Des élèves-avocats innovent pour réduire la charge mentale de leur profession.

Des élèves-avocats innovent pour réduire la charge mentale de leur profession.

Propos recueillis par Nathalie Hantz,
Rédaction du Village de la Justice

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Explorer : # numérisation de la justice # gestion du temps # charge mentale # innovation technologique

Chaque année, le Conseil national des Barreaux (CNB) organise un concours de projets innovants. Lors de l’édition 2024 [1], c’est l’équipe créatrice d’Audirect qui en a été lauréate. Cette appli permettrait aux avocats de suivre le déroulé du rôle de l’audience à distance (et donc de s’y rendre au moment où leur affaire est appelée).
Laura Bièvre, Lucie Fleury, Laura Husson et Lucie Lussan, Élèves-avocates de l’école des avocats de Montpellier (EDACS), nous racontent leur projet, et ses dernières évolutions en 2025.

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Village de la Justice : D’abord, pouvez-vous pitcher votre projet ?

« Élèves-avocates, nous avons constaté que les avocats, le jour de l’audience, sont tous convoqués à la même heure. Certains perdent un temps considérable à attendre que leur dossier soit appelé. Pour remédier à ce problème, nous avons imaginé une plateforme qui permet de suivre en temps réel l’avancée de l’audience. En amont de l’audience un rôle est généré avec un ordre de passage tenant compte des usages du barreau et des horaires estimés. Lors de l’audience, le greffier indique via la plateforme, le début et la fin de chaque dossier permettant de mettre à jour les heures de passage. En cas d’incident, le greffier le signale et les avocats suivants sont immédiatement notifiés. Avec Audirect l’avocat peut mieux gérer son temps et sa charge mentale est réduite.

Notre équipe est composée de 4 élèves-avocates, ainsi que d’un développeur (Loïck Meyer) ».

L’équipe d’Audirect à l’issue de la finale du Concours Projets Innovants à Paris avec Me Pierre Lafont (futur Bâtonnier élu de Montpellier)

V.J : Comment imaginez-vous que les choses puissent se mettre en place avec les greffes, puisque que cela veut dire concrètement que le greffier à l’audience utilise l’appli en temps réel ?

« Notre nouvelle technologie s’ancre dans le projet de numérisation de la justice avant 2027. »

« Nous avons imaginé une plateforme accessible directement avec un ordinateur pour le greffier. Cette plateforme sera également accessible pour l’avocat, mais il aura en plus accès à une application de téléphone afin d’avoir en temps réel les notifications de notre appli.

Nous avons échangé avec des greffiers qui parfois sont énormément sollicités au cours de l’audience. Le but est que cette sollicitation soit diminuée afin que le greffier puisse plus sereinement effectuer ses missions. Nous sommes actuellement en train de recueillir différents avis de greffiers afin de connaître les besoins qu’ils pourraient rencontrer afin de pourquoi pas, intégrer des fonctionnalités supplémentaires dans notre plateforme. Notre nouvelle technologie qui s’ancre dans le projet de numérisation de la justice avant 2027 doit pouvoir également simplifier le quotidien des greffes ainsi que celui des magistrats en audience.

Nous souhaiterions commencer par effectuer une convention d’expérimentation avec le greffe d’une juridiction pendant un mois. Cela nous permettra de recueillir les retours de tous les acteurs et de pouvoir améliorer notre plateforme. »

V.J : Quels sont les points de vigilance qui vous occupent pour la mise en place de cette appli ?

« Actuellement, nous travaillons sur les différentes procédures (orales, écrites) afin de comprendre là où notre plateforme pourrait connaître certaines limites. Le but est d’identifier ces limites afin de pouvoir proposer une ou des solutions aux juridictions lorsque nous présenterons définitivement notre plateforme. Bien évidemment, nous sommes particulièrement sensibles aux retours des greffiers afin de prendre en compte leurs besoins. Enfin, sur le plan technique, nous travaillons afin de connaître les éventuelles connexions qu’il pourrait y avoir ou non entre les logiciels déjà existants et notre plateforme. »

« Nous avons décidé de tenter d’apporter une petite contribution à cette profession afin d’améliorer la vie de nos futurs confrères. »

V.J : Pour finir, en prenant un peu de hauteur : est-ce qu’être élève-avocat, c’est aussi vouloir faire évoluer la profession ? Votre appli permettrait un gain de temps. Sur quel(s) autre (s) axe(s) d’amélioration de la vie professionnelle des avocats vous paraît-il important de travailler ?

