Cette nouvelle conception - informatique - des contrats est intrinsèquement liée à la technologie de la blockchain dont les smart contracts sont une des applications concrètes. Si les smarts contracts lui préexistaient, ils ont trouvé dans cette technologie un support particulièrement adapté à leurs différents usages.
Les smart contracts sont appelés à se développer et se multiplier dans divers domaines : location d’appartement, de voiture, remboursement d’indemnités de retard ... Du fait de leur exécution automatique, ils renforcent sensiblement l’effectivité des droits des cocontractants. A titre d’exemple, en matière d’indemnités de retard, il est en effet courant que nombre d’entre nous, las des procédures d’indemnisation sans fin et volontairement complexes, abandonnent le processus avant sa fin et renoncent, de fait, à leur droit à indemnisation. Dans une telle situation, l’exécution automatique propre au smart contract permettrait de garantir la réalisation de droits de manière simplifiée et efficace.
Néanmoins, les smart contracts, s’ils assurent une exécution rapide, peu coûteuse et sécurisée des obligations, interrogent frontalement le rôle du juriste et l’adaptation du droit des contrats à l’ère du numérique.
I. « If ... then ... », la nouvelle formule magique applicable à tous les contrats ?
Est-il vraiment possible de transposer en langage informatique toutes les informations contenues dans un contrat « traditionnel » ? Que faire de l’interprétation des termes et obligations d’un contrat ? Un protocole informatique peut-il vraiment se substituer au travail de rédaction et de réflexion des juristes ? Toutes ces questions se posent avec acuité à l’heure actuelle.
Il paraît difficilement concevable de réduire l’exercice de rédaction juridique à un exercice de codage (sans préjuger de la complexité du langage informatique). Le raffinement intellectuel qui préside à la rédaction d’un contrat n’est pas aisément transposable dans un protocole informatique. L’interprétation, notion bien connue des juristes, n’a pas sa place dans l’exécution d’un protocole informatique. On retrouve ici le binaire propre au langage informatique : le smart contract autorisera l’exécution d’une action ou, à l’inverse, la refusera. En tout état de cause, il ne pourra pas interpréter les termes du contrat ou moduler l’exécution des obligations des cocontractants. Il s’agit ici d’un véritable problème : tous les contrats ne peuvent pas être « vulgarisés » en langage informatique. L’interprétation, qui est bien souvent le langage de la nuance dans les contrats, doit conserver sa place, au risque de réduire considérablement les subtilités rédactionnelles.
Ainsi, le processus de codage informatique ne peut concerner que certains types de contrats qui se laissent facilement appréhender par le langage informatique. Il s’agira de contrats dont l’exécution est suffisamment simple et standard, voire basique, pour être exécutés automatiquement.
II. Le nouveau rôle du juriste
Les smart contracts ne pourront remplacer, dès demain, les contrats traditionnels « 1.0 ». La problématique de la responsabilité est un réel obstacle au développement tous azimuts des smart contracts. Plus encore, les notions d’imprévision et de réversibilité des transactions devront être envisagées sous un nouvel angle, ce qui n’est pas sans soulever certaines difficultés.
Ce constat interroge sur l’intervention des juristes dans cette nouvelle technologie. De prime abord, la transposition informatique d’un contrat et son exécution automatique semblent évincer les juristes de ce processus contractuel. En réalité, les smart contracts ne signent pas la fin de l’intervention des juristes. Bien au contraire, ceux-ci restent des acteurs essentiels des relations contractuelles : en amont du codage informatique, ils déploient leur expertise au stade des négociations, puis en aval, en assument la responsabilité. Les juristes voient ainsi s’ouvrir devant eux un nouveau domaine d’expertise, qui appelle des compétences adaptées à ce monde contractuel « numérique » jusqu’alors inconnu.