L'écosystème de la Legaltech se réunit autour du projet Legal Data Space.

L’écosystème de la Legaltech se réunit autour du projet Legal Data Space.

Christophe ALBERT
Rédaction du Village de la justice

38 lectures 1re Parution: Modifié:

Environ 70 acteurs de la Legaltech et des technologies étaient réunis début mars à Paris pour une présentation officielle du projet "Legal Data Space". Il y manquait bien quelques acteurs importants de l’information juridique, mais quand 70 acteurs de la Tech et Legaltech et représentants des avocats (le CNB) et des juristes (l’AFJE) sont présents et écoutent attentivement pendant 2 heures la présentation d’un projet quand même assez technique et innovant... c’est qu’il se passe quelque chose.

-

2 heures de présentation dynamique et claire ont permis de dérouler le tapis rouge à un projet structurant pour les acteurs du Droit, qu’ils soient professionnels du droit ou entreprises de la Legaltech ou de l’information juridique.

Il s’agit de créer un "Data space" spécialisé en droit, un espace d’échange (et non de stockage, écartons immédiatement cet aspect) de l’information juridique ouvert à tous, avec une gouvernance coopérative et des règles d’autorisation des utilisations de l’information et de rétribution des auteurs / émetteurs. Un "Legal Data Space" donc, qui permettra à tous ceux qui ont besoin d’information juridique (éditeurs juridiques, solutions technologiques, professionnels du droit... et IA européennes) de "se brancher" sur un écosystème coopératif.

Les enjeux sont multiples, probablement vertueux, mais on peut mettre en avant pour commencer, une réponse à un enjeu de souveraineté des règles d’utilisation de la donnée juridique (et non pas de création de la donnée et de son stockage, ce qui est différent), pour permettre à l’Europe, ses pays et acteurs privés ou publics membres, d’augmenter leur indépendance [1] : si on a jusqu’ici beaucoup donné d’information aux IA américaines et asiatiques pour les entrainer et pour qu’elles s’améliorent, puis nous vendent leurs solutions, il s’agit ici de s’assurer pour demain d’une souveraineté technologique européenne, mais aussi d’une souveraineté de la filière juridique (pour ne pas être uniquement liés aux "GAFAM", grands acteurs internationaux de la tech, très actifs dans l’IA) et enfin d’une souveraineté culturelle (un enjeu pour notre marché du droit, qui défend un droit civiliste face à la common law.)

On peut donc résumer l’objectif premier, comme l’a fait lors de la présentation l’un des porteurs du projet, Thomas Saint Aubin, à "ne pas se plier aux pratiques d’une IA et une donnée « powered by GAFAM » ". Ceci non sans arrières pensées économiques, puisque le but est de créer une plate-forme rémunératrice pour ceux qui ont de l’information à partager. Le contrôle des usages de l’information, s’il permettra de conserver "ici" notre patrimoine juridique et de définir des règles, permettra aussi de créer de la valeur pour les participants.

Le projet "Legal Data Space" est donc lancé, et montera en puissance en 4 tranches de 9 mois, chaque tranche ayant ses objectifs ambitieux, notamment technologiques et d’inclusion de participants.
Il y aura lors de ces phases des obstacles à lever (mais le "DLS" - Data Legal Space - a pour but justement de lever de nombreux verrous existants aujourd’hui), un financement qui progressivement montera en puissance et des modèles économiques à confirmer (mais ce point est déjà bien avancé, avec un principe de Legal token qui servira de monnaie d’échange producteurs <-> consommateurs).
L’intérêt et le soutien d’acteurs concurrents entre eux (en quête de prise de marchés face à d’autres éditeurs internationaux installés), acteurs technologiquement avancés, montre le potentiel du projet.

Le Legal Data Space porte bien d’autres enjeux, citons par exemple l’idée qu’à court terme, selon Martin Bussy (autre co-porteur du projet, qui a travaillé récemment sur l’économie du projet), "les possesseurs de « données business » vont rencontrer les mêmes sujets que ceux de la donnée personnelle", que l’on avait autrefois donné sans contre-partie (avant le RGPD, souvenez-vous !) : très bientôt cette données sera aussi protégée et monnayée aux IA.

Un data space est un espace numérique d’échanges régulés. Les producteurs d’information proposent des données (textes de loi, doctrine, analyses, jurisprudence, informations diverses) ; des organisations s’y connectent pour accéder à cette grande quantité de données, ainsi qu’à des services d’IA, comme des Agents IA pour automatiser des traitements. Tout se fait en respectant des règles strictes de gouvernance. Chacun décide qui a le droit d’accéder à ses données ou services, sous quelles conditions et à quel prix. En aucun cas la donnée n’est stockée ailleurs que chez le producteur (ce qui fait la différence avec un "data lake") qui fournit donc une donnée à jour.

Les porteurs du projet mettent en avant que cela participe à proposer des "communs de la données juridique" (ici ces communs ne sont pas gratuits a priori [2], mais simplement gérés par une gouvernance vertueuse... enfin tant que les propriétaires de la donnée la mette à disposition dans cet "espace de partage" avec des droits et conditions d’utilisation raisonnable.

Enfin, citons un autre aspect très intéressant du projet : la concentration d’information juridique facilitera grandement la mise en place d’ "Agents IA", ces outils d’automatisation qui permettront d’exécuter des tâches successives et conditionnelles, agents qui sont extrêmement efficaces si toute la donnée est accessible. Les agents IA sont ce qui fera augmenter la valeur de l’IA à court terme, comme tout outil d’automatisation crée une valeur (l’accélération ou la simplicité, par exemple).

Parmi les Partenaires déjà déclarés...

Ne concluons pas sans parler de la gouvernance : c’est l’association Droit.org, déjà existante et qui a depuis 20 ans largement innové, qui orchestrera les règles d’usage de l’outil, porté par une autre structure technique, Legal-X, sur laquelle se "brancheront" les fournisseurs d’information et les utilisateurs intéressés.

Quelques exemples de cas d’usage du Legal Data Space feront l’objet d’un prochain article… À suivre !

Christophe ALBERT
Rédaction du Village de la justice

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

0 vote

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Pour le moment le projet présenté ici est trop franco-français pour revendiquer cette dimension internationale, mais son chemin ne fait que commencer.

[2Mais rien n’empêche qu’ils le soient.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 100 membres, 27553 articles, 127 205 messages sur les forums, 2 660 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 8 mars et femmes de droit : allez, on avance ?

• Assemblées Générales : les solutions 2025.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs