Par Claudine Eutedjian, Avocat.

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« Zéro carbone », « neutre en carbone », « 100% compensé »..., les annonceurs vont devoir être vigilants : l’utilisation de l’une de ces mentions dans la publicité est loin d’être anodine et est désormais punie par la loi non seulement si elle est mensongère mais plus précisément si elle ne répond pas aux conditions imposées par les textes.
Deux décrets du 13 avril 2022, publiés au JO du 14 avril, sont venus préciser les modalités d’application de l’article L229-68 Code de l’environnement introduit par la loi Climat et résilience. Elles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023.

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Ainsi, le décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 définit les éléments que devront rendre public les annonceurs pour justifier de l’emploi des termes en relation avec la neutralité carbone pour leurs produits ou services ainsi que les modalités de communication de ces informations (I). Tandis que le décret n° 2022-538 du 13 avril 2022 fixe la procédure applicable pour que le ministère en charge de l’environnement fixe les sanctions en cas de non-respect de ces obligations (II).

I/ les modalités de mise en œuvre de la communication, de la part des annonceurs, des mentions de neutralité carbone des produits et services.

L’article 12 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effet, dite loi « Climat et Résilience » a créé l’article L229-68.-I du Code de l’environnement pour établir l’interdiction d’utiliser l’allégation « neutre en carbone » dans une publicité sans que cette allégation ne soit justifiée : « Il est interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente… », sauf à rendre aisément disponible au public certains éléments.

L’article 12 de la loi « Climat et Résilience » a prévu que : « Un décret fixe les modalités de mise en œuvre du présent article ». C’est l’objet du décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité.

Aux termes de l’article L229-68 du Code de l’environnement, l’annonceur qui souhaite affirmer qu’un produit ou un service est neutre en carbone doit :
- Produire et mettre à jour annuellement un bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné couvrant l’ensemble de son cycle de vie ;
- Publier et mettre à jour annuellement un rapport de synthèse décrivant l’empreinte carbone du produit ou service et la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées ;
- Respecter les principes de réduction et de séquestrations d’émissions issues de projets de compensation qui doivent répondre « aux principes suivants : elles sont mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles », le décret du 13 avril 2022 faisant le lien entre le cadre juridique de l’allégation « neutre en carbone » et le dispositif de l’article L229-55 du Code de l’environnement qui soumet ces projets aux principes précités (article D229-109).

Ces dispositions s’appliquent :
- à la correspondance publicitaire et aux imprimés publicitaires, à l’affichage publicitaire,
- aux publicités figurant dans les publications de presse,
- aux publicités diffusées au cinéma, émises par les services de télévision ou de radiodiffusion et par voie de services de communication en ligne,
- aux allégations apposées sur les emballages des produits, qui affirment qu’un produit ou service est « neutre en carbone », « zéro carbone », « avec une empreinte carbone nulle », « climatiquement neutre », « intégralement compensé », « 100 % compensé » ou emploie toute formulation de signification ou de portée équivalente

Il convient de rappeler que non seulement ces trois conditions sont cumulatives mais encore le décret les définit strictement rendant particulièrement contraignantes les exigences à respecter pour pouvoir procéder à une allégation environnementale relative à la « neutralité carbone » d’un produit ou d’un service. La rédaction finalement retenue de l’article 12 avait abandonné le principe d’un interdiction stricte au profit d’une interdiction assortie de plusieurs conditions de dérogation.

La rédaction du décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 laisse à penser que la lourdeur des conditions à remplir revient, de fait, à l’idée première d’interdiction. En effet, eu égard au coût et à la complexité des informations à rendre accessibles, l’allégation environnementale devrait s’avérer de pas être un argument de vente suffisamment rentable pour que les annonceurs prennent le risque de l’utiliser, notamment si l’on tient compte du risque juridique que fait peser la complexité des conditions de dérogations.

II/ le régime de sanctions applicables en cas de méconnaissance des dispositions relatives aux allégations de neutralité carbone dans la publicité.

Le décret n°2022-538 du 13 avril 2022 vient compléter le dispositif en introduisant dans le Code de l’environnement un article R229-110 qui détaille la procédure de sanction.

En application de l’article L229-69, le ministre chargé de l’environnement peut sanctionner le non-respect de l’interdiction et le manquement aux obligations prévues à l’article L229-68. La procédure se déroule en 3 étapes :
1) Envoi d’un courrier à l’annonceur lui précisant qu’il dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de ce courrier pour présenter par écrit ses observations sur les griefs formulés à son encontre
2) Mise en demeure adressée par le ministre chargé de l’environnement de se conformer à ces obligations dans un délai qu’il détermine. La mise en demeure peut être rendue publique
3) A défaut de mise en conformité dans le délai accordé, l’annonceur est sanctionné par le paiement de l’amende prévue à l’article L229-69 qui peut aller jusqu’à 100 000 euros pour une entreprise.

Reste à savoir si les sanctions prévue, théoriquement dissuasives, seront appliquées scrupuleusement et les contrevenants effectivement poursuivis...

Claudine Eutedjian
Avocat à la Cour
Docteur en Droit

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