Les débiteurs qui ne peuvent ou ne veulent pas payer opposent des objections récurrentes. Il faut savoir refuser ces arguments en faisant œuvre de persuasion, et opposer à ces éléments de fait, des arguments juridiques.
Attention : il était impossible de recenser ici toutes les objections qu’un débiteur peut opposer à une demande en paiement. On trouvera détaillés les arguments les plus fréquemment utilisés par les débiteurs. On peut les renverser en usant de certaines règles juridiques fondamentales, fort utiles pour exercer le recouvrement.
A. "Ce n’est pas moi qui ai commandé, c’est mon employé, il n’a aucun pouvoir"
"C’est moi qui dirige ici, et je n’ai jamais commandé cette chose que vous me demandez de payer."
Le créancier peut entendre cette objection, fréquente. Il répondra qu’il a contracté avec une personne, dont il avait toute raison de penser qu’elle était responsable et autorisée à contracter. En répondant ainsi, le créancier justifie sa demande parce que le contrat a été conclu sur la base du mandat apparent.
C’est le cas par exemple quand du papier à en-tête de l’entreprise débitrice a été utilisé, et quand la somme en jeu n’était pas si démesurément importante qu’elle aurait justifié de vérifier l’identité du débiteur apparent .
B. "J’attends d’être payé par un client"
"J’attends un chèque d’un client, je vous paierai dès que je l’aurai reçu".
Voilà une répartie fréquente, à laquelle on répondra que les contrats ont un effet relatif à l’égard des tiers. En effet, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes. Elles ne nuisent point aux tiers...
Cela signifie qu’un contrat conclu entre le débiteur et une autre personne ne regarde en rien le créancier, qui n’y est pas partie. Le débiteur n’a pas à subordonner son paiement envers nous, à la condition qu’un tiers le paie lui, dès lors qu’il s’agit d’un contrat dans lequel on n’est pas partie.
On rappellera au débiteur qu’il ne peut pas imposer de délai de paiement. Seul le créancier ou un juge peuvent accorder un délai de paiement : "le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette, même divisible" .
C. "J’ai déjà réglé"
C’est au débiteur de prouver qu’il a réglé. Si le débiteur invoque un paiement déjà intervenu, il faut donc lui demander les justificatifs de règlement. Et si jamais c’est le créancier qui s’est trompé et qui n’a pas enregistré le paiement, cela permettra de faire des recherches pour retrouver la trace du paiement.
Très souvent, le débiteur dit avoir réglé par chèque alors que le créancier n’a jamais reçu. Dans ce cas, il faut immédiatement proposer d’envoyer une lettre de désistement, et demander au débiteur d’envoyer un second chèque. Par cette lettre, le créancier s’engage à ne pas encaisser le premier chèque s’il venait à le retrouver, à la condition que le débiteur lui envoie un second chèque.
Modèle de lettre de désistement :
Madame (ou Monsieur),
Nous, soussignés...................... déclarons nous désister de tous nos droits sur le titre de paiement émis en notre faveur qui ne nous est jamais parvenu et dont voici les références :
CHÈQUE No...............
A échéance du...............
D’un montant de .............. ............... ................ euros , tiré sur votre compte no..................
Ouvert à ...............
Nous nous engageons expressément à ne pas le présenter à l’encaissement s’il venait à être retrouvé.
Nous vous remercions de nous faire parvenir par retour un chèque du même montant et vous prions de croire, Messieurs, en l’assurance de notre considération distinguée.
D. " Je ne vous paierai pas tant que vous ne m’aurez pas livré "
Si le débiteur exige d’être livré avant de payer, alors que le contrat prévoit que le paiement sera fait en premier, et qu’ensuite interviendra la livraison : le créancier peut opposer au débiteur l’exception d’inexécution, et ne pas livrer.
