En l’espèce, un avocat au barreau de Paris avait cherché à contester la légitimité d’une décision du Conseil de l’Ordre rendue à son encontre, en pointant du doigt le fait que les membres de la formation de jugement entretenaient des « liens d’amitié » sur les réseaux sociaux.
Dès lors, pour ce dernier, ces « relations » rendaient de facto caduc le verdict rendu par cette même formation disciplinaire.
Cependant, la Cour de cassation, confirmant l’analyse des juges du fond, a évacué l’argument, estimant que la Cour d’appel de Paris avait souverainement décidé que « le terme d’"ami" employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme ».
Ainsi, « l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière ».
Selon la Haute juridiction, le réseau social est « simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession ».
Considérant que le moyen n’était pas fondé, elle a rejeté le pourvoi.
Cette décision est, à notre connaissance, inédite, bien que la Haute juridiction ait déjà eu l’occasion de se pencher sur des problématiques liées à l’utilisation des réseaux sociaux, particulièrement sur des questions relatives à la liberté d’expression ou à la distinction vie privée/vie publique.
Notamment, dans un arrêt du 10 avril 2013 (n°11-19.530), la Cour de cassation s’était prononcée sur la notion d’injure publique, alors qu’une salariée avait posté sur ses pages Facebook et MSN un message en faveur « l’extermination des directrices comme la [sienne] » et des « patronnes [...] qui nous pourrissent la vie ».
La Haute Cour avait estimé celle-ci ne pouvait pas se voir reprocher d’avoir tenu ces propos publiquement puisqu’ils n’étaient accessibles qu’à ses « amis » ou « contacts ». Étant peu nombreux et agréés entre eux, auteur et lecteurs se trouvaient liés par une « communauté d’intérêt ». Ce qu’ils échangent n’est donc pas « public ».
A l’époque, d’aucun avait trouvé regrettable que la Haute Cour n’ait pas saisi l’occasion de préciser d’avantage la notion de « communauté d’intérêt » à travers le prisme des réseaux sociaux.
Par ailleurs, l’usage de Facebook avait préalablement fait jurisprudence en matière de sanctions disciplinaires et de licenciements.
Ainsi, la Cour d’appel de Rouen, dans un arrêt du 15 novembre 2011, avait admis que « l’existence de propos injurieux et calomnieux sur Facebook ne justifie un licenciement que si ces propos ont été tenus dans un cadre public. Il faudra ainsi prouver que les paramètres de confidentialité du compte Facebook de l’employé ont été inadéquats pour que soit admis le caractère de correspondance privée ».
De même, dans un arrêt du 9 juin 2010, la Cour d’appel de Reims avait jugé qu’« en mettant un message sur le mur d’une personne dénommée "ami", le salarié s’expose à ce que cette personne ait des centaines "d’ amis" ou n’ait pas bloqué les accès à son profil et que tout individu inscrit sur Facebook puisse accéder librement à ces informations (coordonnées, mur, messages, photos) ».
Enfin, dans un jugement du 19 novembre 2010, le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt avait estimé qu’était fondé le licenciement de deux salariés qui avaient critiqué leur hiérarchie sur Facebook, au motif que « les salariés ne peuvent pas impunément critiquer ou avoir des propos injurieux ou diffamatoires à l’égard de leurs employeurs » et parce que leurs propos avaient été publiés sur un « mur » visible publiquement.
Les salariés avaient mis en avant, lors de l’audience, le secret des correspondances qui interdit à une entreprise de se servir de propos écrits dans un e-mail ou une lettre pour licencier un salarié.
En appel, la Cour d’appel de Versailles avait considéré en février 2011 que leur licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Mais le juge avait fondé sa décision sur un vice de procédure, sans se prononcer sur le fond du dossier, et notamment sur le caractère public ou privé des propos publiés sur le site communautaire.
Le développement des outils de communication virtuels risque de soulever de plus en plus de questions en termes d’appréciation des comportements et relations sociaux.
A cet égard, l’arrêt du 5 janvier 2017, à première vue anodin, déclenche déjà des interrogations, notamment au regard de l’observation par les services de renseignement des « liens d’amitié » sur Facebook ou d’autres réseaux sociaux « pour déterminer si une personne en relation avec des individus fichés pour terrorisme ».
A suivre…
Discussions en cours :
Merci pour cet intéressant commentaire. Est-on sûr qu’en l’espèce le réseau social en cause était bien Facebook (l’arrêt de la Cour de cassation ne le mentionne pas) ?
Tout est vraiment argumentaire/ argumentable dans la vie.
Le tout est d’avoir une conviction profondes.
DINGUES !!