[Tribune] L’avenir de la « justice prédictive ».

Par Gildas Neger, Docteur en Droit.

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Explorer : # intelligence artificielle # biais algorithmiques # confidentialité des données # relation avocat-client

L’open data des décisions de justice couplé au développement des algorithmes et de l’intelligence artificielle permet à certains organismes de vendre du rêve aux acteurs de la justice en leur vantant (et vendant) des logiciels censés prédire l’issue de telle ou telle affaire.

S’il est probable que l’IA joue un rôle de plus en plus important dans le domaine du droit, les compétences et les qualités humaines telles que le jugement, l’éthique et les relations interpersonnelles continueront d’être essentielles pour fournir des services juridiques efficaces. De plus, elle présente certains risques vis-à-vis notamment des clients et des juges, même si elle présente un avantage non négligeable dans le domaine de la procédure.

L’enthousiasme initial et la couverture médiatique intense autour des outils de justice prédictive semblent s’être estompés au sein du monde judiciaire, laissant place à un scepticisme grandissant quant à leur utilité réelle dans la gestion quotidienne des contentieux. Il est crucial de tirer les leçons des expériences passées pour aborder cette question avec plus de calme et d’examiner de manière objective les promesses faites par ces algorithmes.

L’intelligence artificielle n’existe que dans notre imaginaire. Et, les nombreux outils (au prix très souvent extravagants) ne constituent que de simples prothèses intellectuelles destinées à réduire les méconnaissances et incertitudes des utilisateurs.

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L’IA ne remplacera jamais l’avocat.

Le droit est complexe et nuancé. Les systèmes d’IA ont du mal à comprendre les nuances du droit et à appliquer la loi à des faits spécifiques. Les avocats sont nécessaires pour interpréter la loi, conseiller leurs clients et faire valoir leurs droits devant les tribunaux.

De même les compétences relationnelles sont essentielles. Les relations entre les avocats et leurs clients sont fondées sur la confiance et la communication. Les systèmes d’IA ne sont pas capables de développer ce type de relations, ce qui est essentiel pour fournir des services juridiques efficaces.

Enfin, le jugement et l’éthique sont nécessaires. Les avocats doivent souvent prendre des décisions difficiles qui ont un impact important sur la vie de leurs clients. Les systèmes d’IA ne sont pas capables de faire preuve du même niveau de jugement et d’éthique que les avocats humains. Les outils informatiques ne sont que de simples outils mais en aucun cas une alternative [1].

L’utilisation de l’IA présente des risques potentiels pour les clients.

Si l’IA peut apporter certains avantages aux clients, tels que des services plus rapides et plus efficaces, son utilisation soulève également des risques qu’il ne faut pas négliger.

À commencer par les erreurs et biais algorithmiques puisque les systèmes d’IA sont formés sur de grandes quantités de données qui peuvent parfois être biaisées ou incomplètes [2]. Cela peut conduire à des erreurs dans les conseils juridiques ou à une discrimination envers certains clients.

Manque de transparence et d’explication.

Cela peut compliquer la contestation des décisions basées sur l’IA ou la compréhension des risques encourus par les clients.

Par exemple, un système d’IA utilisé pour prédire le succès d’une affaire judiciaire peut ne pas être en mesure d’expliquer pourquoi il a prédit un certain résultat, ce qui rend difficile pour l’avocat de contester cette prédiction ou de la communiquer au client.

Problèmes de confidentialité et de sécurité des données.

Les systèmes d’IA stockent et traitent de grandes quantités de données sensibles, y compris des informations personnelles et confidentielles des clients. Cela crée des risques pour la confidentialité et la sécurité des données si ces systèmes ne sont pas correctement protégés.

Une fuite de données provenant d’un système d’IA juridique pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour les clients, notamment le vol d’identité, la fraude financière ou la diffamation.

Manque de jugement et d’empathie.

Les systèmes d’IA sont incapables de faire preuve du même jugement et de la même empathie qu’un humain. Cela peut être un problème dans des situations complexes ou délicates, où il est important de comprendre les nuances de la situation du client et de ses émotions.

Par exemple, un système d’IA utilisé pour rédiger des contrats peut ne pas être en mesure de tenir compte des besoins et des objectifs spécifiques du client, ce qui peut conduire à un contrat qui ne répond pas à ses besoins.

Impact sur la relation client.

L’utilisation excessive de l’IA peut nuire à la relation client en créant une distance entre l’avocat et le client. Les clients peuvent avoir l’impression de ne pas avoir affaire à une vraie personne et de ne pas recevoir le niveau d’attention et de service personnalisé auquel ils s’attendent.

