La question est relativement classique, tant il est tentant, lorsqu’un concurrent vient s’installer près d’un commerce et demande pour cela un permis de construire, de s’opposer à ce permis de construire pour éviter de subir la concurrence future de ce commerçant.
Dans le cas jugé par le Conseil d’Etat le 17 mars 2011, la concurrence opposait une société propriétaire d’un supermarché et celle qui venait d’obtenir un permis de construire pour un magasin LIDL.
La société déjà installée avait obtenu du juge des référés qu’il suspende le permis de construire qui avait été accordé, et le juge des référés avait considéré qu’elle avait intérêt et qualité à agir.
Le Conseil d’Etat ne partage pas cette opinion, et juge que "en dehors du cas où les caractéristiques de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité".
Voici le texte de cet arrêt :
"Vu, I° sous le n° 341077, le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 1er juillet, 15 juillet et 4 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DU VIGAN, représentée par son maire ; la COMMUNE DU VIGAN demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1001214 du 16 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Distribution Viganaise, suspendu l’exécution de l’arrêté du 3 avril 2009 par lequel le maire du Vigan a accordé à la société Lidl un permis de construire un supermarché sur le territoire de la commune ;
2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions de première instance de la société Distribution Viganaise ;
3°) de mettre à la charge de la société Distribution Viganaise le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, II° sous le n° 341094, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er et 15 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE LIDL, dont le siège est 35, rue Charles Péguy à Strasbourg (67200), représentée par ses gérants en exercice ; la SOCIETE LIDL demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1001214 du 16 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Distribution Viganaise, suspendu l’exécution de l’arrêté du 3 avril 2009 par lequel le maire du Vigan lui a accordé un permis de construire un supermarché sur le territoire de la commune ;
2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions de première instance de la société Distribution Viganaise ;
3°) de mettre à la charge de la société Distribution Viganaise le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,
les observations de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la COMMUNE DE VIGAN, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Distribution Viganaise et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE LIDL,
les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la COMMUNE DE VIGAN, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Distribution Viganaise et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE LIDL ;
Considérant que les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 16 juin 2010 ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’en dehors du cas où les caractéristiques de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité ; qu’il suit de là qu’en se fondant, pour reconnaître l’intérêt de la société Distribution Viganaise à demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du maire du Vigan du 3 avril 2009 délivrant à la SOCIETE LIDL un permis de construire pour l’édification d’un bâtiment à usage commercial sur le territoire de cette commune, sur l’importance du projet ainsi que sur la distance séparant le terrain d’assiette du projet litigieux du site sur lequel est implantée la société demanderesse, ce juge a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, l’ordonnance attaquée doit, dès lors, être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société Distribution Viganaise ne justifie d’aucun autre intérêt que celui tiré de la concurrence commerciale avec la SOCIETE LIDL ; qu’à cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’accroissement du flux de circulation induit par la nouvelle construction soit, eu égard à la localisation respective du site retenu pour le projet et de l’implantation actuelle de la société Distribution Viganaise, de nature à affecter les conditions d’exploitation de son commerce ; qu’il suit de là que cette société ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du 3 avril 2009 délivrant à la SOCIETE LIDL un permis de construire ; que sa demande doit, dès lors, être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la COMMUNE DU VIGAN et de la SOCIETE LIDL qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Distribution Viganaise, au profit des deux requérantes, une somme de 1 500 euros chacune à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 16 juin 2010 est annulée.
Article 2 : La demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du maire du Vigan du 3 avril 2010 présentée par la société Distribution Viganaise, ainsi que ses conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Distribution Viganaise versera à la COMMUNE DU VIGAN et à la SOCIETE LIDL une somme de 1 500 euros chacune au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DU VIGAN, à la SOCIETE LIDL et à la société Distribution Viganaise."
On notera que le Conseil d’Etat avait déjà jugé dans des termes similaires cette question, dans le cadre d’un recours engagé par une société spécialisée dans la restauration rapide contre l’un de ses concurrents : voyez sur ce point notre article
Quick, Mac Donald’s et le contentieux de l’urbanisme.