiale impliquant, chemin faisant, la conclusion d’un nombre important de transactions commerciales internationales. Ce phénomène, combiné à la progression que connaissent les modes alternatifs de résolution des conflits dans le monde des affaires, provoqua la naissance des modes alternatifs de résolution des conflits en ligne qui se présentent comme des procédures extrajudiciaires - un modus operandi innovatif - capables de répondre aux exigences du monde moderne des affaires.

Les avantages que présentent les modes alternatifs pratiqués en ligne seraient les mêmes que ceux des modes alternatifs habituels à savoir : la célérité, la technicité, la disponibilité, la confidentialité,… en plus d’être plus adaptés aux litiges dans lesquels les parties refuseraient - par animosité ou tout autre motif - de se trouver dans un même endroit pour la résolution du litige ou encore en présence de contraintes liées à l’emplacement géographique des parties.

L’on remarque tout de suite que les ODR impliquent les mêmes risques que ceux inhérents à la numérisation des tribunaux étatiques, à savoir les risques pesant sur le respect des droits de la défense des litigants - compte tenu de la distance inhibitrice qui sépare les parties. Le risque est encore plus grand compte tenu du fait que la présence de l’avocat comme neutral third-party ou en matière de représentation/assistance n’est nullement requise.

Toutefois, la profession d’avocat a su se projeter comme pionnière en la matière, aussi bien par la rédaction de règlements - appliqués en matière institutionnelle - ou encore de conventions ad hoc - aussi complexes soient-elles - que par son implication dans le déroulement de la procédure tantôt en tant que professionnel désigné pour mettre fin ou faciliter la résolution du litige, tantôt pour représenter ou porter assistance à l’une des parties au litige.

Parmi les défis que devra relever la profession, afin de maintenir sa position actuelle dans le domaine des ADR, est celui de s’inscrire dans une optique de maîtrise des outils numériques pouvant être mis en œuvre lors des déroulements des procédures ODR, tout en veillant au respect des droits des litigants et aux garanties fournies par de telles procédures. Mener à bien une procédure ODR nécessite, de prime abord, la maîtrise des différentes aspects pre-intra-post Dispute dans la mesure où les formalités et procédures demeurent similaires ou, du moins quasiment, à celles relatives aux ADR. Puis, il sera nécessaire de maîtriser les différents moyens technologiques pouvant être employés à cette fin. Le triptyque habituel après incorporation des outils numériques et technologiques se présenterait dès lors comme suit :

- La négociation en ligne.

La négociation peut être définie comme une forme de communication où les parties ayant des intérêts opposés envisagent la possibilité d’entreprendre une action conjointe dans le but de concilier les intérêts en question. Les parties peuvent convenir de recourir à la négociation avant la naissance d’un conflit comme il peut être fait recours à cette pratique afin de mettre fin à un différend existant [4].

Dans un contexte ODR, la négociation aura lieu le plus souvent sur une plateforme électronique prévue à cet effet où seules les parties au litige seront impliquées dans un premier temps. Il demeure toutefois possible aux parties de recourir aux conseils de leurs avocats avant d’entamer le procédé de négociation.

Après un délai raisonnable et à défaut d’entente, les parties pourront solliciter l’assistance d’un avocat qui, le cas échéant, se présentera en tant que facilitateur et aura pour principale mission de communiquer avec les litigants dans le but de trouver un commun accord. L’avocat en sa qualité de facilitateur devra dès lors maîtriser les outils technologiques fournis par la plateforme ODR afin de mener à bien sa mission.

Notons également qu’il existe des procédés de négociation qui n’impliquent, à aucun stade de la procédure, l’intervention d’un tiers humain tel que le procédé de négociation automatisée où les parties formulent des offres chiffrées de transaction à des logiciels programmés pour comparer les offres respectives des parties et à décider si celles-ci sont suffisamment proches l’une de l’autre. Si c’est le cas, le logiciel informatique procédera à un calcul de la somme moyenne des offres formulées par les parties, calcul qui aboutira à une proposition de transaction extrajudiciaire conséquente [5].

- La médiation en ligne.

La médiation en ligne n’est que la transposition des procédures classiques de médiation. L’avocat - en sa qualité de médiateur sans pouvoir décisionnel - interviendra dans la résolution du litige en communiquant avec les parties par des voies essentiellement électroniques. L’avocat devra manier - dans le but d’élaborer un projet de transaction à présenter aux parties - différents outils technologiques tels que la communication via courriers électroniques et des forums de discussions ou encore par le biais de téléconférences ou visioconférences, et qui permettent d’organiser des discussions bilatérales et triangulaires - voire même l’audition en direct de témoins et d’experts [6].

- L’arbitrage en ligne.

L’arbitrage en ligne - également dénommé arbitrage électronique - peut être défini comme l’intégration des ICT’s (Technologie de l’Information et de la Communication) dans les procédures d’arbitrage se déroulant partiellement ou totalement en ligne. [7]. Cela implique une présentation numérique des requêtes/mémoires et pièces ou autres papiers produits devant le tribunal arbitral, des tenues d’audiences à distance ainsi que le prononcé d’une sentence qui sera - au final - délivrée aux parties sous forme numérique.

L’avocat - désigné en sa qualité d’arbitre - devra, de surcroît à l’observation minutieuse de la procédure arbitrale, manier avec une très grande précaution les moyens technologiques mis à sa disposition car, contrairement à la négociation et à la médiation, l’arbitrage a pour principal objectif de trancher le litige entre les parties par le prononcé d’une sentence arbitrale qui, assortie de l’exequatur, revêtira un caractère contraignant.

De ce fait, l’utilisation des outils numériques devra se faire en considération des principes visant à garantir la tenue d’une procédure équitable et le respect des droits de la défense des parties au litige.

In fine et si contrairement aux Alternative Dispute Resolution, l’utilisation des méthodes Online Dispute Resolution n’est pas encore - à ce jour - de pratique courante, il n’en reste pas moins que la profession d’avocat devra - d’ores et déjà - suivre de très près et s’initier aux procédés de résolution des conflits en ligne étant donné l’essor du commerce électronique, justifiée par la révolution numérique, qui ne fait qu’accroître exponentiellement, impliquant, chemin faisant, la conclusion quotidiennement d’un nombre considérable de transactions électroniques.

II - La profession d’avocat face aux exigences de l’effervescence numérique.

L’impact de la révolution numérique ne s’est pas strictement cantonné à la numérisation de la justice par la mutation et la dématérialisation aujourd’hui plus qu’envisageable des systèmes judiciaires étatiques et des modes alternatifs de résolution des conflits affectant, par la même occasion, l’exercice de la profession d’avocat qui s’inscrit séculairement dans un esprit de proximité et d’entretien de relations « humaines ».

L’impact de cette révolution sur la profession d’avocat s’est également vu ressentir au niveau législatif et ceci, par l’adoption apodictique de lois réglementant les multiples interactions susceptibles d’intervenir dans l’espace numérique (A) comme elle a également instauré de nouvelles exigences à l’exercice de la profession d’avocat (B).

A - La profession d’avocat face à la naissance d’un nouveau Droit.

La révolution numérique a créé un nouveau monde, un monde parallèle : le cyberespace. Et comme tout monde ne peut correctement fonctionner en anarchie, il a fallu l’organiser. Et qu’y a-t-il de meilleur comme instrument pour établir un équilibre dans les rapports que la loi.

Le développement des technologies de l’information a bouleversé la conception classique des relations socio-juridiques comme on avait l’habitude de les définir auparavant - ce qui a nécessité de repenser le paradigme à partir duquel ces relations sont juridiquement perçues. Bien que le domaine d’intervention des normes juridiques soit limité - compte tenu du fait que le cyberespace ignore les frontières - les États se sont efforcés d’adopter une panoplie de lois visant à contenir et à réglementer les interactions ayant lieu dans le cyberespace, donnant naissance de facto à un nouveau Droit.

La profession d’avocat - édifiée sur le socle de la défense des droits et des libertés - se voit ainsi projetée dans la vastité du cyberespace avec pour principaux défis d’appréhender et de suffisamment domestiquer le fonctionnement des processus numériques par lesquelles agissent les interactions et s’opèrent les transactions dans un souci de protection des droits et libertés des personnes et entités impliquées. Pour ce faire, il sera nécessaire de se saisir des normes nationales et internationales instaurées à ces fins, parmi lesquelles il est possible de citer - à titre non-exhaustif :

  • La loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel qui a pour ultime finalité de veiller au respect de la vie privée des personnes conformément à l’alinéa premier de l’article 24 de la Constitution.
  • La loi 53-05 sur l’échange électronique des données juridiques qui - faisant corps avec les dispositions du Dahir des obligations et des contrats - fixe le régime applicable aux données juridiques échangées par voir électronique, à l’équivalence des documents établis sur papier et sur support électronique et à la signature électronique. Cette loi détermine également le cadre juridique applicable aux opérations effectuées par les prestataires de service de certification électronique ainsi que les règles à respecter par ces derniers et par les titulaires des certificats électroniques délivrés.
  • La loi 07-03 complétant le Code pénal en ce qui concerne les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données qui permet de sanctionner toutes les intrusions non autorisées dans un système de traitement automatisé de données.
  • La Convention de Budapest sur la cybercriminalité ratifiée par le Royaume du Maroc en date du 29 mai 2018 et qui représente le premier traité international sur les infractions pénales commises via internet et d’autres réseaux informatiques, traitant en particulier des infractions portant atteinte aux droits d’auteurs, de la fraude liée à l’informatique, de la pornographie enfantine, ainsi que des infractions liées à la sécurité des réseaux.
  • La loi 05.20 relatif à la cybersécurité qui définit principalement les normes et les dispositions de sécurité applicables aux systèmes d’information des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements et entreprises publics ainsi que celles applicables aux infrastructures vitales, aux exploitants de réseaux publics de télécommunications, aux fournisseurs d’accès internet, aux fournisseurs de services de cybersécurité, aux fournisseurs de services numériques et aux éditeurs de plateformes en ligne.

Il est possible d’affirmer que la profession d’avocat fait face à la naissance d’un nouveau Droit, le droit des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), dont l’appréhension sera indispensable à une sereine perpétuation des traditions de la défense, d’autant plus que le contentieux NTIC, c’est-à-dire les litiges directement ou indirectement liés à ces nouvelles technologies, est de plus en plus important en volume et en poids financiers.

B - La profession d’avocat face à la démocratisation de l’information.

À l’ère de la révolution numérique, nul ne peut prétendre détenir la science infuse. La disponibilité de l’information est une réalité qui, à un quart de siècle d’aujourd’hui, n’était qu’un mythe. La numérisation a conduit à une offre considérable - quasiment infinie - d’informations accessibles en tout temps et en tout lieu.

Cet accès illimité à l’information a amélioré les conditions d’exercice de la profession d’avocat dans la mesure où l’information juridique par abondance est à la disposition de tous les avocats qui peuvent désormais consulter les textes de lois - lato sensu - les ouvrages à accès libre, les articles juridiques scientifiques, la jurisprudence publiée ainsi que toute l’actualité juridique et le tout aussi bien au niveau national qu’international.

D’un autre côté, cette disponibilité et accessibilité font que l’information juridique n’est plus l’apanage des professionnels du droit d’où la naissance d’une nouvelle exigence, celle du non-droit à l’erreur. L’information étant disponible, rien ne justifierait la méconnaissance d’une règle de droit, d’une position jurisprudentielle ou encore d’un courant doctrinal. L’on assiste également à l’apparition de « clients » de plus en plus informés et à un renouveau de la relation client-avocat. Ceci n’est guère un lamento mais un constat. D’ailleurs, l’accessibilité à l’information juridique n’est-elle pas en premier lieu destinée aux profanes de la matière ? Le caractère obligatoire et, qui plus est, coercitif de la règle de droit imposent une diffusion et une accessibilité intégrale à l’information - tel est l’esprit du troisième alinéa de l’article 6 de la Constitution qui affirme « les principes de constitutionnalité, de hiérarchie et d’obligation de publication des normes juridiques ». D’autant plus, qu’avec les moyens technologiques actuels, le fameux adage juridique « nul n’est censé ignorer la loi » qui est par nature une présomption - une fiction juridique - irréfragable de connaissance, n’est plus aussi fictif que ça, mais penche a contrario désormais plus vers une obligation de connaissance de la loi.

Si l’information juridique est désormais accessible en tout temps et en tout lieu, à la bonne fortune de tous, il n’en est pas de même en matière d’accessibilité au « savoir » qui demeure - en fin de compte - la propriété d’un professionnel à l’esprit juridique aiguisé.

Anas Segame
Juriste en Droit des affaires

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Notes de l'article:

[1E. W. Timberlake, Jr., Origin and Development of Advocacy as a Profession, Virginia Law Review, 1922, p.25.

[2Mr. Alexander H. Robbins., A treatise on American Advocacy, Leopold Classic Library, 2016, p. 3.

[3Jacques Ellul, Le bluff technologique, Hachette, 1988 ; 2ᵉ édition, 2004.

[4Dispute Prevention and Resolution Services, Department of Justice, Canada https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/csj-sjc/dprs-sprd/res/drrg-mrrc/03.html

[5Thomas Schultz., Online Dispute Resolution (ODR) : Résolution des Litiges et Ius Numericum., Revue interdisciplinaire d’études juridiques., p.157.

[6Thomas Schultz., op. cit, p. 159.

[7Mohamed S. Abdel Wahab., ODR and e-Abritation - Trends & Challenges., p. 402.

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