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Permis de construire sur une parcelle située dans un site classé. Par Camille Ghesquiere, Avocat.
Parution : jeudi 28 mars 2024
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Le fait qu’une parcelle soit située dans le périmètre d’un site classé, ne fait pas obstacle à la délivrance d’un permis de construire. Celui-ci est en revanche soumis à autorisation et peut être délivré à l’issue d’un délai d’instruction dérogeant au délai de droit de commun.

I- L’allongement du délai d’instruction et la nécessité d’un accord exprès du ministre chargé des sites.

Le délai d’instruction d’une demande de permis de construire est, en principe, de deux mois pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle et de trois mois pour les autres demandes de permis de construire [1].

Passé ce délai, et sous réserve d’un dossier complet, il en résulte un permis tacite en cas de silence gardé par l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire [2].

Ces règles ne s’appliquent pas lorsque la demande de permis de construire porte sur une parcelle située dans le périmètre d’un site classé.

En effet, l’article R423-31, c) du Code de l’urbanisme prévoit, dans une telle hypothèse, que le délai d’instruction d’une demande de permis de construire est de huit mois.

Par ailleurs, l’octroi d’un permis de construire portant sur une parcelle située dans le périmètre d’un site classé est subordonné à « l’accord exprès » du « ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites » [3].

Ainsi, en l’absence d’accord exprès à l’issue du délai d’instruction, il en résulte une décision implicite de rejet. Autrement-dit, il ne peut y avoir de permis tacite lorsque la parcelle objet de la demande est située dans le périmètre d’un site classé [4].

Par ailleurs, l’autorité délivrante se trouve en situation de compétence liée ; c’est-à-dire qu’en cas de refus du ministre chargé des sites, celle-ci est tenue de refuser de délivrer le permis construire [5].

II- Un classement ne faisant pas obstacle à la délivrance du permis de construire.

Le classement d’un site ne fait pas obstacle, par principe, aux nouvelles constructions sur les parcelles situées dans son périmètre, ce que rappelle le juge administratif :
« Le classement d’un site sur le fondement des dispositions précitées du Code de l’environnement n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire toute réalisation d’équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l’état des lieux » [6].

L’accord ou le refus du ministre chargé des sites doit prendre en considération :

C’est ainsi que le caractère modeste du projet de construction, inséré dans un secteur bâti, sa visibilité limitée et sa préservation de la végétation, peuvent justifier l’octroi d’un permis de construire en site classé.

Pour une illustration, le juge administratif a considéré que l’avis défavorable du ministre chargé des sites était entaché d’erreur manifeste d’appréciation, pour un projet de construction de maison individuelle de faible ampleur, dans un secteur pavillonnaire, peu visible et ne portant pas atteinte à la végétation de la parcelle [9].

Une décision similaire a été rendue en ce sens à propos d’un projet de construction de deux pavillons, dans un secteur bâti pavillonnaire, à la visibilité limitée et pour lequel le pétitionnaire s’était engagé « à préserver les boisements masquant les constructions » [10].

Il est donc tout à fait possible d’obtenir un permis de construire pour un projet portant sur parcelle située dans un site classé.

Camille Ghesquiere, Avocat Barreau de Lille https://www.linkedin.com/in/camille-ghesquiere/

[1Art. R423-23 c. urb.

[2Art. L424-2 c. urb.

[3Art. R. 425-17 c. urb.

[4Art. R424-2 c. urb. ; CAA Marseille, 14 févr. 2013, n° 11MA00504.

[5CAA Nancy, 1ʳᵉ ch. - formation à 3, 7 févr. 2013, n° 12NC00756 ; CAA Nantes, 5ᵉ ch., 31 janv. 2023, n° 21NT02391.

[6CAA Versailles, 2ᵉ ch., 3 oct. 2019, n° 18VE00683 ; confirmé par CAA Bordeaux, 5ᵉ ch. (formation à 3), 21 mars 2023, n° 21BX01733.

[7CE, 2ᵉ - 7ᵉ ch. réunies, 3 oct. 2016, n° 398589, Lebon T. ; CAA Nantes, 5ᵉ ch., 31 janv. 2023, n° 21NT02391.

[8Idem.

[9CAA Versailles, 2ᵉ ch., 1ᵉʳ juin 2023, n°21VE02497.

[10CAA Versailles, 2ᵉ ch., 3 oct. 2019, n° 18VE00683.