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Sujet : Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la roture

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Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la roture

de metropolitan   le Mar 03 Avr 2012 14:48

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Je suis un avocat de 38 ans ayant une expérience de 8 années dans de petites structures en province. J’ai traité de matières variées : droit commercial, droit des contrats, droit de la construction, droit social, droit des transports et assurances etc…

Souhaitant une nouvelle orientation pour ma carrière, je décide en 2010 d’effectuer un LLM au Royaume-Unis. Mon but étant, à l’issue du LLM, d’intégrer un cabinet international ou un cabinet d’affaires français et d’acquérir une nouvelle expérience dans les matières étudiées au cours du LLM, telles que Corporate, M&A ou arbitrage. Etant précisé ici que j’étais tout à fait disposé à être traité en débutant. Le socle de connaissances nouvellement acquis combiné à une expérience pratique de la matière juridique me rendaient très optimiste quant à mes chances de succès.

Hélas ! Alors que je poursuivais mon LLM j’ai vite compris que ma volonté de réorientation au sein de la profession serait vaine. La vérité est qu’aujourd’hui un avocat ayant 8 années d’expérience, parlant anglais, ayant des compétences certaines et un socle de connaissance en corporate, finance et arbitrage ne peut envisager un seul instant une réorientation et un nouveau départ. Cette réalité est autant absurde que choquante. Tant les cabinets internationaux, ceux-là même qui se piquent de diversité, que les cabinets plus modestes sont absolument intransigeants et font obstruction à toute personne qui n’est pas vierge d’une expérience différente. Le résultat est que je me vois refuser tout espoir d’embauche non pour des raisons de compétences mais en raison de mon âge et de mon expérience passée, perçue non comme un atout potentiel mais comme une infirmité.

Depuis plusieurs mois j’essaie de comprendre les raisons d’une telle intransigeance. Je n’attache aucun crédit à l’argument selon lequel le mode de fonctionnement de ces cabinets serait tellement spécifique qu’il empêcherait toute possibilité d’adaptation pour qui viendrait d’un environnement extérieur et différent. Je veux bien croire qu’il y ait une spécificité des cabinet d’affaires, mais cela est-il insurmontable pour une personne de 38 ans, normalement pourvue de bon sens et de capacité d’adaptation ? Evidemment non…

Je crois que l’ensemble des professionnels de ces cabinets est persuadé de faire partie d’une classe à part, d’une caste, d’une coterie, d’une espèce d’élite du droit. L’analogie avec l’aristocratie est frappante. Tout comme la noblesse s’acquérait par la naissance, la possibilité d’évoluer dans ces cabinets n’est possible qu’à condition d’y avoir débuté sa carrière (généralement par le stage). Seuls ceux dont l’accouchement professionnel s’est effectué au sein des cabinets internationaux se verront donner le droit de faire partie de cette classe et d’évoluer en son sein : de stagiaires à collaborateurs junior puis sénior et enfin associés. Malheur à celui qui, au lieu de naître dans un château, naît dans une chambre de bonne ou dans une grange. Pour celui-ci il est déjà trop tard, malgré ses qualités et ses efforts. Si tous les chemins mènent à Rome, un seul et unique permet l’accès à ces cabinets, ce qui laisse songeur quant à leur vision du monde et des hommes.

En septembre 2011, j’ai réussi, grâce à une personne des RH d’un cabinet international, à avoir un entretien avec l’ensemble des associés du département Corporate. Ils ont finalement décidé de ne pas me prendre au motif que mon profil « constituait un risque pour eux » (sic).
Je cherche encore aujourd’hui en quoi mon profil constitue un risque différent du risque normal qu’implique tout recrutement. Ne voulant voir que ce qu’ils pourraient perdre et non ce qu’ils pourraient gagner à embaucher un profil différent et non formaté comme le mien, ces cabinets se privent de diversité, de points de vue différents et certainement d’une plus value au quotidien. Plus profondément, le prétendu risque que constituerait un profil comme le mien masque mal les vrais motifs de l’intransigeance des cabinets d’affaire : un mépris certain pour une expérience acquise dans de petites structures en province, une peur de la différence et un manque de courage.

