Classements des avocats : un outil de communication au service des praticiens et des cabinets ?

Classements des avocats : un outil de communication au service des praticiens et des cabinets ?

Ariane Malmanche
Responsable Communication & Événementiel
LEGI TEAM - Village de la Justice

Vous le savez, au Village de la Justice, nous ne faisons, par choix, pas de classements des avocats [1]. Et cela nous laisse la possibilité de librement nous intéresser au sujet ! Nous avons en effet réalisé deux enquêtes sur le sujet, dont les résultats ont été présentés en avant-première lors de notre 1re édition des "Tablées de la loi" [2] dédiées aux avocats, qui s’est tenue à Paris, le 28 octobre 2021. Et comme nous sommes plutôt sympas, nous vous en parlons ici aussi !

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L’année est jalonnée par des prix prestigieux, les Academy Awards, les Victoires de la Musique, les Grammy’s, le Festival de Cannes, les Emmy Awards, les Césars… Et, si vous avez comme nous une majorité d’avocats parmi vos contacts LinkedIn, vous ne pouvez pas manquer les divers classements et trophées décernés aux avocats, qu’ils soient à titre individuel, pour le département ou le cabinet dans son ensemble.

Nous avons tous vu ces posts qui célèbrent cette reconnaissance, accueillie toujours “humblement” mais avec “fierté”, et finalement à quoi servent vraiment ces classements ? Sont-ils uniquement là pour booster un ego personnel ou collectif, ou ont-ils une utilité réelle en terme de communication ou dans une perspective d’évolution de carrière ?

Pour répondre à cette question presque aussi palpitante que celle de savoir qui finira sur le Trône de fer, le Village de la Justice a, par deux fois, en juillet 2020 et en juillet 2021, mené l’enquête auprès des premiers intéressés, les avocats, pour leur demander ce qu’ils attendaient ou non des classements...

Un manque de transparence.

La première remarque qui est ressortie parmi les 700 répondants est un reproche récurrent quand au manque de transparence sur les méthodes utilisées pour établir ces classements.

Sur ce point, et bien que la plupart des classements proposent une explication de leur méthodologie sur leur site, nous nous devons de souligner que nos sollicitations répétées pour obtenir de la part des organisateurs de plus amples détails, notamment sur les aspects financiers, sont restées lettres mortes (à l’exception des Trophées du Droit qui ont répondu à notre questionnaire).

Alors est-ce que les classements sont réellement « une mafia » comme le suggérait un répondant à notre enquête ? Peut-être pas, mais la loi du silence semble malgré tout être la règle...

La gratuité en question.

Deuxième point qui mérite d’être mis en avant, la vaste majorité de nos sondés (78 %) s’accordent sur le fait qu’un classement se doit d’être gratuit pour être légitime.

Cependant, 10 % estiment qu’un classement/palmarès peut facturer certains services complémentaires sans que cela n’entache la réputation ou l’objectivité de celui-ci. Ces services payants sont en général des actions de communication (fiche de présentation, trophée physique pour exposition, participation à la soirée, etc.), qui viennent en renforcer la visibilité offerte par le classement lui-même.

Passons maintenant aux classements eux-mêmes. 35 % des avocats ayant répondu à nos enquêtes figurent dans un ou plusieurs classements, parmi lesquels :

  • 75,3 % chez Décideurs Leaders League, ce qui peut être expliqué par la multiplicité des catégories existant et le nombre de récipiendaires par catégorie ;
  • 51,7 % dans Legal 500 ;
  • 40,4 % chez Best Lawyers ;
  • 33 % dans le Chambers & Partners ;
  • 30 % ont été récompensés par les Trophées du Droit et le Palmarès du Droit ;
  • 27 % figurent au Palmarès des avocats ;
  • 26 % sont référencés dans le Who’s Who Legal ;
  • 23 % sont classés dans Option Droit & Affaires.

Ces chiffres montrent ainsi que la plupart des avocats classés le sont dans plusieurs classements... Est-ce la preuve que les classement reflètent une véritable expertise dans un domaine ou plutôt une maîtrise de l’utilisation des classements comme outil de visibilité ? En d’autres termes, est-on présent dans plusieurs classements parce qu’on est particulièrement compétent sur un sujet, ou il y a-t-il un effet boule de neige qui fait qu’un classement en entraîne un autre ? La question reste ouverte !

Aucun classement ne serait plus prestigieux ou valorisant.

Il est intéressant de noter qu’à la question « Quel classement est le plus prestigieux ou valorisant ? », la réponse arrivant en première place est à plus de 32 % « aucun »...

Arrive en seconde place le Legal 500, suivi du Chambers, avec respectivement 18,5 et 13,9 %. Leaders League, dans lequel la presque totalité des répondants classés figurent, n’arrive qu’en 6e position avec 3,4 % ; Best Lawyers en 7e avec 2,9 %.

Peut-on en déduire que plus un classement est important en terme de récipiendaires, moins il valorise ses nominés ? Sans doute.

Pour être pertinent et utile un classement se devrait donc d’avoir des critères permettant au plus grand nombre de postuler et un processus de sélection assez affiné pour ne singulariser que l’élite. Sur la question des critères, on peut noter d’ailleurs que la remarque qui revient le plus souvent est un manque d’objectivité...

De nombreux commentaires soulignent que le fait de prendre en compte la qualité des clients, l’importance des dossiers, le chiffre d’affaire généré ou le ratio d’affaires gagnées ne peuvent pas être des données reflétant la réelle compétence d’un praticien. Comme le souligne un répondant, « une affaire peut demander une haute technicité sans pour autant impliquer un client connu ou générer une facturation importante pour le cabinet ».

