C’est indéniable, le droit est partout.
L’actualité est ponctuée de faits divers, de faits de justice, de débats juridiques où chacun s’improvise tantôt grand défenseur des libertés individuelles, tantôt magistrat, tantôt expert juridique... A chaque nouvelle affaire, chacun y va de son commentaire, de son avis, fait part de son exaspération -parfois-, de son incompréhension -de temps en temps- ou d’un jugement personnel qui s’apparente pourtant souvent à une tentative d’imposer un point de vue qui se doit d’être communément partagé.
Les procès en place publique bourgeonnent de toutes parts... et pourtant...
Pourtant, notre justice est complexe. Nos grands principes, fruits d’une histoire longue et riche de tentatives, d’échecs, d’évolutions, ou d’interrogations.
Comment comprendre une peine, si celle-ci n’est pas appréhendée par la recherche constante de lui donner un sens ? Comment justifier les notions de "présomption d’innocence" ou de "prescriptions" à une victime qui n’y voit que l’illustration d’une injustice profonde ?
Comment comprendre l’inefficacité d’une justice privée qui se manifesterait par une loi du talion et de la force ? Comment expliquer les limites de la légitime défense à quelqu’un qui se voit pourtant grand chevalier d’une noble cause ? Comment expliquer le rôle essentiel d’une défense même pour l’être le plus abjecte qui soit ? Toutes ces questions n’auront de sens que par la mise en place d’une réelle et profonde réflexion en donnant à chacun les armes de comprendre pour peut être accepter.
Il n’y a aucun sens à réserver l’opportunité d’une réflexion ou la vérité absolue aux bancs de la fac de droit. Au contraire. La justice est un quotidien qui se doit d’être compris et sa compréhension se doit d’infiltrer tous les milieux.
Il ne s’agit pas d’apprendre des règles de droit par cœur - ce qui n’aurait aucun sens pour quelqu’un ne se destinant pas à une carrière juridique - mais tout simplement de donner des clés de compréhension à ce langage si hermétique parfois, qui pourtant, façonne quotidiennement notre société.
L’Etat de droit n’a de cesse de rappeler chaque citoyen à ses droits, à ses devoirs et à ses obligations. L’Etat de droit nous demande de lui faire confiance. Mais qui peut réellement espérer une confiance aveugle de celui qui ne comprends pas, à qui on ne laisse pas la possibilité de douter, de réfléchir et de débattre ?
C’est pourquoi je suis convaincue qu’il est essentiel de faire entrer la justice à l’école.
Il est essentiel de permettre à chaque jeune, non pas seulement de connaître ses droits et ses obligations, mais également de comprendre : de comprendre pourquoi, de comprendre comment, de douter, de se confronter à d’autres opinions, de comprendre le poids de l’histoire sur certains principes, d’appréhender réellement les enjeux dans leur globalité.
Il ne s’agit pas ici de donner des cours de droit, loin de là, mais bien de laisser à chaque citoyen la possibilité de se construire au fil des années, une opinion riche et construite, lui permettant d’appréhender le monde de la justice dans toute sa complexité et son humanité.
C’est ce constat qui m’a conduit à me lancer dans cette aventure du projet "Justice". A travers la mise en place d’un procès fictif sur une dizaine de séances, chaque élève évolue dans un rôle qui lui est attribué. Chacun découvre le dossier au fil des séances, au fil de ses recherches, mais également en étant guidé par les impératifs de son rôle. Quoi de mieux que de vivre une expérience de l’intérieur pour mieux appréhender la complexité des différents enjeux ?
Outre l’aspect pédagogique indéniable de ce projet transversal permettant d’aborder le programme de 4e d’éducation morale et civique, mais également de s’essayer à la recherche et à l’argumentation, je vois en ce projet, une réelle opportunité d’initiation au monde juridique. La transversalité des matières et des compétences permettant aux élèves de bâtir un réel projet abouti.
Une bouteille à la mer ? Peut-être. Mais une petite pierre à l’édifice, je l’espère aussi.
J’espère ici, leur permettre une première découverte du système judiciaire, mais également - à travers le travail de préparation en amont - de réfléchir par eux-même, et en fonction de leur rôle, aux grandes notions du procès pénal.
Jamais il ne s’agira de leur imposer une réponse toute faite, ce serait très loin de l’objectif recherché. Mais toujours, il s’agira de les faire se questionner pour progressivement mûrir leur réflexion et grandir dans leur compréhension.
Retrouvez ici la présentation concrète du projet "Justice" et de son bilan.