Depuis la réforme, il n’est plus fait référence à la notion d’ « avenant » ou de « décision de poursuivre ». On parle désormais de « modification ».
Le principe est simple : toute modification substantielle du marché public est interdite.
Ce n’est sur ce point pas un grand changement, puisque, sous l’empire des anciens textes, les modifications ne devaient pas changer l’objet du marché ou bouleverser son économie initiale.
Le décret liste les hypothèses dans lesquelles la modification n’est pas considérée comme substantielle (6 hypothèses).
L’avantage est qu’on connait précisément les cas de recours à la modification du contrat, et la situation des acheteurs publics sera certainement moins aléatoire qu’auparavant (notamment en raison des fluctuations de jurisprudence concernant les taux de modification de 15 à 25 % pour le seuil du bouleversement de l’économie du contrat).
Même si la jurisprudence devra le confirmer, il semble que désormais, un marché passé en procédure adaptée pourra dépasser le montant du seuil formalisé à travers sa modification, du moment que cette modification correspond à l’une des 6 hypothèses.
1 – Les 6 hypothèses de modification des marchés publics
L’article 139 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 fixe 6 cas dans lesquels le marché public peut être modifié.
La modification opérée ne doit, dans tous les cas, pas altérer la nature globale du contrat.
Le marché public peut désormais être modifié dans les cas suivants (il suffit donc de rentrer dans un cas pour la modification) :
1.1 - La clause de réexamen dans le contrat initial
Lorsque les modifications, quel qu’en soit leur montant, ont été prévues dans les documents contractuels initiaux sous la forme de clauses de réexamen.
Ces clauses de réexamen peuvent porter sur la variation du prix, et/ou sur des options. Le champ d’application est donc extrêmement large.
En d’autres termes, il s’agit de l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur a anticipé les modifications qui pourraient intervenir dans le cadre de l’exécution du marché. Dans ce cas, la mise en concurrence initiale n’est pas faussée.
Cette option est très intéressante pour les pouvoirs adjudicateurs, car le montant n’est pas limité.
Même si la modification opérée ne doit tout de même pas altérer la nature globale du contrat, on peut imaginer que le fait de l’inclure en amont dans le contrat permet de laisser une grande liberté à l’acheteur public.
Il faudra cependant être extrêmement vigilant sur la rédaction de la clause de réexamen, pour prévoir les cas et les conditions de sa mise en œuvre.
Ces clauses doivent indiquer le champ d’application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage.
Ces clauses doivent être claires, précises et sans équivoque.
1.2 - Les prestations supplémentaires
C’est l’hypothèse où des travaux, fournitures ou services supplémentaires, quel qu’en soit leur montant, sont devenus nécessaires et ne figuraient pas dans le marché public initial, à la double condition que :
un changement de titulaire soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment à des exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché public initial,
un changement de titulaire présenterait un inconvénient majeur ou entraînerait une augmentation substantielle des coûts pour l’acheteur.
Attention cependant : lorsque le marché public est conclu par un pouvoir adjudicateur, le montant des modifications ne peut être supérieur à 50 % du montant du marché public initial.
1.3 - Les circonstances imprévues pour un acheteur diligent
Lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir.
On ne sait pas encore quelle définition sera donné de l’ « acheteur diligent », ni des « circonstances » non prévisibles.
La notion de « prévoir » semble renvoyer à un régime proche de la « théorie de l’imprévision » ou aux « sujétions techniques imprévues » de l’article 20 du Code des marchés publics.
Mais il semble qu’il soit également fait appel à la responsabilisation des acheteurs publics, puisqu’on peut désormais distinguer les acheteurs diligents et les acheteurs non diligents.
A noter que dans cette hypothèse, lorsque le marché public est conclu par un pouvoir adjudicateur, le montant des modifications ne peut être supérieur à 50 % du montant du marché public initial.
Il faudra cependant être extrêmement vigilant sur la rédaction du contrat, pour être en mesure le cas échéant dans l’avenir que l’acheteur a été « diligent ».
En définitive, le recours à cette hypothèse s’avère pour l’instant risqué, puisqu’il y a de nombreuses incertitudes sur ses conditions d’application.
1.4 - Le changement de cocontractant
C’est l’hypothèse dans laquelle un nouveau titulaire remplace le titulaire initial du marché public.
Cette possibilité est limitée à des cas limitativement énumérés.
Une clause de réexamen (ou une option) peut l’avoir prévu. Dans ce cas, en application du contrat, la substitution est possible.