Les impacts attendus/perçus d’une nomination.

Parce que ces enquêtes avaient aussi pour but de mesurer l’impact des classements, intéressons-nous maintenant aux bénéfices retirés par les répondants qui y figurent.

En 2021, à la question « quels sont les bénéfices perçus ou attendus », les avocats ont répondu à 44,1 % l’acquisition de nouveaux clients, la fidélisation de la clientèle et un avantage concurrentiel sur les confrères.
Ce qu’il en est en quelques chiffres :

  • 44 % des répondants affirment avoir entendu parler de leur apparition dans un classement par leurs clients ;
  • 23,8 % savent que ce classement a apporté de nouveaux clients ;
  • Plus globalement, 61 % des sondés pensent avoir assis une notoriété auprès du public grâce à cette distinction.

Être classé, c’est aussi une communication vers le reste de la profession et 51,5 % de nos répondants ont eu un retour de leurs confrères suite à leur nomination en 2021. En 2020, 62 % estimaient que le cabinet avait renforcé sa notoriété vis-à-vis des confrères suite à cette reconnaissance.

Cette visibilité auprès de la profession est complétée par un aspect RH, les classements permettant de valoriser l’équipe ou le cabinet pour recruter ou fidéliser les profils les intéressants (37,9 %).

Un plus faible pourcentage des répondants a aussi souligné le fait que figurer dans un classement permet de valoriser une compétence personnelle dans un objectif d’évolution de carrière, qu’il s’agisse d’une promotion interne, d’un changement de cabinet ou de la création d’une nouvelle structure.

Enfin, 10 % pensent n’en avoir retiré aucun bénéfice. Sur ce point cependant, il faut souligner que, comme pour toute action de communication, pour mesurer l’impact d’un classement le cabinet ou l’avocat doit mettre en place un process permettant de qualifier les clients entrants par exemple ou interroger ses clients existants. On aborde ici le problème de la relation-clients des avocats et de son suivi grâce à des outils de mesure.

Quid de celles et ceux qui ne sont pas classé(e)s ?

Il faut d’abord noter la limite de ces récompenses qui se cantonnent principalement au droit des affaires, excluant de fait une grande partie de la profession. Cette remarque est d’ailleurs souvent remontée dans nos enquêtes, puisque environ 13 % des répondants soulignaient ne pas être concernés par les classements.

D’une manière plus générale, 65 % des répondants ne figurent pas dans un classement parce que 30 % n’ont pas le temps de candidater, 20 % ne connaissait pas l’existence de classements et 10,6 % ne souhaitent pas y figurer.

Pour ceux qui ne souhaitent pas figurer dans les classements, la raison la plus récurrente est l’impression que ceux-ci sont uniquement des actions auto-satisfaction, destinées à booster l’égo de l’avocat. Or il est parfois nécessaire de s’auto-congratuler un peu et si un classement peut redonner de la confiance en sa pratique et motiver les équipes, alors, celui-ci devient un outil managérial intéressant et efficace, dont il n’y a pas de raison de se priver !

L’autre raison invoquée par les répondants pour justifier leur désintérêt pour les classements est le fait que ceux-ci sont établis « par des entités n’ayant pas de réelles connaissances et compétences pour juger de l’expertise d’un avocat ». C’est probablement une réalité... Mais à l’heure où nous choisissons notre repas sur la base des notes données par les consommateurs, notre prochain film sur la recommandation d’un algorithme ou des “plus populaires dans votre région”, pourquoi ne les clients ne feraient-ils pas de même pour leur conseils juridiques ?

Lisez en complément le support complet projeté lors de la rencontre organisée par le Village de la Justice sur ce sujet.

Il existe d’ailleurs des système de notation des avocats par leurs clients, nous en avions d’ailleurs longuement parlé à l’occasion d’un petit-déjeuner organisé avant la pandémie de 2020. Le problème de cette notation par le client étant qu’elle risque finalement d’être une notation purement basées sur le ratio des affaires perdues/gagnées, sans pouvoir prendre en compte la qualité des conseils, du service, la technicité demandées et la nature même des dossiers.

Terminons sur une note d’ouverture... En effet, pour contre-balancer les classements réalisés par des extérieurs, professionnels ou particuliers, l’autre idée qui revient régulièrement dans les suggestions est un système de notation par les confrères. Reste alors à savoir comment le mettre en place, sur quels critères et sous quel contrôle...

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le "Guide classements des cabinets d’avocats" publié par Anomia. Ce guide a été écrit après une enquête poussée auprès des cabinets d’avocats et des organisations en charge de la rédaction des classements. Plus de 80 personnes ont été interrogées parmi lesquelles des avocats et avocates de différents cabinets d’affaires, des responsables de la communication et du marketing de cabinets ainsi que des membres de la rédaction des classements. À cela s’ajoute un questionnaire envoyé aux étudiants de DJCE de France qui a été rempli par une trentaine d’étudiants permettant de voir la tendance en ce qui concerne l’impact du classement sur la marque employeur.

Ariane Malmanche
Responsable Communication & Événementiel
LEGI TEAM - Village de la Justice

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Notes de l'article:

[1Chez LEGI TEAM, nous éditons "seulement" des répertoires d’experts : Guide du Manager Juridique et la rubrique dédiée dans le Journal du Management Juridique.

[2Les Tablées de la loi sont des dîners-débats organisés par LEGI TEAM - Village de la Justice. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter !

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