Cela est triste. Pour moi. Pour eux.

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de Mon ego et moi   le Mar 03 Avr 2012 16:29

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Bonjour,
Votre témoignage est assez effarant. Le "risque" prétendu par les associés, c'est celui de l'ombre que vous pourriez porter sur leurs propres aptitudes ?
MEEM
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   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de classicus   le Mar 03 Avr 2012 16:50

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Bonjour
votre témoignage est consternant. Compte tenu de votre "profil" et de votre initiative personnelle de vous orienter sur d'autres domaines j'aurais pensé que vous auriez pu intéresser au moins "un" Cabinet !!! :(
Avez vous "essayé" tous les cabinets parisiens "internationaux" ?
Avez vous candidaté dans des cabinets anglo-saxons: anglais ou US à Londres notamment....? "Histoire" de comparer leur approche de votre cas ?
Quel genre de risque représentiez vous ? (outre l'ombre...)
Quels sont vos projets actuels ?
Courage quand même ! :D

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de metropolitan   le Jeu 05 Avr 2012 13:50

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Je n'ai aucune idée de ce que pourrait recouvrir ce prétendu risque. Je ne suis même pas sûr qu'ils le savent eux-mêmes. Peut être pensent-ils que, n'ayant jamais été formaté, je ne pourrai de fait pas m'adapter. Il leur aurait suffi de mettre une période d'essai de trois mois dans le contrat de collaboration pour se voir rassurés. Ils n'étaient visiblement pas décidés à opter pour cette simplissime solution. Ce qui me fait penser que la vrai raison n'est pas là mais est plutôt à trouver dans le mépris pour un profil comme le mien.

Mais il y a peut être autre chose. Tous ces avocats sont vraiment persuadés de faire partie d'une classe à part. De mes discussions je peux témoigner que cette idée est déjà présente dans la tête des stagiaires de ces cabinets, ce qui est effarant. En gros leur croyance est que seuls certains, de par leurs qualités supérieures, peuvent évoluer dans un environnement international et traiter avec des clients parmi les plus exigeants. C'est la raison pour laquelle les cabinets internationaux ne recrutent que des avocats qui viennent...des cabinets internationaux. C'est une espèce de circuit fermé. Recruter un profil comme le mien fissure cette croyance. C'est reconnaitre qu'un avocat lambda (comme moi), pourvu d'un minimum de bon sens et de motivation, peut tout à fait évoluer dans ce genre de cabinet. Le prestige et l'ego en prend un coup ainsi que l'image véhiculée auprès des clients de ces cabinets.

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de classicus   le Jeu 05 Avr 2012 14:45

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Bonjour,
Et maintenant quels sont vos projets ?

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de metropolitan   le Jeu 05 Avr 2012 14:54

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J'essaie de me me recentrer sur des postes de collaborateurs qui correspondent à mon expérience. Sans grande motivation néanmoins.

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de mikado20   le Jeu 05 Avr 2012 15:52

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Je comprends votre exasperation, mais je trouve que votre situation s'inscrit d'avantage dans le probleme plus large de la reorientation et du manque d'ouverture d'esprit en France a ce sujet.

Je ne vois pas bien en quoi la profession d'avocats d'affaires en cabinets internationaux differe d'autres professions tout aussi fermees a cette idee.

Pour rester dans le milieu des cabinets d'avocats, un avocat evoluant a Paris dans un cabinet "prestigieux" pourra aussi rencontrer des difficultes lorsqu'il souhaitera se relocaliser dans un cabinet en province ;)

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de Bardamu   le Jeu 05 Avr 2012 18:53

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Débat intéressant.

S’il est vrai que ces cabinets ne sont pas très téméraires (même si ce terme n’est pas forcément très approprié) en terme de recrutement, et ce malgré leurs brochures marketing prônant la diversité, je pense que le problème vient plus du fait qu’en France nous sommes trop souvent catalogués selon notre diplôme puis par nos expériences, bien plus qu'à l'étranger. Je peux me tromper mais je ne pense pas que le problème provienne uniquement de l’ego démesuré même si bien trop souvent présent dans ces structures.

