Dissolution de l’Assemblée nationale : sixième épisode dans le cadre de la Vᵉ République.

Par Raphael Piastra, Maître de Conférences.

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Ce que vous allez lire ici :

Le président de la République conformément à l'article 12 de la Constitution, a le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale après consultation du Premier ministre et des présidents des Assemblées. Les élections générales doivent ensuite avoir lieu dans un délai de vingt à quarante jours après la dissolution. Cette dissolution peut être utilisée pour répondre à une crise de régime ou éviter une telle crise. Le président Emmanuel Macron est le quatrième président à utiliser ce pouvoir.
Description rédigée par l'IA du Village

Et voilà, il l’a fait ! Contre toute attente, Emmanuel Macron a déclenché la 6ᵉ dissolution de la Vᵉ République.
Au vu des résultats des européennes qui ont largement consacré la liste RN menée par Jordan Bardella et déjugé celle de Valérie Hayer, cornaquée par le président de la République, ce dernier a décidé de mettre fin au mandat de l’Assemblée Nationale. Il avait d’autres options : le statu quo (avec un discours à la clef), changer de gouvernement, faire un référendum (quel sujet ?) ou donc dissoudre.

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D’abord rappelons ce que définit l’article 12 de la Constitution : Le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.

Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.

L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection.

Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.

Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections.

Le droit de dissolution fait partie des pouvoirs propres exposés à l’art. 19 C. Propres signifie qu’ils sont dispensés de contreseing ministériel. Cela veut dire que le chef de l’Etat l’utilise à sa guise. De tous ses pouvoirs propres, la dissolution est celui qui est le moins conditionné. On le remarque, il existe deux conditions : des consultations (symboliques on le verra plus bas) et une seule dissolution par an.

Alors E. Macron est le quatrième président à avoir usé de ce droit. La pratique impulsée depuis 1958, révèle qu’il existe deux écoles de la dissolution. Celle qui vise une crise de régime (général de Gaulle et F. Mitterrand) et celle du troisième type (J. Chirac, E. Macron).

1) La dissolution face à une crise de régime.

Elle est ici le symbole du fonctionnement du régime parlementaire. La dissolution est instaurée sous la IIIᵉ République. Dans les mains du président, elle sera utilisée une seule fois par Mac-Mahon en 1877. Et puis, devenue impraticable sous la IVe, elle sera mise en sommeil jusqu’à la Vᵉ République.

Les utilisations par le général de Gaulle : mettre fin à une crise de régime.

Le général va recourir deux fois à la dissolution. En 1962, en opposition à sa réforme sur l’élection du président au suffrage direct, une majorité parlementaire vote une censure contre le gouvernement Pompidou. C’est une crise politique. L’Homme du 18 juin réplique alors par une dissolution et s’il doit accepter la démission du gouvernement, nomme exactement le même. « Voilà l’affaire réglée, la Vᵉ peut commencer » dira-t-il. Le premier ministre Pompidou et le président de l’Assemblée Chaban-Delmas sont bien sûr d’accord. Seul Gaston Monnerville, président du Sénat, avait exprimé son désaccord lorsqu’il avait été consulté. « Comme prévu. Je vous remercie » lui asséna le général. L’entrevue dura 5 minutes confiera un huissier de l’Elysée.

A la suite des législatives, la majorité gaulliste fut confortée augmentant même ses effectifs.

En 1968, chacun sait que la crise de mai affecte assez profondément le pays. S’il n’y a pas, à proprement parler, de crise politique, il commence à y avoir des tensions au sein de la majorité. Le doute s’est installé chez certains. Il y a réellement une crise sociétale majeure. Le général, un temps défaillant (voyage à Baden-Baden), pense d’abord à un référendum. G. Pompidou, qui gère la crise activement, l’en dissuade et lui suggère de dissoudre. Donc le général opte pour la dissolution. Il va être conforté par la rue où les gaullistes se mobilisent et surtout par les urnes. En effet, celles-ci lui apportent une majorité absolue. Cette dissolution fut décrite comme un référendum déguisé par le général lui-même dans ses Mémoires. Bien sûr le président Monnerville exprima des réserves dont le général ne tint évidemment pas compte. Il y a toujours eu entre les deux une mésestime réciproque ! Toujours au perchoir de l’Assemblée, Chaban-Delmas, grand baron gaulliste, donne sans souci son accord au chef de l’Etat.

Les utilisations par F. Mitterrand : éviter une crise de régime.

Pour en voir été un opposant zélé, le président Mitterrand connait sur le bout des doigts cette Constitution. Et il a en plus autour de lui des experts de celle-ci (le professeur JC Colliard, M. Charasse entre autres).

Lorsqu’il est élu en 1981, il sait qu’il ne pourra mettre en œuvre le changement avec la majorité de droite qui soutenait VGE. Le fonctionnement du régime serait bloqué. Dès lors, et avec le soutien de P. Mauroy à Matignon, il décide de dissoudre. Les présidents du Parlement, MM. Poher (Sénat) et Chaban-Delmas (Assemblée), opposent un avis négatif qui, bien sûr, ne dissuade pas F. Mitterrand. Les législatives qui suivent amènent « la vague rose » que l’on a connu. Le septennat peut commencer !

A l’issue de la première cohabitation de 1986, F. Mitterrand est réélu face à J. Chirac.

Là encore, il a face à lui une majorité parlementaire de droite avec laquelle il ne pourra œuvrer. Donc il décide à nouveau de dissoudre malgré les avis encore négatifs de MM Chaban-Delmas et Poher. Même M. Rocard à Matignon ne déclina pas le choix du président. On notera bien l’importance subalterne de ces avis.

Mais là, nouveauté depuis 1958, les électeurs envoient une majorité relative au président. A Matignon, M. Rocard puis E. Cresson et P. Bérégovoy vont devoir gérer une situation compliquée !

2) La dissolution du troisième type.

Elle a été impulsée par J. Chirac et pérennisée par E. Macron.

Elu depuis 1995, J. Chirac décide de dissoudre l’AN le 21 avril 1997.

Mal lui en prend car les électeurs lui renvoient une troisième cohabitation. Mais à la différence des deux précédentes, celle-ci va durer cinq ans. En gros, le premier mandat du héraut corrézien aura duré 2 ans. L. Jospin, leader de la gauche, s’impose à lui et va devenir le Premier Ministre le plus puissant de la Vᵉ. Les motifs de cette dissolution ne sont en rien liés à une crise de régime. En effet, J. Chirac avait une assez confortable majorité et aurait pu décliner son programme plutôt confortablement. Sauf qu’il y a eu cette réforme des retraites menée à la hussarde par A. Juppé avec les manifestations que l’on sait. On ne sait pas vraiment pourquoi Chirac a agi ainsi. Sauf qu’il fut conseillé en ce sens par Juppé (à Matignon) et de Villepin (très influent secrétaire général de l’Elysée, Néron selon Mme Chirac). Alors que P.Séguin, président de l’Assemblée donne un avis négatif (« tu fais une énorme connerie » martela-t-il). De son côté René Monory, président du Sénat, fit part de son extrême réserve. Là encore quel intérêt autre qu’anecdotique ont ces avis !
Cela étant, une nouvelle fois, la cohabitation servit le président sortant qui fut réélu en 2002 et desservit, encore une fois, l’hôte de Matignon.

C’est donc peu de temps après les résultats officiels des Européennes qu’E. Macron a, contre toute attente et en dernière minute, décidé de la dissolution ce 9 juin 2023. Là encore pas de crise de régime. Une majorité relative que, tant E. Borne que G. Attal, arrivaient peu ou prou à gérer. Un mécontentement contre Macron et sa politique, mais moindre que durant le premier mandat. Alors bien sûr il y a eu, pour les Européennes, cette montée importante du RN dans tous les sondages depuis quelques semaines. Pour ce scrutin E. Macron s’est énormément investi. Plus que tout autre de ses prédécesseurs depuis 1979 (premières élections européennes).

Comme sa tête de liste ne décollait pas, il a dû se démultiplier. Jusqu’à instrumentaliser les cérémonies du débarquement. Jusqu’à la décision de livrer des mirages à l’Ukraine.

Rien n’y a fait et le RN a recueilli 31,5% des suffrages contre seulement 14,5 à sa liste.

Et patatras, E. Macron sans prendre vraiment le temps de la réflexion a décidé de dissoudre. Tout le monde a été surpris et les partis politiques (y compris le sien) sont pris de court.

Et là, vu la façon dont il s’est surinvesti et exposé, ces résultats sont les siens avant tout. Et donc en cas de victoire du RN aux législatives, en majorité relative et encore plus absolue, il devra en tirer les conséquences. Lesquelles ? Une cohabitation avec Jordan Bardella ou une démission. Cette dernière aurait été évoquée. Depuis 1969 ce serait une première. A quelques encablures des JO quel effet dévastateur ! Mais cela aurait un certain panache !

Et puis petite précision. Le 7 juillet prochain, la France aura un nouveau Premier Ministre. Il sera issu soit des rangs du bloc RN/LR soit du Nouveau Front Populaire.

En effet une nouvelle majorité (certainement relative) aura vu le jour. Et bien en cas de blocage issu d’une censure par exemple, le chef de l’Etat ne pourra dissoudre que le 9 juin 2025. Il lui restera quoi ?..... Un article 16 ? Une démission ? Ce dernier scénario serait le plus souhaitable.

« Un monarque a souvent des lois à s’imposer ; Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser » (Corneille).

Raphael Piastra, Maitre de Conférences en droit public des universités

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