Génération Avocats engagés et business friendly, c'est possible !

Génération Avocats engagés et business friendly, c’est possible !

Propos recueillis par Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice.

C’est une envie pour bon nombre de travailleurs de donner du sens à leur travail, de faire coïncider leurs valeurs personnelles et engagements sociétaux avec leur vie professionnelle ; quête d’idéal professionnel à laquelle n’échappent pas les juristes. Mais, souvent pour ces derniers, cette volonté se heurte à une réalité économique : il n’est pas toujours possible de gagner sa vie ainsi. Cela est-il pour autant impossible ? Non, bien sûr !
Rencontre avec les avocats Héloïse Aubret et Clément Feulié, deux exemples concrets de l’alliance réussie entre engagement personnel revendiqué et business friendly. Tous deux témoignent qu’il est possible pour les avocats, certes, d’exercer avec passion, mais aussi de transformer l’avocature en métier-passion et de faire de leur engagement un modèle économique viable.

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Héloïse Aubret, Avocat au Barreau de Grasse.

Son leitmotiv : mettre ses compétences, au profit d’une cause d’intérêt général.

Héloïse Aubret (crédit photo. : Arié Botbol).

Le métier d’avocat en droit de l’environnement est-il devenu « bankable » ?

« Je ne sais pas trop, car cela fait déjà 12 ans que je suis avocate. À l’époque où j’ai choisi cette spécialité, il y a donc une quinzaine d’années, ce n’était pas "bankable". On parlait très peu de la crise écologique, et presque pas du réchauffement climatique. Pour illustrer mon propos, en Master 2 nous avions même eu un cours scientifique nous expliquant qu’on pouvait tout faire dire aux données scientifiques... Ceux qui choisissaient le droit de l’environnement étaient un peu vus comme des marginaux, des "protecteurs des abeilles". La mode était de choisir le droit public des affaires (marchés publics, etc). Pour autant, j’ai toujours su que cette image n’était pas réaliste, et que le droit de l’environnement était une matière très sérieuse, au-delà d’être passionnante.

Aujourd’hui, on parle beaucoup plus de protection de l’environnement [1], mais est-ce que cela est devenu bankable d’être avocat en droit de l’environnement, je ne suis pas certaine. Peut-être plus sous l’angle du droit de l’environnement des affaires, où, effectivement, il y a un marché ».

Quel est selon vous l’intérêt d’exercer en droit de l’environnement ?

"Je sais pourquoi je me lève, je sais dans quoi je mets mon énergie : dans des combats qui ont du sens, et de la valeur."

Il est évident, c’est de travailler, de mettre ses compétences, au profit d’une cause d’intérêt général. Je sais pourquoi je me lève, je sais dans quoi je mets mon énergie : dans des combats qui ont du sens, et de la valeur. Je ne me suis pas levée un matin en faisant un tableau des ’"pour" et des "contre" exercer en droit de l’environnement, ce n’est pas un choix rationnel. J’ai aimé cette matière, et je ne me suis pas demandé si c’était stratégique.

Comment cette concordance entre valeurs professionnelles et personnelles vous enrichie-t-elle en tant que personne et en tant que professionnel du Droit ?

« Je crois que j’ai toujours été une personne engagée, aussi loin que je me souvienne. Peut-être à cause de ma sensibilité, je ne supporte pas l’injustice et qu’on porte atteinte aux faibles. Par ailleurs, je m’ennuie vite, j’ai besoin d’être stimulée et d’être vraiment intéressée par ce que je fais.

Ce qui est passionnant dans le métier d’avocat en droit de l’environnement, c’est qu’il y a mille manières de l’exercer.

Je travaille aux côtés des associations de protection de l’environnement, et des particuliers, qui luttent pour contester des projets qui ne respectent pas notre droit à vivre dans un environnement sain. Leur action est capitale, car ils font respecter, mais surtout avancer le droit.

J’apprécie également beaucoup défendre et conseiller les dirigeants qui exploitent une ICPE [2], ceux qui se donnent du mal, qui font de leur mieux, qui créent de l’emploi non délocalisable. Et d’ailleurs, je n’aime pas qu’on oppose les deux, cela n’a aucun sens ».

Quels sont les écueils à éviter pour que le projet professionnel reste viable ?

Nous avons chacun nos forces et faiblesses, il est donc difficile de généraliser. Pour parler de moi, l’écueil majeur est le surmenage. À force de trop vouloir aider, on peut vite s’oublier. Mais ce n’est pas propre au droit de l’environnement évidemment, c’est lié au métier d’avocat. Tous les avocats qui aiment leur métier et qui le vivent avec passion peuvent facilement tomber dans ce "piège".

Selon vous, être une avocat(e) engagée, cela représente-t-il un atout pour vos clients ?

“Mes clients attendent que je m’engage pour leur défense, et pour les conseiller.”

Mes clients attendent que je m’engage pour leur défense, et pour les conseiller au mieux. Ils veulent un avocat impliqué, c’est peut-être plus juste que le terme "engagé". C’est le propre du métier d’avocat, nous ne délivrons pas de conseils standardisés.
La question se pose, à mon avis, dans l’autre sens : c’est moi qui ne peux pas m’engager pour un client si je n’adhère pas à ce qu’il fait. Il y a beaucoup d’intuitu personae dans ce métier.

Clément Feulié, Avocat au Barreau de Paris.

Son leitmotiv : exercer un métier en accord avec ses valeurs et qui permet d’explorer des approches novatrices.

Clément Feulié (crédit photo. : Jean-Nicholas Guillo).

Pensez-vous que le métier d’avocat en droit de l’environnement est devenu « bankable » ? L’évolution de la règlementation (RSE, ESG, protection de la biodiversité, réemploi des matériaux...) favorise-t-elle le développement de ce "marché" du droit pour un avocat ?

« Le droit de l’environnement est, en effet, une matière riche, variée, et en constante évolution. Ce foisonnement réglementaire est parfois complexe à appréhender pour les entreprises et pour les acteurs publics. Cela explique effectivement un besoin croissant de conseil des avocats en droit de l’environnement, qui ne se contentent plus d’expliquer le droit ou de défendre en justice, mais deviennent de réels partenaires d’aide à la décision.

Les avocats en droit de l’environnement deviennent de réels partenaires d’aide à la décision.


À mon sens, ce besoin s’explique aussi par une sensibilité croissante des professionnels de tous les secteurs aux enjeux environnementaux, et par leur volonté d’agir et de contribuer au changement à leur échelle ».

Quel est selon vous l’intérêt d’exercer en droit de l’environnement ?

« La pratique quotidienne du métier me permet d’aborder des sujets passionnants et extrêmement variés : de la prévention des risques industriels, à la gestion de la ressource en eau, en passant par les systèmes de traitement des déchets ou les outils de préservation de la biodiversité. L’interaction avec de nombreux interlocuteurs et la compréhension de leurs besoins est également un atout du métier. Le fait de conseiller et d’orienter les différents acteurs publics et privés, vers des pratiques plus durables, moins impactantes pour les milieux naturels, et d’expliquer leur bénéfice, me conforte aussi dans l’utilité de mon métier ».

Selon vous, être un avocat engagé, cela représente-t-il un atout pour vos clients ?

"La bifurcation écologique de notre société ne peut être opérée qu’en intégrant l’ensemble des acteurs dans cet effort."

« Tout dépend de la façon dont l’avocat environnement aborde son métier, et de la clientèle qu’il souhaite accompagner. Notre cabinet considère que la bifurcation écologique de notre société ne peut être opérée qu’en intégrant l’ensemble des acteurs dans cet effort (entreprises, associations, acteurs publics et citoyens). C’est pourquoi nous avons décidé d’accompagner ces différents acteurs en tenant compte de leurs besoins et de leurs contraintes. C’est le sens de notre engagement et je pense que c’est un atout pour nos clients, car ils partagent ces valeurs ».

Comment cette concordance entre valeurs professionnelles et personnelles vous enrichie-t-elle en tant que personne et en tant que professionnel du Droit ?

« Créer notre cabinet [3] avec mon associé Jérôme Graefe répondait à une véritable quête de sens. Nous aspirions tous les deux à exercer un métier en accord avec nos valeurs et qui nous permettrait d’explorer des approches novatrices, notamment dans les stratégies contentieuses et dans l’usage des nouveaux outils juridiques. Contribuer à des projets à impact positif ou aux incidences environnementales pleinement maîtrisées, notamment dans des secteurs comme l’économie circulaire ou les énergies renouvelables, tout en intégrant les enjeux sociaux et économiques des parties prenantes, est un véritable moteur dans notre pratique ».

Quels sont les écueils à éviter pour que le projet professionnel reste viable ?

« Il est essentiel de trouver un équilibre dans la gestion de son temps de travail, surtout dans un métier-passion où le risque est de se laisser absorber dans le traitement des dossiers. Il me paraît également important de veiller à maîtriser les aspects économiques et organisationnels du cabinet en définissant des honoraires en adéquation avec la charge de travail et la valeur de l’expertise, tout en demeurant adaptés aux capacités de chaque client. Enfin, il est incontournable de se maintenir quotidiennement informé de toutes les évolutions réglementaires et jurisprudentielles pour pouvoir anticiper l’application d’un corpus de plus en plus complexe ».

Propos recueillis par Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice.

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Notes de l'article:

[1Le droit de l’environnement s’est immiscé dans l’action des entreprises. La RSE, les obligations de reporting, de transparence, la CSRD, sont autant d’obligations, ou même parfois d’incitations devenues incontournables, qui ont effectivement favorisé ce marché. Par ailleurs, le droit de l’environnement s’est immiscé dans toutes les branches "classiques" du droit : pénal, civil, administratif...

[2Installation classée pour la protection de l’environnement.

[3Cabinet Écosytème Avocats.

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