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Articulation entre la régularisation des autorisations d’urbanisme et l’économie générale d’un projet. Par Saeed Khanivalizadeh, Elève-Avocat.
Parution : mardi 26 mars 2024
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Eu égard aux articles L600-5 et L600-5-1 du Code de l’urbanisme, la Haute juridiction administrative apporte, par un arrêt du 11 mars 2024, des explications à l’égard de la régularisation d’un permis de construire et de la nécessité de prendre en compte les évolutions potentielles d’un projet.

I. Régularisation d’un permis de construire conformément au Code de l’urbanisme.

S’agissant d’une contestation contre un permis de construire, l’article L600-5 du Code de l’urbanisme dispose que dans le cas où les autres moyens ne sont pas fondés, et qu’un vice ne concerne qu’une partie spécifique du projet, le juge administratif est confronté à deux options et ainsi en mesure de :

Dans le prolongement dudit article, nous constatons qu’un autre scénario a été présenté par l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme à l’égard du juge administratif confronté à l’hypothèse susmentionnée.

Aux termes des dispositions de cet article, un vice est susceptible d’être régularisé et c’est ainsi que le juge administratif va surseoir à statuer et fixer un délai pour régulariser le vice concerné.

II. Jurisprudence administrative sur la régularisation d’un permis de construire.

Afin de trouver une articulation entre les deux articles, il s’avère que les juges du Palais-Royal ont apporté à maintes reprises des clarifications à cet égard. Le Conseil d’Etat par un avis du 2 octobre 2020 précise que dans le cas où les vices peuvent être régularisés, le juge administratif est tenu, conformément à l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme, de surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre le permis de construire, à moins que :

A l’occasion de cet avis, la Haute juridiction indique qu’un tel vice affectant la régularité d’une autorisation d’urbanisme peut être régularisé, alors même que la régularisation nécessite « de revoir l’économie générale du projet », dans la mesure où les règles d’urbanisme, en vigueur à la date à laquelle le juge statue, autorisent une régularisation qui n’apporte pas à ce projet un bouleversement qui en modifie la nature (CE, avis 02 octobre 2020, n° 438318). Voir également : CE, 17 mars 2021, n° 436073 ; CE, 06 octobre 2021, n° 442182, Publié).

Ainsi, nous constatons que par un arrêt récent du 11 mars 2024 le Conseil d’Etat se prononce à l’égard de la régularisation d’un permis de construire.

Dans cette affaire, le maire de Nouméa a délivré à la SCI Fly 2018, par un arrêté du 3 octobre 2018, un permis de construire pour l’aménagement d’une piscine et d’un bloc sanitaire avec vestiaires et débarras. Un syndicat des copropriétaires a contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en demandant l’annulation de ce permis de construire.

Le juge administratif dans un jugement avant-dire droit du 16 mai 2019, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire initial, donnant ainsi à la SCI Fly 2018 un délai de trois mois pour présenter un permis de construire modificatif afin de régulariser les irrégularités. Par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif a jugé que ce permis modificatif a régularisé le vice, ne laissant subsister aucune autre illégalité et a par conséquent rejeté la requête du syndicat.

Toutefois, le syndicat a demandé à la Cour administrative d’appel de Paris d’annuler le jugement du 16 mai 2019 ainsi que le permis de construire initial et celui modificatif.

C’est dans ce contexte que le juge d’appel a fait droit à cette demande, les annulant par un arrêt du 24 février 2022 (CAA de Paris, 24 février 2022, n° 20PA01210).

A cet égard, M. Laurent Domingo indique dans ses conclusions publiées que la cour a commis trois erreurs de droit concernant l’application de l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme :

1) La cour a ignoré la nouvelle règle d’urbanisme, ce qui aurait dû être pris en compte. En outre, elle a refusé d’appliquer l’article L600-5-1, sans considérer la possibilité de régularisation.

2) La cour a seulement examiné le projet en litige pour l’application de l’article L600-5-1. Néanmoins, conformément à l’avis du 2 octobre 2020, quand bien même la régularisation exige de revoir l’économie générale du projet, sans en changer la nature, un vice peut être régularisé. Ainsi, la cour aurait dû envisager la possibilité que la Sci Fly 2018 modifie son projet, par exemple en renonçant à dispenser des cours de natation, ce qui aurait un impact, en l’occurrence, sur les exigences de stationnement.

3) Le juge d’appel a exigé une instruction détaillée pour envisager l’ajout d’une cinquième place de stationnement, quasiment traitant le cas comme une demande de permis modificatif. Toutefois, lors d’une demande de régularisation, le juge ne devrait pas demander un tel niveau de détail, mais seulement évaluer la possibilité de régularisation. Effectivement, cela relève de l’autorité administrative et du demandeur de trouver une solution qui satisfasse aux exigences du projet tout en respectant les règles d’urbanisme.

Eu égard à ces conclusions, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d’appel, soulignant sur la possibilité de recourir à une annulation partielle en application de l’article L600-5 du même code. Il précise que le juge ne devait pas baser son appréciation uniquement sur le projet actuel, sans considérer la possibilité pour le pétitionnaire de le modifier et d’en réviser l’économie générale, sans toutefois en modifier la nature (CE, 11 mars 2024, n° 463413).

Saeed Khanivalizadeh Elève-avocat