Quelles ont été vos motivations pour conseiller des œuvres artistiques montrant la sphère judiciaire ?
« Plusieurs raisons expliquent que, régulièrement, je sois conseiller judiciaire sur des œuvres artistiques. Premièrement, je porte un grand intérêt au cinéma et j’ai de nombreux amis producteurs ou réalisateurs. Ensuite, la profession d’avocat présente des intérêts cinématographiques ou littéraires qui font qu’il y a de plus en plus de films, séries, livres voulant en faire le décor de la fiction et ainsi les demandes des réalisateurs, scénaristes pour être conseiller sur le système judiciaire français augmentent afin que ces derniers puissent créer des scenarii les plus proches de la réalité.
Une autre de mes motivations est que j’écris moi-même, cette activité me permet de mieux comprendre le processus créatif et d’être plus ouvert aux problématiques de ces professionnels.
Enfin, mon activité en droit pénal international m’amène à travailler dans des environnements du common law où l’avocat peut faire appel à ses propres enquêteurs, experts, ce qui n’est pas possible dans le processus judiciaire français. Et cela me permet de mieux comprendre pourquoi le monde judiciaire anglo-saxon est plus "photogénique" et attractif. Je me sers de ces connaissances pour tenter de rendre la retranscription du monde judiciaire français plus attrayant tout en restant dans le vrai ».
Comment en êtes-vous arrivé à être conseiller judiciaire pour le film Anatomie d’une chute ? Cette nouvelle expérience de conseil vous a t-elle apporté quelque chose de plus sur le plan professionnel ?
« Pour "Anatomie d’une chute", l’un des producteurs du film, David Thion, qui est un ami, m’a proposé d’assister Justine Triet et Arthur Harari pendant qu’ils écrivaient leur scénario.
Sur le plan professionnel, c’est un exercice très différent puisqu’on se met au service d’une création artistique. C’est une autre forme de rapport avec celui que l’on conseille, auteur, exempt des tensions, des arrières plans, enjeux parfois dramatiques du métier traditionnel d’avocat. Là, on participe à la formation d’une œuvre. Notre réalité est mise au service de la fiction. C’est donc une perspective totalement différente ».
Concrètement comment cela se passe-t-il : quand et comment intervenez-vous ? Quels types de conseils apportez-vous ?
« Le moment idéal pour intervenir est lors de la rédaction du scénario ou du livre. Cela permet d’être plus réactif et de ne pas gêner le processus de création artistique. Il est toujours plus difficile d’intervenir après la création de l’œuvre, car les modifications que je recommande sont susceptibles de transformer l’œuvre et peuvent parfois ne pas être prises en compte.
Concrètement, mon rôle est donc de vérifier que le vocabulaire judiciaire choisi est le bon, que les fonctions attribuées aux personnages de l’histoire sont adaptées et justes en rapport au droit français. Il me faut vérifier, s’il y a lieu, que le déroulement d’une enquête, d’un procès corresponde le plus possible à la réalité judiciaire.
La tâche n’est pas toujours évidente, il ne faut pas être un censeur. Le conseiller judiciaire doit trouver le juste équilibre entre la spécialité, la technicité juridique et la part de créativité de l’artiste. Mon objectif est de trouver des solutions pour que les scènes soient les plus réalistes possibles.
Le conseiller doit transmettre son regard d’expert tout en respectant le côté "sexy" d’une création artistique. C’est donc un travail de collaboration ».
Conseiller judiciaire d’œuvre artistique pourrait-il de venir une activité de niche pour un avocat ?
« À mon sens non, car premièrement, les avocats ne sont pas les seuls à être sollicités pour cela, des policiers, des gendarmes, des magistrats conseillent également. De plus, les réalisateurs, les auteurs n’ont pas toujours de budgets consacrés pour ce type de conseils. Enfin, certains ne pensent pas à se faire conseiller en ce domaine, et d’autres ne le souhaitent pas du tout, afin de rester complètement libres dans leur processus créatif ».
Vous sentez-vous une certaine responsabilité de pédagogie sur la Justice et son fonctionnement ?
« Oui, complètement. Je ressens une importante responsabilité à transmettre la matière, l’esprit de Justice et de permettre à l’artiste de magnifier cette réalité technique.
De même, je me sens responsable, si malgré tout, des erreurs ou des approximations perdurent une fois l’œuvre terminée ».
En savoir plus sur Vincent Courcelle-Labrousse...
Inscrit au Barreau de Paris, Vincent Courcelle-Labrousse a débuté sa carrière par du pénal de droit commun pour ensuite évoluer vers du droit pénal financier et du droit pénal international. Ancien Secrétaire de la Conférence, il aime écrire et est notamment auteur du roman noir "Vivement la guerre qu’on se tue".