« Les juristes sont longtemps restés les parents pauvres du management ».

Propos recueillis par Réginald Le Plénier
La Rédaction du Village de la justice

3057 lectures 1re Parution: Modifié: 4.86  /5

Explorer : # gestion des risques # direction juridique # management juridique # communication interne

Gérer des ressources humaines ou être capable de communiquer efficacement sont des compétences que les départements juridiques maîtrisent. La rédaction du Village de la justice a rencontré David Zeitoun, Group General Counsel d’Unibail-Rodamco, première foncière d’Europe et cotée au CAC 40, qui est à la tête d’une direction qui a su mettre en valeur ces qualités.

-

Comment gérez-vous le risque au sein de votre direction juridique ?

Nous avons une direction juridique particulièrement bien positionnée et dimensionnée.

Positionnée parce que pour prévenir, anticiper et traiter les risques, vous devez être au cœur du business. C’est la meilleure manière de pouvoir déceler toutes les failles ou risques menaçant l’entreprise.

Chaque direction locale recense, évalue et pilote les risques de façon autonome.

Chez Unibail-Rodamco, la culture juridique est réelle et dès lors la direction juridique y a une place centrale. Le Groupe a mis en place un comité des risques transversal à plusieurs directions qui pilote le recensement et le suivi des risques dans le cadre d’une cartographie (« risk mapping »). Des critères d’intensité et d’occurrence ont été évalués afin de nous doter d’une vraie vision sur les menaces les plus importantes.
Sur le plan propre à la direction juridique, chaque direction locale recense, évalue et pilote les risques de façon autonome. Lors de chacun de mes déplacements en Europe, la revue des risques est systématique car il est indispensable d’estimer les impacts possibles engendrés par une évolution législative/réglementaire dans chacun des pays où nous sommes présents. Le Groupe Unibail-Rodamco a une culture tournée vers le résultat et très proactive. Nous avons dès lors une approche très opérationnelle de tout ce qui est de nature à contrarier l’atteinte de ce résultat.

La direction juridique du groupe regroupe près de 80 collaborateurs intervenant sur les différentes compétences dans lesquelles le Groupe opère. Comparativement à ce qui se fait traditionnellement dans le secteur immobilier, ce chiffre peut paraître important. C’est un choix éminemment stratégique que d’avoir conservé « in house » toutes les compétences et le savoir-faire nécessaires à notre core business de manière à ne dépendre de personne et à concentrer et nourrir les compétences indispensables à notre activité. Les plus grosses équipes sont positionnées en France, en Allemagne et en Espagne où le Groupe détient ses portefeuilles d’actifs les plus importants. Dans les autres pays, les équipes sont de format un peu plus réduit car adaptées aux besoins réels du Groupe.

Sur quels critères choisissez-vous un cabinet d’avocats ?

Dans la mesure où nous intervenons dans une douzaine de pays en Europe continentale, l’un de nos premiers critères est la capacité réelle pour un cabinet, à nous accompagner à l’international avec un niveau de prestations constant. Il doit avoir développé et couvrir l’ensemble des pratiques qui sont susceptibles de répondre efficacement et rapidement à nos besoins dans les différentes régions où nous opérons.

Le deuxième critère est l’expertise des cabinets sur les sujets pour lesquels nous avons besoin de conseils. Il nous arrive de travailler avec des cabinets purement locaux. Dans ce cas, nous recherchons les structures de « niche » qui ont une connaissance exceptionnelle de la réglementation nationale et hyper spécialisées.
Nous avons la volonté affichée d’être très exigeants et notre ambition, traduit dans notre Group Legal Policy, est de ne travailler qu’avec les meilleurs cabinets dans chacun des pays.

Comment gérez vous vos frais d’avocats ?

Le budget honoraires d’avocats du Groupe est considérable et à la hauteur des enjeux et problématiques couverts ainsi que de l’ampleur de notre stratégie d’investissement et de développement. Le pilotage et l’optimisation « coût/services » est donc une préoccupation constante des équipes de la Direction Juridique.

Les efforts financiers qu’il nous arrive de demander à nos conseils sont en grande partie récompensés par une vraie fidélité dans la pratique et dans le temps et d’une réelle approche partenariale guidée par une logique « gagnant-gagnant ».