« Jérôme Gavaudan, dans une interview en 2023, a annoncé que 22% des jeunes avocats quittent la profession avant 10 ans de carrière. En tant qu’élèves-avocats, nous savons à quel point arriver à cette profession n’est pas facile. Alors bien évidemment, nous trouvons que ce chiffre est regrettable. Toutes les professions évoluent de nos jours, soit on prend la décision d’être spectateur de l’évolution soit d’en être acteur. Nous avons décidé de tenter d’apporter une petite contribution à cette profession afin d’améliorer la vie de nos futurs confrères.

Pour parler de notre futur qui est celui de l’exercice de la profession, en tant que jeunes avocats, nous pouvons évoquer le fait qu’il est important d’être bien accompagné au début de sa carrière. En effet, le jeune avocat est collaborateur (dans la plus grande majorité des cas) mais aussi chef de sa propre entreprise. Il doit donc apprendre à développer sa clientèle, actualiser ses connaissances régulièrement (la formation continue étant obligatoire), découvrir le monde de l’entrepreneuriat (déclarer ses revenus, payer les charges, gérer une comptabilité, les déclarations obligatoires, etc.), respecter les règles déontologiques dans ses rapports avec les confrères, clients etc. Bien que nous disposions d’une formation qualitative à l’école, l’entrée dans la profession peut ressembler à une montagne à gravir. Il est donc selon nous essentiel que de vrais outils soient mis à la disposition des jeunes avocats et qu’un réel accompagnement soit effectué afin que nous puissions commencer à exercer dans une vie professionnelle plus apaisée. »

Quel est l’état d’avancement du projet en 2025 ?

Le projet a été présenté à plusieurs reprises au sein du Barreau de Montpellier, notamment lors de la journée nationale de la relation magistrat-avocat, et plus récemment lors d’un afterwork organisé par l’Incubateur du Barreau de Montpellier. L’occasion pour nous de suivre son avancement, que Lucie Lussan nous raconte :

« Déjà, nous avons créé notre société, une SAS dont je suis la présidente, Lucie Fleury et Laura Bièvre en sont les associées, et Loïck Meyer le directeur général.

Sur le fond, nous avons un peu changé notre fusil d’épaule (même si le projet initial est maintenu) en développant en parallèle un autre projet, basé sur le service de mandatement commun interne aux barreaux concernant les audiences de mise en état réalisées en présentiel. Ce système interne, pour l’instant géré sur papier, consiste à ce qu’un avocat représente ses confrères lors des audiences de mise en état pour donner leurs instructions au magistrat présidant l’audience. Donc notre idée est de reprendre ce système et de le gérer sur notre application, pour le Barreau. C’est ce que nous allons tester (sans doute dès septembre) au Barreau de Montpellier.

Nous développons donc actuellement deux interfaces : Audirect Mandatement et Audirect Plaidoirie (le projet initial). Concernant les plaidoiries, après discussion avec l’École nationale des Greffes, et en se basant sur le même système que le mandatement commun, nous avons décidé de confier le suivi de l’appel des causes à un avocat (désigné à tour de rôle par le barreau, comme cela existe déjà dans certains barreaux).
Nous expérimenterons cela au niveau du Barreau de Montpellier sans doute dès la rentrée de septembre 2025, sur 6 audiences par semaine.

Nous poursuivons donc notre projet : simplifier la gestion du temps des avocats, nos futurs confrères ! »

Propos recueillis par Nathalie Hantz,
Rédaction du Village de la Justice

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