Ce changement peut également être opéré dans le cas d’une cession du marché public, à la suite d’une opération de restructuration du titulaire initial, à condition que cette cession n’entraîne pas d’autres modifications substantielles et ne soit pas effectuée dans le but de soustraire le marché public aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le nouveau titulaire doit remplir les conditions qui avaient été fixées par l’acheteur pour la participation à la procédure de passation du marché public initial.
Il faudra donc rédiger une clause de réexamen incluant les hypothèses de substitution de cocontractant, au-delà de la cession du marché à la suite d’une opération de restructuration...
1.5 - Les modifications inférieures à certains seuils
Il s’agit de fixer des seuils en dessous desquels la modification, considérée comme mineure, est admise par principe.
Le montant de la modification doit tout d‘abord être inférieur aux seuils européens.
Ensuite, le montant de la modification est limité :
à 10% du montant du marché initial pour les marchés publics de services et de fournitures
ou à 15% du montant du marché initial pour les marchés publics de travaux.
Ces seuils sont plus faibles que ceux antérieurement retenus par la jurisprudence (de 15 à 25%, concernant le bouleversement de l’économie du contrat).
Pour cette hypothèse, l’article 140 du décret précise que « lorsque plusieurs modifications successives (…) sont effectuées, l’acheteur prend en compte leur montant cumulé ». Si le seuil est dépassé, il faudra chercher une solution alternative dans les 5 autres hypothèses…
Stratégiquement, comme cette hypothèse fonctionne du moment que le seuil n’est pas dépassé, il faudra donc toujours s’assurer avant de l’utiliser qu’aucun autre fondement de modification ne peut être utilisé.
Le pourcentage de 10 ou 15% s’apprécie au regard du montant initial du marché public après application, le cas échéant, de la clause de variation des prix. Ainsi, lorsqu’une clause de variation a augmenté de 4% le prix initial du marché public, la valeur de la modification est calculée à partir du prix initial augmenté de 4%. Cette logique de calcul se justifie par la nécessité de prendre en compte la réalité financière d’un marché public à l’instant où la modification est envisagée.
1.6 - Les « modifications non substantielles »
Au-delà des seuils indiqués supra, il est possible de modifier le marché lorsque les modifications, quel qu’en soit leur montant, ne sont pas substantielles.
Une modification est considérée comme substantielle lorsqu’elle change la nature globale du marché public.
Le décret précise qu’ « en tout état de cause, une modification est substantielle lorsqu’au moins une des conditions suivantes est remplie » :
a) Elle introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d’opérateurs économiques ou permis l’admission d’autres opérateurs économiques ou permis le choix d’une offre autre que celle retenue,
b) Elle modifie l’équilibre économique du marché public en faveur du titulaire d’une manière qui n’était pas prévue dans le marché public initial,
c) Elle modifie considérablement l’objet du marché public (a contrario une modification résiduelle de l’objet du marché semble donc être possible),
d) Elle a pour effet de remplacer le titulaire initial par un nouveau titulaire en dehors des hypothèses prévues pour le changement de cocontractant.
Il suffit que l’une de ces conditions soit remplie pour que la modification soit considérée comme substantielle.
L’ajout de « en tout état de cause » semble vouloir dire qu’au-delà de ces conditions, une modification substantielle peut être constituée si elle change la nature globale du marché public. La définition est vague. Cela rend donc incertain le recours à cette hypothèse.
L’ajout de « en tout état de cause » semble vouloir dire qu’au-delà de ces conditions, une modification substantielle peut être constituée si elle change la nature globale du marché public.
2 – Les règles de procédure
Un bref rappel des règles particulières de procédure s’impose.
Tout projet d’avenant à un marché d’une collectivité territoriale, d’un établissement public local (autre qu’un établissement public social et médico-social) entraînant une augmentation du montant global du marché supérieure à 5 % doit être soumis pour avis à la commission d’appel d’offres lorsque le marché initial avait été lui-même soumis à la commission d’appel d’offres. L’assemblée délibérante qui statue le cas échéant est préalablement informée de cet avis.
Le texte devra être modifié, car il n’est pas fait mention de modification du contrat (unilatérale ou bilatérale) mais d’avenant (bilatérale), cette notion n’étant plus reprise par les nouvelles dispositions.
Ensuite, pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée, l’acheteur public doit, pour les marchés en procédure formalisée pour les prestations supplémentaires et les circonstances imprévues, publier un avis de modification au JOUE.
En cas de modification substantielle, le pouvoir adjudicateur pourra résilier son marché et relancer une nouvelle procédure de mise en concurrence.