La contrepartie de cette philosophie est que nous concentrons nos relations sur un nombre limité de cabinets afin d’assurer un vrai volume d’affaires, permettre un « retour à meilleure fortune » dans le temps et être en mesure d’être un client vraiment exigeant.

Comment parvenez-vous à développer et nourrir la notion d’appartenance au sein de votre direction juridique ?

Avoir des compétences en gestion des ressources humaines est fondamental.

Avoir des compétences en matière de gestion des ressources humaines est fondamental car les juristes, comme n’importe quel collaborateur, ont besoin d’être suivis et encouragés.

Le plus important est d’avoir une vraie vision managériale de la direction juridique. Les juristes sont longtemps restés les « parents pauvres » du management et il n’existe aucune formation dans tout leur cursus universitaire qui enseigne les principes managériaux et la gestion d’un département juridique ou tout simplement d’une équipe ou d’un projet.

Tout juriste doit pouvoir participer à des formations, avoir une visibilité sur son déroulement de carrière, connaître les éventuelles mobilités offertes et surtout échanger et se réunir.

Je crois beaucoup au travail collaboratif et au développement des plateformes d’échanges, à fortiori quand on a la chance d’appartenir à un groupe doté d’une forte identité internationale. La vraie richesse de nos postes est de pouvoir échanger avec un collègue en Espagne ou en République Tchèque sur des problématiques transverses, sur des idées développées sur un schéma local mais potentiellement transposables dans d’autres pays.

Favoriser les échanges et les rencontres physiques sont également très importants. Cela peut se faire à travers des séminaires ou l’organisation de groupes de travail dédiés à une thématique regroupant des juristes de différents horizons et pays.
L’idée est, là encore, de développer, de partager une compétence, une expérience, un savoir-faire. Les échanges sont facilités et fortement encouragés et un juriste peut décrocher son téléphone et appeler un collègue rencontré lors d’un séminaire pour échanger rapidement et directement avec lui.

Quels outils utilisez-vous pour communiquer avec vos clients internes ?

La formation est un outil de communication.


Aujourd’hui, de plus en plus d’outils sont mis en œuvre pour aider le juriste dans son quotidien et lui permettre de se consacrer aux missions à forte valeur ajoutée.
Comme tout groupe international, nous sommes dotés de moyens classiques de communication : visioconférence, réseaux internet/intranet, plateformes d’échanges.
Nous avons aussi des outils spécifiques à la direction juridique pour améliorer nos échanges.

Cela permet d’avoir des fichiers partagés, de poster des modèles, des documents standards organisés par pays ou par thématique. Ainsi un juriste français peut aller consulter le travail réalisé par un juriste espagnol sur une question précise. Malgré tout, il subsiste un petit bémol : la langue. Notre langue de travail est l’anglais mais un certain nombre de documents sont rédigés dans leur langue locale ce qui peut rendre leur compréhension difficile.

Avec les autres directions du Groupe, nous travaillons essentiellement en mode projet. Nous sommes organisés de façon à échanger de façon efficace avec nos interlocuteurs dès la phase embryonnaire du projet jusqu’à son achèvement. Pour ce faire nous disposons bien évidemment d’outils informatiques souvent développés en interne pour correspondre à nos besoins propres.

Enfin, j’attache une attention particulière à la formation. La direction juridique est un gros fournisseur de formations au sein du groupe. Pour moi, c’est un outil de communication car il permet de mettre en visibilité les compétences, le savoir-faire, la complexité de la tâche des juristes auprès de nos clients internes. C’est aussi un excellent investissement qui permet de développer la conscience juridique de nos collègues et collaborateurs. L’objectif n’est pas de les convertir en juriste mais les imprégner de culture juridique.

Nous utilisons tous les outils classiques, physiques et digitaux, pour communiquer autour de nous. Si le numérique prend de plus en plus d’importance, je reste convaincu que le contact humain a encore un rôle à jouer dans la communication. Il faut juste trouver le bon équilibre parce que les relations humaines restent très importantes dans nos métiers où les notions de « confiance » et de « sur-mesure » demeurent extrêmement importantes.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27861 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs