Il est vrai que certains avocats, d’emblée, continuent de confier leurs dossiers d’appel aux bons soins de postulants spécialisés, préférant le surcoût de la procédure à l’engagement de leur responsabilité sur les chemins tortueux du décret Magendie.
D’autres se lancent en solo, parfois avec perte et fracas...
Car les sanctions pour manquement à la procédure sont sévères. Caducité de l’appel pour non respect des délais de dépôt des conclusions, irrecevabilité pour non règlement de la taxe d’appel, communication simultanée des conclusions et pièces... ou autant de risques de perdre « bêtement » une procédure parfois avant même d’avoir conclu !
Les anciens avoués en revanche maîtrisent parfaitement « le champ de mine qu’est la procédure Magendie » rappelle Me BOCCON-GIBOD, Directeur Général de la structure Lexavoué, dans une interview pour la Lettre des juristes d’affaires.
C’est probablement pour cette raison que certains avocats, qui se réjouissaient pourtant de pouvoir se passer des avoués, n’ont finalement pas coupé tout contact avec leurs nouveaux confrères.
En effet, il n’est pas rare que l’un d’entre eux appelle, l’air de rien, son ancien avoué pour lui demander une précision sur tel ou tel point de procédure. Vient alors la question fatidique : « De quel dossier s’agit-il ? » et la réponse gênée « ... c’est un dossier que je traite seul en réalité... hum hum ».
Si les anciens avoués ont du user de stratégie pour conserver jalousement les secrets de la procédure d’appel, cette nouvelle habitude de leurs confrères plaidants a inspiré le cabinet GAUTIER & LHERMITTE, avocats spécialistes en procédure d’appel au barreau de Rennes.
Depuis septembre 2013 le cabinet propose en effet un service de conseil de procédure en ligne. Le principe est simple : sur son site www.conseil-en-procedure.fr , le cabinet offre aux avocats la possibilité de leur poser une question de procédure directement en ligne. Une réponse à la question est fournie dans un laps de temps déterminé. Le prix de la prestation varie selon que la requête concerne une simple question de procédure ou une véritable « mission de sauvetage ».
C’est ce qu’on appelle tirer parti d’une situation.
On peut saluer la volonté entreprenariale des deux anciens avoués.
On peut aussi se questionner sur la viabilité du système... Le savoir a beau être monnayé, il est bel et bien transmis... pour de bon ! N’y a t-il pas un risque que le serpent se morde la queue ? Plus les avocats posent de questions... moins ils posent de questions ! Un risque à prendre donc.
A suivre en tous cas.
Discussions en cours :
Cher Confrère,
Article intéressant, mais peut-être un tantinet partial...? D’accord, vous l’avez indiqué d’emblée !
Pour les délais, j’ai adopté un système infaillible que je soumets au confrère, après trop de frayeurs. J’ajoute que je pratique principalement le droit public, aussi les délais de deux mois sont mon pain quotidien... et en outre je suis spécialisée en contentieux de l’urbanisme, lequel nécessite la notification des recours dans un délai limité (15 jours), puis d’en justifier ensuite immédiatement auprès de la juridiction...
Adoptez un calendrier mural dédié et non votre agenda surchargé pour y noter ces délais, calendrier que vous afficherez devant vos yeux sur le mur de votre bureau. Tous les délais y seront notés au fur et à mesure (en rouge même, me concernant, sur le noir des dates), avec une jolie image pour rêvasser au-dessus en cas de baisse de régime. Vous serez obligé de les voir et ne les oublierez plus.
Ca vaut tous les pop-ups, rappels informatiques et autres, testés, et inefficaces.
Parole d’expérience, parfois douloureuse...
Cordialement,
Armelle de LESPINAY
Chère consoeur,
On peut être partial et objectif.
Donc, tout article de fond sera nécessairement partial, sauf à faire de l’information froide et se contenter de dire qu’un site de conseil en procédure civile a été ouvert. Mais tout de suite, c’est tout de même moins intéressant, surtout pour le lecteur. Le style AFP a ses limites en terme d’intérêt de lecture.
Quant à votre système, il est certainement parfait... pour un nombre limité de dossiers en appel. Quand vous avez 20 dossiers, ça peut passer. Quand vous en suivez plusieurs centaines, vous devez abandonner les petits papiers au profit d’une méthode plus aboutie. Nous avons ainsi au cabinet une informatique qui nous permet de suivre les délais, avec édition automatique des courriers et agendas (et suivi humain bien évidemment). Sans ce système, il est évident que nous aurions des pépins.
Et la procédure d’appel ne peut pas se résumer à : l’appelant à trois mois pour conclure, l’intimé a quant à lui deux mois pour répondre.
Il y a des subtilités, ce qui du reste en fait la richesse de la procédure civile, et nous permet d’introduire de très nombreux incidents de procédure.
Suivre les délais, c’est une chose, mais ce n’est pas tout.
Cordialement,
Christophe lhermitte
C’est avec un étonnement ravi que j’ai pris connaissance (j’avoue, un peu par hasard...) de votre excellent article.
Etant l’un des deux avocats ayant lancé le site www.conseil-en-procedure.fr, je me permets de répondre à votre pertinente interrogation.
Tout d’abord, une réponse par une question : le patient se sent-il davantage capable de se soigner à mesure qu’il va chez son médecin ? Je ne le pense pas.
De plus, l’éventail de questions et de demandes d’intervention en procédure est suffisamment vaste, comme nous le démontre du reste celles auxquelles nous sommes "confrontées" depuis l’ouverture.
De la question nous demandant notre avis sur l’article 911 in fine du CPC, à la prise en charge de conclusions d’incident sur une caducité de déclaration d’appel - avec plaidoiries de l’incident pour le confrère - il y a de quoi faire.
L’entraide en procédure civile que nous proposons aux confrères ne pourra pas se transformer en "coaching". L’avocat qui nous aura interrogé saura peut-être désormais éviter le même piège, mais il y en a tellement d’autres (parfois insoupçonnés par les plus aguerris en procédure) : le terrain est miné, et ça peut déraper à tout moment, sans crier gare, dans n’importe quel dossier, et quel que soit le nombre de parties. Nous pouvons donc intervenir à plusieurs reprises pour le même avocat.
D’autre part, un avocat qui a appris (que ce soit via le site, ou en situation, dans le cadre d’un incident de procédure) ne transmet pas nécessairement son savoir à son confrère (il n’a du reste pas toujours envie de dire à son confrère qu’il a loupé un délai, qu’il n’a pas vu un problème de recevabilité, etc.). Même en évitant à un avocat de reproduire son erreur, il en reste plusieurs dizaines de milliers susceptible de se prendre les pieds dans le code... étant précisé que nos réponses ne sont pas publiées : elles sont adressées personnellement à l’avocat qui nous interroge, dans le respect du secret des correspondances.
Par conséquent, nous ne pensons pas que le principe du site porte en germe sa fin programmée. Les demandes ne vont pas diminuer à mesure que nous répondons aux interrogations en procédure civile, et ce d’autant au regard du nombre d’avocats qui ont potentiellement besoin d’une aide en procédure.
Il faut consacrer du temps, beaucoup de temps, pour commencer à être un peu à l’aise avec la procédure, et notamment la procédure d’appel. Nos quelques réponses ne suffiront pas à faire d’un avocat un spécialiste de la procédure.
Avec nos remerciement renouvelés, et en restant à votre disposition,
Christophe Lhermitte
Avocat spécialiste en procédure civile
Cher Maître
Je vous remercie vivement d’avoir pris le temps de réagir suite à la publication de mon article et de l’avoir complété avec vos observations.
J’espère que les éclairages apportés par vos soins sensibiliseront nos lecteurs communs sur la spécificité de mener une procédure en appel.
Ayant moi-même eu l’opportunité de travailler au sein d’un cabinet spécialiste en procédure d’appel, je ne peux qu’approuver votre analyse concernant la complexité de mettre en oeuvre les dispositions du décret Magendie.
En effet, de la déclaration d’appel à l’arrêt, la surveillance des délais nécessite une grande agilité opérationnelle et une réactivité sans faille. Les moyens mis en oeuvre par les cabinets spécialistes en procédure d’appel pour répondre aux besoins caractéristiques de leur exercice sont bien évidement issus d’une longue expérience en la matière.
J’ajouterais à cela une capacité d’adaptation qui a fait ses preuves puisque les anciens avoués ont véritablement su mener de front le combat pour la défense de leur monopole et dans le même temps la préparation à la reconversion forcée. Reconversion forcée mais réussie et portée notamment par des initiatives stratégiques ou innovantes dont votre site est un bel exemple.
Par ailleurs, la proximité des anciens avoués avec les magistrats est un avantage considérable dans la construction de la jurisprudence qui vient petit à petit préciser la portée du décret Magendie.
Autant de points stratégiques qui laissent effectivement à penser que si les avoués sont devenus avocats, il n’est pas venu le temps où les avocats deviendront spécialistes de la procédure d’appel.
En toutes circonstances, je souhaite donc longue vie à votre site !
Je vous remercie enfin pour vos propos élogieux au sujet de mon article et suis ravie qu’il ait trouvé un écho auprès de vous.
Paola Predko
Consultant chez Lexlife, organisation et management des cabinets d’avocats