> Un particulier ayant passé une commande à distance (sur un site web, par exemple), pour une marchandise valant au moins 500 euros, et qui n’est pas livré dans le délai de livraison convenu, peut dénoncer le contrat (voir n° 2320).
E. " Vous ne pouvez pas tondre un œuf "
"Je n’ai rien en caisse, je ne peux pas vous payer maintenant".
Cette expression est fréquemment utilisée par le débiteur pour que son créancier renonce à le poursuivre. Mais il faut avoir à l’esprit que le débiteur n’est peut-être pas si insolvable qu’il le dit et qu’il a peut-être en tête de payer d’autres créanciers plus pressants.
Que le débiteur soit insolvable ou non, cela ne le dispense pas de respecter son obligation et donc de proposer des solutions. Il ne suffit pas au débiteur d’exciper de son insolvabilité actuelle, pour se défausser et refuser de payer.
Si le débiteur est effectivement peu solvable, et si on le poursuit, on n’oubliera pas que c’est le " prix de la course " qui compte. Il faut se montrer en ce cas déterminé et décidé en montrant que l’on fait du paiement de la dette une question de principe.
F. "C’est ça ou je dépose le bilan"
"Je vais couler si vous exigez que je paie maintenant".
Cette remarque d’un débiteur entraîne chez les créanciers la peur de poursuivre. Une telle remarque devrait justement inciter à agir rapidement. C’est ce qu’on doit faire comprendre à son débiteur. Si le dépôt de bilan est imminent, il est dans l’intérêt du créancier d’agir vite, pour se faire payer avant le dépôt inévitable.
G. "Vous n’avez qu’à poursuivre untel, il paiera ; Ce n’est pas à moi de payer"
"Allez demander le paiement à Untel".
C’est une objection courante chez les débiteurs solidaires d’une même obligation : ils sont chacun tenus de payer, y compris et à la place de l’autre. S’ils paient leur part et celle de leur co-débiteur, il leur faut ensuite se retourner contre leur co-débiteur pour que celui-ci prenne à sa charge la partie de la somme qui lui incombe ; mais donc, le créancier a le droit de demander l’intégralité de la somme due, à l’un d’eux.
Lorsqu’on est dans une telle situation face à des débiteurs solidaires, et que notre débiteur nous rétorque, au bout du fil ou lors d’une visite domiciliaire, qu’il suffit d’aller voir l’autre débiteur qui peut bien payer lui aussi, il faut expliquer calmement à son débiteur ce qu’implique la solidarité.
> Très souvent, on est contraint à poursuivre un seul débiteur, parce que l’autre a disparu. Il est intéressant d’obtenir du premier débiteur avec lequel on est en contact, des informations sur le second afin de s’adresser aussi à ce second débiteur : on sera payé plus facilement et en tout cas plus vite.
H. "Si vous continuez à me relancer, j’irai en justice"
Lorsqu’un débiteur menace son créancier de le poursuivre en justice parce qu’il le relance, il ne faut pas se laisser intimider. Il faut évidemment rester sûr de son droit et remettre le débiteur dans la perspective de la situation : il n’y rien d’illégal à exiger du débiteur qu’il remplisse son obligation.
I. " J’informerai vos clients de votre comportement"
Si un débiteur menace le créancier de faire savoir autour de lui qu’il poursuit ses débiteurs en paiement, on n’a pas de crainte à avoir. Réclamer un paiement n’est pas un signe de faiblesse financière, mais de rigueur de gestion. Si le produit ou le service fourni par le créancier est bon, personne ne lui tiendra rigueur d’exiger d’être payé à l’échéance. D’ailleurs, chacun joue le même jeu, en tirant le plus possible les délais de paiement chez les fournisseurs, tout en les diminuant au maximum avec les clients. D’autre part, dans la plupart des secteurs d’activité, on se connaît et les mauvais payeurs sont rapidement identifiés. On ne doit pas oublier non plus, que les autres clients sont souvent des concurrents du débiteur.