On retrouve le problème un peu partout, ainsi en finance un HEC aura très souvent une préférence pour recruter un HEC, un X pour un X, etc. bref il se rattachera à ce qu’il connait.

Je vais me faire l’avocat du diable mais il faut savoir que dans ces structures il y une hiérarchie très précise avec un schéma (je caricature) qui est le suivant :

- 25-26 ans : collaborateur junior
- 31-32 ans : collaborateur senior
- 34/35 ans : counsel/associé

Etant précisé que chaque avocat ne passant pas l’étape supérieure est prié d’aller voir ailleurs, les compétences n'étant bien sur pas LE critère de séléction, le relationnel est extremement important. L’espérance de vie est courte et passé 10 ans vous êtes trop vieux (vient ensuite le problème de que faire ensuite car la réorientation est compliquée pour tous le monde).

Pour avoir vécu la situation j’ai déjà vu un cabinet donner sa chance à un avocat en pleine réorientation. Il s’est retrouvé la trentaine bien entamée sous la subordination d’un petit jeune, je vous laisse imaginer la réaction face aux taches ingrates que l’on demande en début de carrière aux jeunes collab… Vous me direz qu’à bercy c’est la même chose, quand des énarques débarquent à la sortie de l’école encadrer des vieux loups de mer le management peut s’avérer assez rock n’roll …

Pour revenir à nos cabinets internationaux il faut bien avoir à l’esprit que les premières années sont très ingrates et que les missions demandées s’assimilent plus à du secrétariat avec des horaires extensibles et un management par la peur dans certaines structures. Forcément ça marche mieux avec un petit jeune de 25 ans sortant de l’EFB qu’un trentenaire aguerri ;-)

Dernier point non negligeable mais dans ces structures la tendance est à l'ultra spécialisation, autant vous dire que même si vous montrez patte blanche avec stages et collab dans ces cabinets, si votre experience acquise ne colle pas parfaitement à ce qu'ils recherchent vous ne serez pas mieux reçu.

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de popies   le Ven 06 Avr 2012 11:26

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Bonjour Metropolitan,

votre témoignage est intéressant et ne m'étonne guère.

Cela étant, avez-vous songé à passé par le biais des cabinets de recrutement? ils offrent l'avantage de soumettre et de défendre votre profil auprès du futur "employeur" ( le tout de manière anonyme) et de permettre de contourner la "psychorigidité " du services RH de certains cabinets internationaux.

A titre d'exemple, ma candidature spontanée (de stage pré-collaboration à l'époque) au sein d'un cabinet international avait été rejetée 15 min après son envoi par e-mail , par le service RH (donc même pas présenté aux associés) au motif que je n'avais pas de LLM ou business school , et ce en dépit des mon expérience professionnelle antérieure.

A mon grand étonnement, quelques semaines plus tard, un recruteur m'avait contactée pour un poste au sein du même cabinet pour une collaboration, en raison précisément de mon profil atypique.
J'ai passé un entretien avec le recruteur, mais entre-temps,je me suis engagée ailleurs, là où on ne me toisait pas.

Je ne regrette pas mon choix car certains cabinets, sans être "internationaux" traitent de gros dossiers d'envergure internationale, et offrent des rémunérations quasi-équivalentes aux cabinets anglo-saxons, avec des tâches bien plus intéressantes pour les collaborateurs débutants.

Gardez courage et confiance en vous.

   Re: Cabinets internationaux: une classe qui n'aime pas la ro

de Metodos   le Mer 25 Avr 2012 21:18

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Consternant en effet !

L'age pose sans aucun doute problème. Comme précisé plus haut avec quelques largesses : 25-28 (Junior), 32-36 (Senior), 36-40 (associé ou conseil).

A moins d'entrer dans une catégorie bien spécifique :
- Personnes venant d'autres professions juridiques : notaires, huissiers, magistrats, ENFIP notamment
- Docteur en droit / en général enseignant (ex ATER, MCF...) ou/et chercheur. Sur ce dernier point, principalement dans des domaines bien précis : PI, TIC, Immobilier, medical.

 
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