Cela peut également conduire à une diminution de la confiance des clients envers leur avocat, ce qui peut nuire à l’efficacité de la représentation juridique.

L’utilisation de l’IA présente des risques pour les juges.

Dépendance excessive à l’égard de l’IA et perte de discernement juridique.

Des startups spécialisées (la legaltech) ont créé des logiciels pour accompagner les acteurs de la justice, en particulier les magistrats. Les juges pourraient ainsi devenir dépendants des outils d’IA pour prendre des décisions, ce qui pourrait limiter leur propre analyse et leur discernement juridique. Cela pourrait conduire à des décisions fondées sur des algorithmes biaisés ou incomplets, plutôt que sur une évaluation réfléchie des faits et du droit.

Manque de transparence et de compréhension des raisonnements de l’IA.

Les systèmes d’IA peuvent être complexes et opaques, ce qui peut rendre difficile pour les juges de comprendre comment ils arrivent à leurs conclusions. Cela peut compliquer l’évaluation de la fiabilité et de la pertinence des recommandations et limiter la capacité des magistrats à expliquer leurs décisions qui seraient établies sur l’IA.

Risques de biais et de discrimination algorithmiques

Si les systèmes d’IA utilisés par les avocats sont biaisés, cela pourrait conduire à des conclusions injustes présentées aux juges. Cela pourrait avoir des conséquences importantes sur les décisions de justice, en particulier dans des domaines comme la détermination de la peine ou la libération conditionnelle.

Érosion de la confiance dans le système judiciaire.

Une utilisation excessive et non transparente de l’IA pourrait nuire à la confiance du public dans le système judiciaire. Les justiciables pourraient avoir l’impression que leurs affaires ne sont pas traitées équitablement ou individuellement, mais plutôt par des machines impersonnelles.

Difficultés à garantir l’équité et l’accès à la justice.

L’accès aux outils d’IA coûteux pourrait exacerber les inégalités existantes dans le système judiciaire. Les justiciables sans moyens pourraient ne pas avoir accès aux mêmes technologies que les parties plus aisées, ce qui pourrait les désavantager dans les procédures judiciaires.

Conclusion.

S’il est avéré que certains logiciels fournissent aux juristes un gain de temps vertigineux, la fracture numérique entre ceux qui auront les moyens financiers d’intégrer ces technologies (et notamment les versions les plus fiables, payantes) et les autres va se creuser.

Et considérons également le risque d’une justice déshumanisée, rejetant les principes d’équité, sans pondération des faits en fonction du contexte.

Thémis, symbole d’impartialité et d’équité, doit se retourner dans sa tombe ! Son bandeau, autrefois symbole d’aveuglement impartial, lui sert désormais de voile pour pleurer l’avènement d’une ère où la Justice semble déterminée par des algorithmes froids et inhumains.

L’intelligence artificielle (IA) s’immisce sournoisement dans le système judiciaire, promettant une justice plus rapide et plus efficace. Mais à quel prix ? La balance de Thémis vacille, menacée par des logiciels prédictifs qui prétendent déterminer l’issue d’un procès avec une précision glaçante.

Ces oracles numériques, loin d’être infaillibles, s’appuient sur des données biaisées et des corrélations trompeuses. Ils risquent de perpétuer les injustices et les discriminations, enfermant la société dans un cercle vicieux d’inégalités.

Thémis hurle son indignation ! La justice ne peut se réduire à une équation mathématique, à un calcul de probabilités. Elle exige une compréhension fine des nuances humaines, de la complexité des situations et des motivations individuelles.

L’IA ne doit pas supplanter le jugement humain, mais l’assister. Elle peut être un outil précieux pour analyser des volumes considérables de données, identifier des tendances et repérer des anomalies. Mais, le verdict final doit toujours appartenir à des hommes et des femmes, capables de compassion, d’empathie et de discernement.

Ne laissons pas les machines s’emparer de notre Justice ! Défendons Thémis et les valeurs qu’elle incarne : l’impartialité, l’équité et l’humanité. Exigeons une justice impartiale, rendue par des êtres humains, pour des êtres humains.

Rejoignez le mouvement ! Ensemble, nous pouvons préserver l’âme de la justice et empêcher qu’elle ne soit réduite à une simple ligne de code.

Gildas Neger
Docteur en Droit Public

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L'auteur déclare avoir en partie utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article (recherche d'idées, d'informations) mais avec relecture et validation finale humaine.

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