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Certificat d’urbanisme et motivation du sursis à statuer. Par Alice Darson, Avocat.
Parution : vendredi 19 avril 2024
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Selon le juge administratif, si un projet est susceptible de faire l’objet d’un sursis à statuer, le certificat d’urbanisme doit préciser, d’une part, le cas de figure permettant d’y procéder, et d’autre part, en quoi ce cas de figure est susceptible de s’appliquer à la parcelle considérée (CAA Lyon, 20 février 2024, req. n° 22LY03400). Cet arrêt constitue l’occasion de revenir sur la règlementation applicable en matière de certificat d’urbanisme et de sursis à statuer.

I. Un rappel de la règlementation en la matière s’impose.

Une demande de permis de construire doit être instruite sur le fondement des règles applicables au jour de sa délivrance.

Cependant, il n’est pas rare qu’une demande de permis de construire soit déposée, alors même qu’un PLU est en cours d’élaboration.

Dans une telle hypothèse, il est recommandé au pétitionnaire de déposer un certificat d’urbanisme, lequel aura notamment pour objet de cristalliser les règles applicables à sa demande, pendant un délai de 18 mois. [1]

En d’autres termes, le certificat d’urbanisme a pour objet de préserver le pétitionnaire de toute évolution défavorable des règles applicables à son projet, pendant 18 mois.

Toutefois, dans l’hypothèse où un PLU est en cours d’élaboration, l’administration a la possibilité de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire.

En effet, l’Administration peut sursoir à statuer sur une demande de permis de construire, dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du PLU, dans les deux hypothèses suivantes :
- la demande sera de nature à compromettre l’exécution du futur plan,
- la demande sera de nature à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. [2]

Ainsi, le juge administratif considère qu’est de nature à compromettre l’exécution du futur PLU le projet qui se situe sur un terrain qui deviendra inconstructible sous l’empire du futur PLU. [3]

Si le projet est susceptible de faire l’objet d’un sursis à statuer, le certificat d’urbanisme doit le mentionner. [4]

C’est le contenu de cette motivation que le juge administratif est venu préciser dans l’arrêt étudié.

II. Sur la motivation du sursis à statuer dans le certificat d’urbanisme.

L’arrêt étudié précise que, dans l’hypothèse où un certificat d’urbanisme indique que le projet est susceptible de faire l’objet d’un sursis à statuer, il doit préciser laquelle ou lesquelles des circonstances prévues par la règlementation permettent d’y procéder.

Précisément, le certificat d’urbanisme doit « préciser, d’une part, le cas de figure permettant d’opposer un sursis à statuer, mais également, d’autre part, en quoi, en l’espèce, ce cas est susceptible de s’appliquer à la parcelle considérée ».

Dans le cas de l’espèce, le projet portait sur la réalisation d’un lotissement de six lots, en vue de construire des maisons d’habitation.

Le certificat d’urbanisme litigieux s’est borné à indiquer que « l’attention du demandeur est attirée sur le fait que toute demande d’autorisation d’urbanisme : (...) pourrait faire l’objet d’une décision de sursis à statuer, étant donné que le Plan Local d’Urbanisme (PLU) est en cours d’élaboration ».

Or, le juge administratif a considéré qu’une telle motivation était insuffisante.

En effet, il a relevé que l’état d’avancement du futur PLU était suffisamment avancé pour prendre connaissance du zonage projeté sur le terrain d’assiette du projet, et que le projet était suffisamment précis pour pouvoir anticiper un futur refus de permis de construire.

Précisément, le futur PLU projetait un zonage agricole sur ce terrain, qui s’opposait à la réalisation du projet.

Ce sont donc ces éléments qui auraient dû apparaitre dans la motivation du certificat d’urbanisme, pour justifier le sursis à statuer.

En d’autres termes, le certificat d’urbanisme aurait dû préciser quel zonage ou dispositions du futur PLU étaient susceptibles de justifier un tel sursis à statuer, et de les confronter au projet du pétitionnaire.

Les administrations devront donc dorénavant être vigilantes sur la motivation de leurs certificats d’urbanisme, s’ils mentionnent la possibilité d’un sursis à statuer.

Un défaut de motivation pourrait entrainer l’annulation de la mention correspondante, qui est divisible, du certificat d’urbanisme.

Alice Darson Avocat à la Cour Barreau de Paris Docteur en droit public