Agents commerciaux : des mandataires professionnels au service des entreprises.

Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat

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L’article L. 134-1 du Code de commerce donne une définition précise de l’agent commercial : « (…) un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. (…) ».

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Recourir à des agents commerciaux présente pour les entreprises des avantages certains.

Dégagés de toutes obligations et charges incombant aux employeurs, les mandants bénéficient ainsi au travers d’agents commerciaux d’une force de vente efficace, à frais réduits, qui leur permet de se faire connaître auprès d’une nouvelle clientèle et d’appréhender efficacement la situation économique et commerciale du marché.

Avant de s’engager contractuellement avec tout agent commercial, l’entrepreneur doit toutefois se renseigner sur l’étendue des règles obligatoires applicables en la matière,qui sont issues de la loi n°91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, codifiée dans les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce.

1- Le contrat de mandat doit respecter des règles obligatoires.

En application de l’article L. 134-16 du Code de commerce, le contrat d’agent commercial ne peut contenir des clauses dérogeant à nombre de dispositions légales, et notamment les suivantes :

-  article L. 134-9 alinéa 2 : « La commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l’opération ou devrait l’avoir exécutée si le mandant avait exécuté sa propre part. Elle est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise. » ;

-  article L. 134-10, alinéa 1er : « le droit à la commission ne peut s’éteindre que s’il est établi que le contrat entre le tiers et le mandat ne sera pas exécuté et si l’inexécution n’est pas due à des circonstances imputables au mandant. » ;

-  article L. 134-11, alinéas 3 et 4 : « La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l’absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d’un mois civil ».

L’article 134-16 du Code de commerce précise, en effet, que toute clause ou convention contraire est réputée non écrite.

2- L’agent commercial doit être indépendant sous peine notamment de requalification en contrat de travail.

L’agent commercial exerce une profession indépendante. Il est soumis à la taxe professionnelle et les commissions qu’il perçoit dans l’exercice de son mandat sont considérées comme des bénéfices non commerciaux.

Il est par ailleurs soumis au régime des non-salariés en matière de prestations familiales, assurance maladie et retraite vieillesse obligatoire et complémentaire.

Le prétendu agent commercial qui exerce son activité sous le contrôle du mandant, dans les bureaux du mandant et en utilisant les moyens matériels du mandant, se trouvait dans un lien de subordination à l’égard de ce dernier, justifiant son assujettissement au régime général de la Sécurité Sociale (Cass. soc., 22 oct. 1986, n° 83-14156).

Si l’indépendance de l’agent commercial n’est pas assurée, le contrat sera requalifié en contrat de travail.

L’existence d’un lien de subordination peut ainsi également justifier le paiement d’indemnités de licenciement. Il en a été jugé ainsi a propos d’employés d’une agence immobilière quand bien même ces derniers étaient-ils inscrits au registre des agents commerciaux (Cass. soc., 2 juin 1988, n° 85-42964).

Une réponse ministérielle n° 59033 du 12 octobre 1992 précise ses instructions aux URSSAF : « Il appartient aux URSSAF, lorsque les contrôles effectués font apparaître, entre un prétendu agent commercial et son mandant, l’existence d’un lien de subordination, de requalifier le contrat d’agence en contrat de travail et d’imposer à l’employeur le paiement des charges antérieurement dues. »

Il a ainsi été jugé qu’avaient la qualité de salariés les personnes ayant signé un « contrat dès lors qu’elles travaillent dans le cadre d’un service organisé par celui qui utilise leurs services et qui en a le risque et le profit, moyennant les commissions dont il fixe seul les taux et dans les secteurs qu’il détermine, de sorte qu’elles se trouvent sous sa totale dépendance » (Cass. soc., 5 mars 1981, n° 79-16869).

3- La loi protège l’agent commercial en prévoyant, en cas de rupture contractuelle, l’octroi automatique d’une indemnité compensatrice, sans qu’il soit besoin pour cet agent commercial de démontrer une quelconque faute de la part de son mandant.

L’article L. 134-12 alinéa 1 du Code de commerce dispose ainsi qu’« en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. »

Toujours en application de l’article L. 134-16 du Code du commerce, toute clause ou convention contraire est réputée non écrite.

En application de l’article L. 143-12 alinéa 2, « l’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits. »

Selon une jurisprudence constante, le montant de l’indemnité compensatrice équivaut, dans la grande majorité des cas, au montant des commissions perçues sur deux années ; le calcul étant effectué en prenant pour référence les trois dernières années avant la cessation du contrat.

Les juges évaluent le montant de l’indemnité à deux années de commissions même lorsque la durée des relations contractuelles est inférieure à deux ans s’ils estiment que la rupture des relations contractuelles par le mandant si le mandant leur apparait être de mauvaise foi.

Il a ainsi été jugé que l’indemnité due à l’agent devait être minorée lorsque l’agent n’a pas envoyé régulièrement ses rapports d’activité comme le contrat lui en faisait l’obligation car, si ce manquement est insuffisant à justifier, à lui seul, la rupture du contrat d’agence, il a néanmoins privé le mandant d’ une source régulière d’informations propres à l’éclairer dans ses choix stratégiques vis-à-vis de la concurrence (CA Paris, 27 octobre 2000 - indemnité fixée à six mois de commissions).

De même, l’indemnité de fin de contrat peut se cumuler avec des dommages intérêts pour rupture abusive lorsque les circonstances de la rupture révèlent un comportement fautif du mandant.

Dès lors, afin d’amener les juges à évaluer l’indemnité compensatrice à un montant inférieur à deux années de commissions, le mandant doit apporter la preuve de sa totale bonne foi et démontrer que les relations commerciales n’ont pas été rompues de façon brutale mais que la rupture a été provoquée par un comportement fautif de l’agent commercial.

Pour éviter d’avoir à verser toute indemnité compensatrice, la seule solution est d’invoquer, en application de l’article L. 134-13 1° du Code de commerce que « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial. »
Les juges retiennent très rarement l’existence d’une faute grave qu’ils définissent de la façon suivante :

« La faute grave de l’agent commercial est celle qui justifie une cessation du contrat sans délai en portant atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et en rendant impossible le maintien du lien contractuel. » (Ccass. 21 juin 2011, n°10-19902).

Le seul manque d’efficacité de l’agent commercial n’est ainsi en aucun cas constitutif d’une faute grave.

Il a ainsi été jugé que n’avait pas commis de faute grave l’agent commercial qui n’avait pas prouvé avoir respecté les quotas contractuels pour cause de marasme économique, cette circonstance étant impropre à établir qu’il a commis une faute, seule condition pouvant le priver de son droit à indemnité (Cass. com. 13 novembre 1990, n° 89-16448).

Les juges ont ainsi notamment retenu l’existence d’une faute grave à l’encontre de l’agent commercial qui d’une part, a pris des contacts désordonnés, avec la clientèle, faisant des promesses en dehors des possibilités d’approvisionnement malgré les menaces et les avertissements du mandant et qui, d’autre part, a refusé de respecter les procédures de vente et a accordé des remises supérieures à celles préconisées sur le plan national (CA Paris, 4e ch. B, 4 octobre 1996, Socopral c/ Sté Domaines Michel Bernard).

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